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La grogne monte contre les quotas de permis de travail

Pour Google, il est vital de pouvoir se développer en Suisse. Keystone

Les protestations formulées par de grandes entreprises comme Google font monter la pression pour que le gouvernement revoie à la hausse ses quotas de permis de travail.

Pour pallier la montée du chômage consécutive à la crise financière, le Conseil fédéral avait décidé, en décembre dernier, de diminuer de moitié le nombre d’autorisations de séjour de courte durée et des permis de travail accordés aux ressortissants de pays extérieurs à l’Union européenne, les ramenant à 3500 par an.

Les permis valides pour moins de douze mois sont couramment utilisés par les sociétés internationales qui recrutent du personnel hautement qualifié pour des projets spéciaux. De même que par les personnes venant suivre des études en Suisse qui prennent des emplois comme au pair.

Vague de mécontentement

La décision de Berne a déclenché une vague de mécontentement de la part des cantons, chargés de dispenser les permis aux diverses multinationales actives dans le pays.

Les protestations les plus bruyantes ont émané de Google, qui s’est plaint de se voir forcé à une «réduction drastique» du personnel spécialisé de son centre européen de recherche et de développement à Zurich.

Le porte-parole du géant d’Internet, Matthias Graf, a précisé que certains projets devraient être rapatriés outre-Atlantique si le quota de permis de travail n’était pas rapidement augmenté. Les critiques pleuvent également de la part du quartier général américain de l’entreprise.

Des menaces analogues

L’un de ses porte-parole a ainsi indiqué à swissinfo.ch que Zurich était un centre technologique international pour le Moyen-Orient, l’Europe et l’Afrique et, de ce fait, devait pouvoir embaucher divers collaborateurs de haut niveau.

La société a ajouté qu’elle souhaitait rester fidèle à Zurich, mais qu’il était vital pour elle de pouvoir se développer en Suisse et qu’il lui fallait pour cela plus de permis qu’elle n’en a obtenu.

Et Google n’est pas la seule. De son côté, IBM a proféré des menaces analogues. Et la société de consulting Accenture a gelé plusieurs projets parce que les spécialistes IT dont elle avait besoin n’étaient pas autorisés à venir en Suisse.

Dans le secteur bancaire également, UBS, Credit Suisse et Julius Bär ont des difficultés à faire venir du personnel. L’Association suisse des employés de banque affirme également que d’«importants projets» sont en jeu.

Diverses régions affectées

L’association a appelé à une augmentation des quotas, en précisant que, sinon, des compagnies en mal de spécialistes étrangers quitteraient le pays et que la reprise économique pourrait être ralentie, voire même bloquée dans certains secteurs.

Swico, l’association de l’industrie IT a, de son côté, déclaré que nombre de sociétés déjà en mauvaise posture dans diverses régions ont été directement affectées par la diminution des quotas. «C’est préoccupant, d’autant que le gouvernement fait de la promotion pour attirer des entreprises étrangères», a indiqué un porte-parole.

Swico a écrit à l’Office fédéral de la migration (ODM) pour exprimer son souci. L’ODM lui a répondu que le gouvernement était conscient du besoin de spécialistes qualifiés extra-européens et qu’il tiendrait compte des intérêts de l’économie suisse lorsqu’il se prononcera sur l’augmentation des quotas. Le Conseil fédéral doit en effet se pencher sur la question au mois de juin.

Mais face à cette grogne croissante, la ministre de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf a annoncé qu’elle allait rédiger un projet «le plus vite possible» afin de le présenter au gouvernement d’ici juin.

Pas de consultation

Cette décision fédérale a également été dénoncée par les cantons lorsqu’elle a été appliquée en 2010. En février, la Conférence des directeurs cantonaux de l’Economie a également écrit dans ce sens à Mme Widmer-Schlumpf.

Elle a exprimé sa préoccupation devant une décision prise sans consultation préalable des cantons, des entreprises ou des syndicats et averti qu’elle pouvait avoir un «impact dramatique» sur l’économie et nuire au statut de la Suisse en tant que pays hôte d’entreprises internationales.

