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La réforme de la loi sur l’égalité, un petit pas qui ne va pas suffire

Femmes tapant sur un couvercle de casserole lors d une manifestation féministe
Un an après la grève des femmes du 14 juin 2019, les femmes sont à nouveau descendues dans la rue pour réclamer des changements. Keystone / Jean-christophe Bott

La nouvelle loi sur l’égalité, qui entre en vigueur ce mercredi, permettra-t-elle d’éliminer les discriminations salariales que subissent les femmes? Les plus grandes entreprises du pays ont un an pour contrôler qu’elles ne rémunèrent pas différemment leurs employés en fonction de leur genre. Cela ne suffira pas, estime une spécialiste en droit du travail.

Trente-neuf ans après l’inscription du principe de l’égalité entre femmes et hommes dans la Constitution et 24 ans après l’entrée en vigueur de la loi qui la concrétise, les inégalités persistent. En Suisse, il y a en moyenne 1455 francs de moins par mois sur la fiche de salaire des femmes que sur celle des hommes, selon le Bureau fédéral de l’égalitéLien externe.

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Environ 56% de cette différence s’expliquent par des facteurs objectifs tels que la position professionnelle, l’ancienneté ou le niveau de formation. Toutefois, 44% de l’écart de salaire ne s’expliquent pas et recouvrent une potentielle discrimination salariale.

Dès ce mercredi, un nouvel outil légal permet de traquer les discriminations. Les entreprises d’au moins 100 collaborateurs ont l’obligation de passer leurs salaires au peigne fin, jusqu’à juin 2021, pour s’assurer que collaboratrices et collaborateurs ne sont pas rémunérés différemment.  Si la nouvelle législation permet d’instaurer une certaine transparence, les mentalités doivent encore évoluer, estime Christine Sattiva Spring, avocate spécialiste en droit du travail et chargée de cours à l’Université de Lausanne.

swissinfo.ch: La réforme de la Loi fédérale sur l’égalité (LEg)Lien externe a-t-elle le potentiel d’éliminer les inégalités salariales entre femmes et hommes?

Christine Sattiva Spring: Probablement pas. Il s’agit d’un petit pas vers l’égalité entre femmes et hommes, mais ça ne va pas suffire. La réforme de la Leg a toutefois deux effets intéressants. Premièrement, elle instaure une certaine transparence. Les collaborateurs pourront connaître les salaires en vigueur dans leur entreprise. Cela permettra aussi à l’employeur de se rendre compte des différences salariales au sein de son personnel, dont il n’est souvent pas conscient. Certaines personnes ont été engagées dans des périodes difficiles, certaines ont su mieux négocier que d’autres. Ainsi, il y a des différences considérables entre les salariés en général, qui sont encore plus criantes entre les femmes et les hommes.

+ Les critiques des syndicats

En l’absence de sanctions prévues par la loi, les entreprises seront-elles prêtes à aller jusqu’au bout du processus et à corriger les inégalités?

Les entreprises ne s’exposent certes pas à des sanctions. Cependant, comme les collaborateurs et les actionnaires doivent être informés des résultats de l’analyse des salaires, certaines personnes vont se rendre compte que le salaire moyen dans leur corps de métier est beaucoup plus important que le leur. Les syndicats pourraient ainsi être présents pour les aider à renégocier des adaptations de salaire.

Aurait-on dû aller plus loin en instaurant un mécanisme de sanctions?

Des sanctions ont toujours un petit caractère incitatif, mais encore faut-il qu’elles soient véritablement appliquées. Certains pays en ont, mais n’y ont pas vraiment recours. Je ne suis pas convaincue que la solution passe nécessairement par des mesures coercitives. La création d’un organisme qui puisse accompagner les plaignantes et qui aurait une certaine visibilité serait probablement plus utile. L’Allemagne dispose notamment d’une telle institution.

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Jusqu’ici, peu de femmes ont eu recours à la LEg pour dénoncer une discrimination. Pour quelle raison?

La LEg reste peu connue. Les tribunaux eux-mêmes l’utilisent peu. Souvent, ils ne connaissent pas le fonctionnement exact de la loi, notamment le mécanisme de l’allégement du fardeau de la preuve. Il suffit à la plaignante d’établir la vraisemblance d’une discrimination. Il revient ensuite à l’employeur d’apporter la preuve formelle qu’il n’y a pas de discrimination. Si on appliquait vraiment cet article, je suis persuadée que les choses seraient bien différentes.

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En tant qu’avocat, que recommandez-vous à une femme qui estime être victime d’une discrimination salariale?

Avant de s’engager dans une procédure, il faut que nous soyons sûrs d’avoir de solides éléments. L’idée est de ne pas exposer la plaignante, qui agit contre son employeur, pour rien. Souvent les gens viennent nous voir, lorsqu’ils ont déjà été licenciés. La personne qui attaque son employeur sur des questions d’égalité risque toutefois d’être stigmatisée et d’avoir du mal à retrouver un emploi.

En outre, la procédure en droit du travail est difficile, parce qu’un employeur trouve toujours quelque chose à reprocher à un collaborateur. L’employé parfait n’existe pas, tout comme le patron parfait. Certaines personnes pourraient sortir décomposées d’une action en justice contre leur employeur. Avant de lancer une procédure, je m’assure donc que la personne va résister et qu’elle est assez forte et battante pour aller au tribunal.

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Vingt-quatre ans après son entrée en vigueur, pourquoi cette loi souffre-t-elle encore d’un manque de notoriété?

Nous sommes dans un pays où la liberté de l’employeur est importante. Il y a aussi une longue tradition de traitement inégal des femmes et des hommes dans le monde du travail. De plus, la législation a souvent voulu être protectrice avec les femmes, en leur interdisant par exemple le travail de nuit. Au début du 20e siècle, une loi stipulait encore que les femmes devaient avoir congé le samedi après-midi pour faire leur ménage et leurs courses. Nous trainons ce genre de choses assez longtemps. Les mentalités doivent évoluer, et c’est ce qui prend le plus de temps.

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