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La planète Nestlé ne connaît pas la crise

Keystone

La récession frappe de façon très inégale. A Vevey, le géant alimentaire suisse l'ignore complètement. Il a présenté jeudi des résultats 2008 record avec des ventes de 110 milliards de francs pour un bénéfice de 18 milliards (+70%).

En période de récession, on peut en effet toujours repousser l’achat d’une voiture et la réservation de ses vacances sous les tropiques, mais on ne cesse pas pour autant de boire et manger.

Et quand on vend des aliments sur la planète entière, avec une gamme de produits universels, les résultats sont là.

Présent sur les cinq continents, Nestlé a enregistré des ventes consolidées de 109,9 milliards de francs (+2,2%) et un bénéfice net de 18 milliards de francs (+69,4%) en 2008. Cette hausse s’explique toutefois pour moitié par la vente de la participation de 24,8% dans Alcon à Novartis. En excluant la cession du groupe de soins ophtalmologiques, le bénéfice se serait
inscrit à 8,8 milliards de francs, inférieur de près de 17% au record de 2007.

A l’heure où les banques, l’horlogerie et le secteur des machines grimacent sérieusement, c’est un rayon de soleil sous un ciel tempétueux.

Surfer sur la crise

Comment fait-on pour surfer sur la crise quand les vagues déferlent de partout ? Le «modèle Nestlé» version Paul Bulcke veut combiner une bonne politique de prix à l’innovation et la rénovation continue de ses produits, assure le CEO belge, qui repris l’une des deux casquettes détenues par le président autrichien Peter Brabeck.

Des cubes Maggi aux capsules Nespresso en passant par les confiseries Kit Kat, les glaces Mövenpick et les eaux minérales San Pellegrino, le consommateur peut n’ingurgiter que des produits Nestlé, tant la gamme est complète, assure le directeur financier James Singh. «Il existe 150 produits de confiserie qui sont numéros 1 et 2 sur leur marché.»

Malgré la crise, même le secteur des aliments pour animaux domestiques cartonne pour atteindre 12 milliards de francs. Médor et Minet peuvent se lécher les babines, leurs maîtres ne lésinent pas.

Nouvelle usine à Payerne

«Même si les consommateurs apprennent à discipliner leurs dépenses, ils peuvent faire des économiques de restaurant, mais cela profitera aux vendeurs de produits culinaires», plaisante à peine Paul Bulcke, qui précise à propos des ventes de glaces et de chocolat: «Cela ne fait pas de mal d’amener un peu de douceur dans un monde de brutes.»

A l’heure du café, Nespresso peut se vanter d’avoir doublé ses ventes de capsules en deux ans pour atteindre un montant de 2 milliards l’an dernier. «En 2008, Nespresso a ouvert 44 boutiques dans le monde et chaque minute quelque 8000 capsules sont écoulées».

C’est à Avenches, dans le canton de Vaud qui abrite aussi le siège mondial de Nestlé, qu’une nouvelle usine a été ouverte l’an dernier pour un investissement de 300 millions de francs et une production annuelle de 4,8 milliards de capsules multicolores.

Pour les riches et les moins riches

Tous les marchés alimentaires des cinq continents ont progressé: la zone Europe un peu moins vigoureusement avec 5,6 % (l’Ukraine est le pays le plus touché par la crise), alors que les zones Amériques, Asie, Océanie et Afrique dépassent les 10 à 12%. En revanche, le secteur des eaux minérales est en baisse (- 1,6%), surtout en Europe occidentale et en Amérique du Nord, alors que les pays émergents croissent de 20%.

Pour l’avenir, c’est la pyramide des classes de population qui donne le sourire à Nestlé avec la perspective de pouvoir nourrir un milliard de nouvelles bouches ces dix prochaines années. La classe des revenus de 13’000 à 20’000 dollars par an devrait croître de 11% d’ici 2015 et celle de plus de 20’000 dollars pourrait augmenter de 40 % d’ici une demi-douzaine d’années.

Pour les plus pauvres, Nestlé s’appuie sur son programme intitulé PPP (Popularity Positioned Products) qui veut offrir aux consommateurs à plus faibles revenus une gamme de produits nutritifs de qualité à des prix quotidiennement abordables. Pour l’Amérique latine, cette gamme est en augmentation de plus de 50%.

Pas un seul bémol ?

En Afrique du sud et en Afrique occidentale, ainsi qu’au Proche-Orient, la hausse atteint les 40%, assure la multinationale helvétique forte de ses 280’000 collaborateurs et qui prévoit pour 2009 une progression de ses résultats de l’ordre de 5 % : «La stratégie adoptée par Nestlé fait de nous les meilleurs au monde, quel que soit l’environnement économique.»

Pas un seul bémol dans cette symphonie alimentaire et financière ? Le chapitre des bonus qui a terni la réputation du monde bancaire suisse ne touche-t-il pas la direction de Nestlé ?«La politique salariale de la direction générale est du ressort d’un comité de rémunération indépendant, tout cela dans la plus grande transparence et en fonction des résultats obtenus. Il n’y a pas de raison de modifier cette politique et il n’y a rien à ajouter», a répliqué le directeur financier James Singh à l’heure des questions.

swissinfo, Olivier Grivat

Les résultats de la multinationale ont largement dépassé les attentes des analystes au point que la Bourse ne s’y est pas trompée.

L’action Nestlé a pris l’ascenseur à l’annonce des résultats, dépassant 6% quelques heures seulement après l’annonce des résultats.

Avec un dividende porté à 1 franc 40 par action (+15%), cela porte le rendement de l’action Nestlé à une rentabilité de 3,8% – un taux que les meilleurs placements bancaires suisses n’osent plus faire miroiter depuis longtemps.

Le conseil d’administration (composé de deux femmes pour 13 hommes) a désigné une femme pour prendre un poste de direction générale, ce qui constitue pour l’heure un cas unique dans un monde d’hommes.

Sud-Africaine, Petraea Heynike possède également le passeport britannique.

Elle va prendre les commandes des unités d’affaires stratégiques, marketing, ventes et Nespresso.

Mariée avec trois enfants, cette sexagénaire a suivi des études de psychologie, mathématiques et statistiques, ainsi que les cours de l’IMD à Lausanne. Elle parle anglais, français et afrikaner.

Chapitre délicat dans le grand livre de Nestlé, sa participation dans l’entreprise de cosmétique L’Oréal, détenue majoritairement par la famille française Bettencourt.

Un accord entre les deux partenaires a été rendu public: la famille Bettencourt et Nestlé conserveront l’intégralité de leurs actions L’Oréal au moins jusqu’au 29 avril, date du versement du prochain dividende.

Les deux parties se sont engagées à ne pas augmenter leurs participations respectives du vivant de Mme Liliane Bettencourt et même six mois au-delà.

Un engagement que Nestlé honorera «quelle que soient les circonstances», est-il précisé.

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