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«La réforme de l’AVS se fera sur le dos des femmes»

Vania Alleva, présidente du syndicat Unia Anthony Anex

Il faut commencer par éliminer les discriminations salariales avant de vouloir faire travailler les femmes plus longtemps, estime la présidente du syndicat UNIA Vania Alleva. Elle est engagée dans le combat contre la réforme de l’assurance-vieillesse et survivants. Entretien.

Après deux échecs dans les urnes en 2004 et 2017, les Suisses se prononcent sur une nouvelle réforme de l’assurance-vieillesse et survivant (AVS) lors des votations fédérales du 25 septembre. L’objectif est de garantir l’équilibre financier du premier pilier du système suisse des retraites.

>> Pour connaître les enjeux de la votation sur AVS 21, consultez notre article explicatif:

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La mesure phare du projet est la hausse de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, à l’égal des hommes. Si cette harmonisation est considérée comme nécessaire par le gouvernement, le Parlement, ainsi que les partis de droite et du centre, elle a provoqué une levée de boucliers du côté de la gauche et des syndicats. Une large alliance de gauche a ainsi récolté 150’000 signatures pour le référendum.

Le projetLien externe soumis en votations

Les explicationsLien externe de l’Office fédéral des assurances sociales

Le site des partisanes et des partisans de la loiLien externe

Le site du comité référendaireLien externe

À la tête d’UNIA, le plus grand syndicat helvétique, Vania Alleva considère cette réforme comme inacceptable.

swissinfo.ch: Deux tentatives de réformer l’AVS ont déjà échoué. La Suisse peut-elle se permettre un nouvel échec?

Vania Alleva: L’AVS n’a aucun problème structurel. Elle est très solide et présente des chiffres noirs. Les derniers résultats le montrent: l’année dernière, l’AVS a réalisé un bénéfice de 2,6 milliards de francs. Il n’est donc pas nécessaire d’accepter une réforme qui se fait sur le dos des femmes.

Sans réforme, l’AVS sera toutefois déficitaire à partir de 2029, d’après les projections de l’Office fédéral des assurances sociales. Comment va-t-on continuer à financer les retraites dans ces conditions?

Les prévisions des autorités sont trop pessimistes. Tous les dix ans, le Conseil fédéral se trompe de plusieurs milliards de francs dans ses prévisions. L’AVS va certes devoir faire face à l’arrivée de la génération des baby-boomers. Toutefois, nous pourrons trouver d’autres solutions pour résoudre ce problème transitoire si nécessaire. C’est une question de volonté politique. 

Quelles solutions proposent la gauche et les syndicats pour faire face à ce problème?

Il faut d’abord éliminer les discriminations salariales existantes. Au-delà de cela, il existe de nombreuses pistes pour renforcer le premier pilier, car nous avons besoin d’une augmentation des rentes, qui aujourd’hui sont trop basses. Nous avons proposé une solution très concrète pour y parvenir, en lançant l’initiative sur la Banque nationale suisse (BNS). Le texte prévoit d’utiliser les milliards de francs de bénéfices réalisés par la BNS pour renforcer l’AVS.

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La plupart des pays membres de l’OCDE ont déjà augmenté l’âge du départ à la retraite et supprimé l’écart entre les sexes. La Suisse peut-elle se permettre de ne pas suivre la tendance internationale?

Il faut tenir compte de la réalité du marché du travail suisse, qui est peu ouvert aux travailleuses et travailleurs âgé-es. Les personnes qui ont entre 55 et 64 ans constituent le groupe affichant le plus haut taux de chômage. Un rapport publié fin 2021 par le Secrétariat d’État à l’économie a aussi montré que le nombre de personnes entre 55 et 64 ans contraintes de quitter complètement le marché du travail en raison d’une invalidité, d’une maladie ou d’un manque d’opportunité a augmenté entre 2010 et 2020.

La situation est encore plus délicate dans les professions majoritairement exercées par des femmes, notamment dans les soins. Une enquête réalisée par Unia avant la pandémie a montré que près de la moitié du personnel soignant pense ne pas arriver à travailler jusqu’à l’âge de la retraite de cette profession. Ce contexte montre bien qu’on ne peut pas se permettre d’augmenter l’âge de la retraite. Cela équivaudrait à augmenter le chômage.

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Est-il nécessaire d’augmenter l’âge de la retraite des femmes pour préserver le système ou existe-t-il d’autres approches?

La plupart des économies développées relèvent l’âge légal de départ à la retraite et alignent l’âge de la retraite des femmes sur celui des hommes. Un sacrifice nécessaire ou d’autres voies sont-elles possibles?