Vaud figurait parmi les premiers cantons à protester auprès du Conseil fédéral quand les permis à durée limitée ont été diminués de moitié.

«Nous considérons que cette décision est illégale, nous a affirmé François Vodoz, du service cantonal de l’emploi. Le Conseil fédéral était tenu de consulter les cantons, ce qu’il n’a pas fait. Cette décision pénalise fondamentalement le développement économique des entreprises comme le dynamisme des cantons et va à l’encontre de toutes les options économiques prises au niveau fédéral.»

Incertitude

Selon M. Vodoz, les 140 permis de courte durée attribués au canton de Vaud pour 2010 étaient épuisés dès la mi-janvier. En dépit de quelques petits ajustements, il n’a pas été possible de répondre aux demandes des entreprises.

Et de préciser que le canton de Vaud a enregistré une croissance économique et vu des emplois se créer en 2009, et qu’il avait par conséquent besoin d’un plus grand nombre de permis.

«Pour nous, c’est clairement un coup d’arrêt. Tous les secteurs ont été affectés par cette réduction. Je pense que la situation est pareille dans tous les cantons qui font preuve d’un certain dynamisme.»

«Ces permis sont utilisés pour des personnes hautement qualifiées et qui apportent une plus-value économique et scientifique à la Suisse, ce qui génère souvent d’autres emplois et ne pénalise en rien les Suisses en matière d’emploi», poursuit François Vodoz.

Et de conclure: «il n’y a aucun lien avec le problème du chômage. Cette décision était purement politique et n’était basée sur aucun aspect économique concret».

Jessica Dacey, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger)

En mars 2010, le taux de chômage a diminué de 0,2% à 4,2%, selon le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco).

Le chiffre de mars affiche la plus forte diminution enregistrée en trois ans. Un peu plus de 166’000 personnes étaient enregistrées en mars, en majorité des étrangers.

C’est parmi les jeunes que le taux de chômage a le plus diminué: de 4,8% en mars par rapport à février.

Certains secteurs industriels se remettent plus rapidement que d’autres.

Le Seco prévoit une croissance économique de 1,4% en 2010, contre 0,7% prévu auparavant.

La Suisse a établi un système dual en matière d’accès au marché du travail pour les étrangers.

Quelles que soient leurs qualifications, les ressortissants de l’UE et des pays membres de l’OCDE bénéficient d’un accès facilité au marché du travail, en vertu de l’Accord sur la libre circulation des personnes.

Les travailleurs des autres pays – dits du 3e cercle – sont admis en nombre limité, s’ils sont qualifiés.

Les ressortissants des pays du 3e cercle ne peuvent être admis que si personne d’autre ne peut être recruté en Suisse ou dans un autre pays de l’UE ou de l’OCDE.

Priorité est donnée aux ressortissants suisses et aux étrangers résidant en Suisse, ainsi qu’aux ressortissants des pays avec lesquels la Suisse a signé l’Accord de libre circulation des personnes.

En général, les spécialistes et personnes qualifiées sont admis.

Parmi les requérants d’un permis de travail à court terme figurent les jeunes filles au pair qui bénéficient du droit de résider dans le pays jusqu’à un an.

Dans plusieurs cantons, le quota annuel pour les personnes non européennes a été épuisé en quelques semaines.

Julia Steiner, directrice d’une agence officielle de personnel au pair du canton de Vaud, s’est vue notifier à la mi-janvier qu’il n’y avait plus de permis disponibles. En conséquence, des familles désespérées se voient forcées de recruter en marge de la loi.

«Dans les familles où les deux parents travaillent, la seule issue est d’engager des jeunes filles au noir», explique-t-elle.

Julia Steiner, comme d’autres agences, estime que les restrictions pénalisent les familles et plaide pour que les jeunes filles au pair bénéficient d’un permis de travail différent, puisqu’elles ne sont pas engagées à court terme.

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