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La Suisse élue au Conseil de sécurité de l’ONU

Cassis à l ONU
«A voté» Le président de la Confédération et ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis dépose le bulletin helvétique dans l’urne à l’Assemblée générale des Nations unies. La Suisse est élue au Conseil de sécurité par 187 voix sur 190. © Keystone / Alessandro Della Valle

Comme prévu, l'Assemblée générale des Nations unies a élu ce 9 juin la Suisse comme membre non permanent du Conseil de sécurité pour 2023/24.

Candidate officiellement depuis plus de 10 ans, la Suisse était la seule à briguer, avec Malte, l’un des deux sièges réservés au bloc d’Europe occidentale au sein du Conseil.  Mais il lui fallait pour autant rallier au moins deux tiers des États membres votants parmi les 193 de l’organisation. Avec 187 voix, la Suisse égale un record pour un État d’Europe occidentale.

Dès janvier prochain, elle participera comme membre non permanent aux travaux du Conseil de sécurité pour deux ans, aux côtés des nouveaux entrants que sont Malte, le Mozambique, l’Équateur et le Japon. La Suisse présidera le Conseil en mai prochain et probablement à nouveau en septembre 2024, ce qui lui permettra alors de donner le ton à l’organe exécutif des Nations unies.

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«Faites-nous confiance»

«C’est un jour très important pour la Suisse», s’est félicité le président de la Confédération Ignazio Cassis, présent à New York jeudi. «Vingt ans après notre entrée à l’ONU, nous voulons faire partie de la solution avec notre tradition humanitaire».

«Nous croyons que nous pouvons apporter une contribution. Nous allons faire du bon travail. Faites-nous confiance”, a-t-il ajouté.

Avec cette élection, la Suisse sera dans les prochains mois au centre des défis de la communauté internationale. Début juillet, elle accueillera la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine à Lugano, à laquelle pourrait participer le président ukrainien et où des dizaines d’États sont conviés.

De même, elle attend toujours une réponse de la Russie à son offre de représentation des intérêts ukrainiens dans ce pays et inversement. Une proposition déjà acceptée par l’Ukraine.

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Vetos et neutralité

Berne souhaite que les grandes puissances utilisent le moins possible leur droit de veto au Conseil de sécurité. Ignazio Cassis se dit prêt à œuvre pour tenter de convaincre les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne.

Ces dernières semaines, les dirigeants de plusieurs pays ont relayé leur enthousiasme sur l’arrivée de la Suisse. Ils ont souvent mentionné son rôle de médiateur, devenu à nouveau très recherché en pleines tensions sur l’Ukraine.

La neutralité aura souvent été au centre des questions. La Suisse a depuis longtemps fait l’analyse qu’elle n’était pas incompatible avec un engagement actif au Conseil de sécurité. Plus récemment, elle est également arrivée à cette approche sur l’application des sanctions russes.

L’opposition était surtout interne

La lutte pour ce siège à New York aura été plus acharnée sur le front intérieur qu’auprès des autres États. Depuis des années, l’UDC (parti de la droite nationaliste suisse) et son tribun Christoph Blocher ont milité contre cette participation au Conseil de sécurité, souhaitant même que la question soit réglée devant le peuple.

Jusqu’au bout, le parti aura tenté de s’opposer à ce scénario, obtenant des sessions extraordinaires dans les deux chambres du Parlement. Malgré plusieurs motions, il n’aura pas réussi à convaincre sur ses craintes d’un effritement des possibilités de bons offices suisses en cas d’association à l’instance onusienne.

Côté ONG, le soutien n’est pas entier non plus. La coalition Alliance Sud a pointé notamment le rôle de la place financière helvétique et des grandes entreprises multinationales. Celles-ci «violent les droits humains dans les pays économiquement défavorisés et nuisent considérablement à leur développement durable», selon elle.

La paix et le climat

Le Conseil fédéral a annoncé récemment qu’il mettrait l’accent pendant son mandat sur la paix et le climat. La Suisse veut aider à une paix durable, protéger les populations civiles, œuvrer à la sécurité climatique et renforcer l’efficacité de l’organe. Depuis longtemps, elle défend une réforme du Conseil de sécurité alors que l’enceinte est bloquée par le droit de veto des cinq membres permanents.

La Suisse souhaite encore exploiter le rôle de la Genève internationale et son statut d’État hôte. Sa marge de manœuvre ne doit pas être surestimée, mais elle pourra donner le ton aux différents travaux pendant sa ou ses présidences. Dans une période de tensions en raison de la guerre en Ukraine, un certain nombre de pays attendent un effort de la Suisse pour tenter de déverrouiller le Conseil de sécurité.

Uno New York
Dans le parc jouxtant le siège de l’ONU, une œuvre d’art éphémère (à droite) symbolisant le monde idéal voulu par les enfants, et financée par la Suisse. Keystone / Valentin Flauraud

«Un phare»

A New York, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres salué l’élection de la Suisse, comme «une nouvelle preuve d’engagement en faveur de la paix et de la sécurité mondiales. La Suisse a toujours été un phare dans la communauté internationale pour son approche de principe de la paix et du multilatéralisme», a indiqué le porte-parole de M. Guterres, Stéphane Dujarric.

En Suisse même, le Parti socialiste estime que «la Suisse peut rendre un service important à la communauté internationale grâce à son expertise en matière de politique internationale et humanitaire et à son engagement en faveur du multilatéralisme». Les Vert’libéraux y voient aussi la possibilité pour la Confédération d’œuvrer activement pour la paix.

«L’élection au Conseil de sécurité permet à la Suisse de renforcer son image de garante de la paix et du droit international», note de son côté le PLR (droite).

Sans surprise, le seul parti à critiquer cette élection est l’UDC, pour qui elle a sonné «le glas de la neutralité suisse». Avec ce siège, la Suisse est «définitivement partie prenante à la guerre», ajoute le parti.

Le Conseil de sécurité des Nations unies se compose de cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne) et de dix membres non permanents. Les membres non permanents sont élus pour deux ans par l’Assemblée générale.

Pour des raisons historiques, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité – les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale – disposent d’un droit de veto. Ils peuvent bloquer toute décision. Les membres non permanents ont donc un rôle important à jouer en tant que voix médiatrices pour débloquer une situation inextricable.

Selon la Charte de l’ONU, le Conseil de sécurité est le principal responsable du maintien de la paix dans le monde. Il peut imposer des sanctions ou autoriser une intervention militaire si la sécurité internationale est menacée. Ses décisions sont contraignantes pour tous les Etats membres de l’ONU en vertu du droit international public, contrairement aux décisions de l’Assemblée générale.

Toutefois, sur toutes les crises importantes depuis la fin de la Guerre froide, le Conseil de sécurité a très souvent été la cible de reproches. Les oppositions entre Occidentaux et Soviétiques puis Russes, de même qu’avec la Chine ont abouti à des vétos dans les moments les plus importants, plus de 250 au total dont la moitié environ par Moscou. Dernier cas, la situation en Ukraine n’a pu donner lieu ne serait-ce qu’à une condamnation du Conseil de sécurité. Il avait fallu recourir à l’Assemblée générale.

La pression est de plus en plus élevée pour forte cette possibilité et pour adapter le Conseil aux nouvelles réalités de la population mondiale. L’Afrique souhaiterait un siège permanent, d’autres appellent à élargir le nombre de membres. Il y a quelques années, une proposition a été faite pour lever le droit de veto en cas de crimes graves. Après le veto russe sur l’Ukraine, l’Assemblée générale a de son côté approuvé récemment une résolution qui demande aux grandes puissances de justifier leur opposition.

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