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Les femmes les plus touchées par cette réforme (nées entre 1961 et 69) bénéficieront de mesures compensatoires, notamment la possibilité de prendre sa retraite dès 62 avec une réduction moindre de sa pension. Considérez-vous que ces mesures ne sont pas suffisantes? 

Cette réforme entraîne une perte de rente d’un an, ce qui va coûter 26’000 francs aux femmes, alors qu’elles touchent déjà des rentes d’un tiers plus bas que celles des hommes. Ces mesures compensatoires sont donc totalement insuffisantes. Il faut en outre être conscient que ce démantèlement de l’AVS n’est qu’une première étape vers l’augmentation de l’âge de la retraite à 67 ans pour tout le monde.

Les inégalités en termes de rente résultent surtout du deuxième pilier (prévoyance professionnelle), pas tellement de l’AVS. La gauche ne se trompe-t-elle pas de combat?

Pas du tout! Il est primordial de ne pas affaiblir l’AVS, qui est le pilier le plus juste et le plus équilibré du système suisse de prévoyance. Il faut même la renforcer, parce qu’une femme sur trois n’a pas de deuxième pilier et doit se contenter de l’AVS pour vivre. Il faut bien sûr aussi trouver des solutions pour freiner la baisse des rendements du deuxième pilier. Les partenaires sociaux avaient d’ailleurs trouvé un compromis pour réformer la prévoyance professionnelle, qui a toutefois été réduit à néant au cours des débats parlementaires. Ce sera notre prochain combat.

L’instauration d’un âge de départ différencié à la retraite est le reliquat d’un système très patriarcal, puisque l’argument avancé par le Conseil fédéral au siècle dernier était que les femmes avaient un «désavantage physiologique» sur les hommes. Pourquoi vouloir maintenir ce modèle d’un autre temps?

Ce qui est d’un autre temps et anticonstitutionnel est le fait que les femmes continuent à subir d’importantes discriminations salariales. Elles gagnent en moyenne 19% de moins que les hommes. L’égalité salariale est inscrite dans la loi, dans la Constitution, mais nous continuons à ne pas vouloir régler le problème. Pourtant, si nous mettions fin à ces inégalités, ce qu’on veut gagner sur le dos des femmes avec cette réforme se trouverait dans les caisses de l’AVS. Ce serait plus rentable. 

«Si nous mettions fin à ces inégalités, ce qu’on veut gagner sur le dos des femmes avec cette réforme se trouverait dans les caisses de l’AVS»

Vania Alleva

De nombreuses femmes soutiennent néanmoins la réforme. N’est-ce pas trompeur de la part de la gauche et des syndicats d’en faire un argument en faveur de l’égalité?

Peut-être que les femmes de droite qui ont lancé la campagne en faveur de la réforme ont de hauts salaires et n’ont pas de problèmes financiers. Des juristes ou des professeures d’université pourront certes assumer une diminution de rente de 26’000 francs. En revanche, cela aura des conséquences directes sur les femmes qui ont de bas revenus et des moyens limités. De plus, les rentes des couples vont aussi baisser.

Les partisanes de la réforme estiment que laisser partir les femmes plus tôt à la retraite n’est pas une solution pour éliminer les discriminations qu’elles subissent. Cela ne passe-t-il pas davantage par une augmentation de leur revenu et par exemple des améliorations au niveau de l’accueil de la petite enfance?

La lutte contre les discriminations et pour l’égalité, nous la menons depuis des décennies et nous continuerons à le faire. Nous n’avions pas le soutien des femmes qui militent pour la réforme, lorsqu’il s’agissait de réviser la loi sur l’égalité ou de lutter pour des hausses de salaire dans les professions majoritairement exercées par des femmes. Ces métiers continuent à être mal rémunérés, même si la pandémie a mis en lumière leur importance. Tout cela a des répercussions sur les rentes de vieillesse. Une femme sur neuf doit demander des prestations complémentaires pour vivre à la retraite. Il faut commencer par résoudre ce problème au lieu de leur demander encore de travailler plus longtemps pour gagner moins.

La gauche et les syndicats s’opposent aussi au deuxième volet de la réforme, soit l’augmentation de la TVA de 7,7 à 8,1%. C’est une mesure qui rapporterait environ 1,4 milliard par année pour renforcer l’AVS. Peut-on vraiment se passer de cette manne?

Les Suisses sont déjà confronté-es à la hausse des prix, et une forte hausse des primes d’assurance maladie est prévue en septembre. Dans ce contexte, une augmentation de la TVA pèserait trop lourd sur les foyers. On veut nous faire payer plus tout en coupant dans nos retraites. Ce n’est pas acceptable.

Brenda Duruz McEvoy, experte de la prévoyance au Centre patronal vaudois, soutient AVS 21. Elle explique pourquoi dans une interview:

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