«La protection du climat renforce la sécurité de l’approvisionnement énergétique de la Suisse»
La nouvelle loi sur le climat contribue à l'indépendance énergétique de la Suisse et offre des opportunités à l'économie nationale, affirme Jaqueline de Quattro, députée du Parti libéral radical. Interview*.
Le 18 juin, le peuple suisse sera appelé à voter sur la Loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l’innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique (loi sur le climat). Ce contre-projet à l’initiative «Pour les glaciers» demande que la Suisse réduise ses émissions nettes de gaz à effet de serre à zéro d’ici à 2050. L’objectif est d’accélérer la transition vers les énergies renouvelables et de rendre le pays moins dépendant des importations d’énergie.
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Jacqueline de Quattro, membre du Parti libéral radical à la Chambre du peuple (Conseil national), défend la nouvelle loi, contre laquelle un référendum a été lancé avec succès.
IciLien externe le lien vers la nouvelle loi sur le climat
Les explicationsLien externe sur la loi sur le climat sur le site de l’Office fédéral de l’environnement
Le siteLien externe du comité favorable à la nouvelle loi sur le climat
Le siteLien externe du comité opposé à la nouvelle loi sur le climat
swissinfo.ch: La nouvelle loi sur le climat ne prévoit pas une interdiction explicite des énergies fossiles. Mais pour parvenir à la neutralité climatique, il faudra bien renoncer à l’essence, au mazout et au gaz. D’où va arriver l’énergie pour faire rouler les voitures et chauffer les maisons?
Jacqueline de Quattro: Jusqu’à présent, la Suisse a accordé trop peu d’attention à la restructuration de son approvisionnement énergétique. Nous devons donc rattraper ce retard. Le parlement et le Conseil fédéral ont pris les mesures qui s’imposaient. Plusieurs facteurs sont essentiels. L’approvisionnement doit être largement diversifié. Outre l’hydroélectricité, le photovoltaïque sera un autre pilier de l’approvisionnement énergétique.
L’éolien est aussi appelé à jouer un rôle important dans le mix énergétique. Il produit les deux tiers de son électricité en hiver et sera donc complémentaire à nos parcs photovoltaïques et à nos barrages. De plus, nous devons mieux collaborer avec nos voisins européens et la capacité de stockage doit être augmentée.
Décider de renoncer aux énergies fossiles dans un contexte marqué par la crise énergétique et la guerre en Ukraine, où le risque de pénurie d’électricité est souvent évoqué, n’est-ce pas hasardeux?
En investissant dans l’innovation, sans interdictions ni taxes, la Suisse deviendra progressivement climatiquement neutre. Cette approche équilibrée protège efficacement le climat tout en offrant des opportunités à l’économie suisse. La promotion de l’innovation crée de la valeur ajoutée, des places de travail en Suisse et des marchés pour l’exportation.
Par ailleurs, le contexte géopolitique actuel a révélé notre dépendance de l’étranger et aux énergies fossiles. Notre indépendance énergétique atteint en effet à peine 30%. En comparaison, notre autosuffisance alimentaire, souvent jugée insuffisante, s’élève à près de 60%. La crise nous oblige donc à trouver rapidement des alternatives, c’est-à-dire développer les énergies renouvelables et renforcer notre efficience énergétique.
Le peuple ne veut pas de taxes sur le CO2. Le Parlement a donc décidé d’accorder des subventions aux propriétaires de maisons pour changer leur chauffage. Mais est-ce vraiment à l’ensemble de la population, composée en majorité de locataires, de payer pour une minorité de propriétaires?
La loi sur le climat contient des mesures concrètes incitant au remplacement des chauffages et à la rénovation des bâtiments. Nous utiliserons ainsi l’énergie plus efficacement. Grâce à ces incitations, nous protégeons non seulement le climat mais renforçons aussi l’économie. Les entreprises peuvent planifier de manière plus sûre car la demande est garantie. Les propriétaires reçoivent un soutien financier pour remplacer les chauffages au mazout, au gaz, et électriques énergivores.
L’assainissement des bâtiments est encouragé pour améliorer l’efficacité énergétique. Cela entraîne une réduction des coûts et une baisse des charges, ce qui profite directement aux locataires.
Quel sera l’effet de la loi sur le climat sur l’indépendance énergétique de la Suisse?
Grâce à la loi sur le climat, l’utilisation de combustibles fossiles (pétrole et gaz, dont 100% proviennent de l’étranger) sera réduite. Cette énergie est remplacée par l’électricité, qui est fournie en Suisse par le biais des énergies renouvelables. Exemples: les pompes à chaleur au lieu des appareils de chauffage au gaz ou au mazout. Ou des voitures électriques au lieu de voitures à essence.
Chaque investissement dans les énergies renouvelables diminue la dépendance vis-à-vis des pays étrangers. Nous nous libérerons ainsi progressivement de notre dépendance vis-à-vis du pétrole et du gaz importés. La protection du climat renforce donc la sécurité de l’approvisionnement énergétique en Suisse.
Les opposants à la loi affirment que pour atteindre les objectifs climatiques le paysage suisse va être recouvert de panneaux solaires et d’éoliennes. Doit-on faire des concessions, par exemple au niveau du paysage ou de l’environnement, au nom de la neutralité climatique?
Il faut savoir ce qu’on veut. Les opposants préfèrent-ils le retour des centrales atomiques? Pas sûr que la population y soit majoritairement favorable.
En Suisse, on procède toujours à une pesée des intérêts. Les bâtiments résidentiels et commerciaux, les infrastructures, les hôpitaux et les bâtiments scolaires nécessitent des compromis. Dans le secteur solaire, d’innombrables surfaces de toit peuvent être utilisées. Les éoliennes existantes à une distance suffisante des zones résidentielles ne provoquent plus de résistance à l’étranger.
Nos problèmes actuels de biodiversité ne sont pas causés par l’expansion des énergies renouvelables mais par l’augmentation de la population, de ses besoins et par le changement climatique.
La Suisse n’est à l’origine que du 0,1% des émissions globales. Pourquoi doit-elle viser la neutralité climatique en sachant que cela n’aura aucun effet sur le climat de la planète?
La Suisse a signé l’Accord de Paris sur le climat. Cet accord stipule que chaque État fera sa part. Par ailleurs, la Suisse dispose des connaissances et des compétences nécessaires à ce changement, comme peu d’autres pays.
Dans notre pays, les dommages et les coûts liés au changement climatique sont déjà bien visibles. Les sécheresses, les bouleversements météorologiques et la fonte accélérée des glaciers en sont des preuves tangibles. L’augmentation des températures moyennes en Suisse est en effet deux fois plus élevée que la moyenne mondiale.
«Chaque investissement dans les énergies renouvelables réduit la dépendance à l’égard de l’étranger»
Aujourd’hui déjà, le coût des dégâts climatiques en Suisse se chiffre à plusieurs milliards de francs et celui des mesures d’adaptation à des centaines de millions par an. Plus nous attendons, plus cela nous coûtera.
Le peuple suisse a décidé la sortie progressive de l’atome. Mais de nombreuses voix, à l’étranger comme en Suisse, affirment que le nucléaire, en tant que source d’électricité qui n’émet pas ou peu d’émissions, ne peut pas être négligé dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’atome a-t-il encore un rôle à jouer dans la crise climatique?
La solution ne peut pas venir à brève échéance du nucléaire, même si la technologie a évolué. Car l’acceptation populaire est loin d’être acquise, les coûts restent élevés et la question des déchets n’est pas maîtrisée.
L’appel à la technologie nucléaire ne vient d’ailleurs pas des économistes de l’énergie. La nouvelle technologie présentée comme LA solution est en effet jugée par les experts comme étant loin de la maturité industrielle. Les grandes entreprises électriques sont très sceptiques. L’industrie financière (investisseurs et assureurs) devra également affronter de grosses difficultés au vu de l’histoire plutôt catastrophique de la construction de nouvelles centrales en Europe et ailleurs.
>> Michael Graber, conseiller national de l’Union démocratique du centre, explique pourquoi il est opposé à la nouvelle loi sur le climat:
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«Je ne veux pas sacrifier la prospérité du pays juste pour avoir bonne conscience»
*l’interview a été réalisée par écrit
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