La Suisse espère jouer les médiateurs dans le conflit ukrainien
La Suisse ne prend pas de sanctions propres pour ne pas mettre en danger ses bons offices. Nous avons parlé avec un expert de la paix d’un éventuel engagement de sa part.
Les dons peuvent être effectués sur bonheur.chLien externe ou au numéro de compte postal 10-15000-6 avec mention «Crise en Ukraine».
Dans un premier temps, l’aide se concentrera sur l’accueil des réfugiés dans les pays voisins, notamment en Pologne. La Chaîne du Bonheur travaille en collaboration avec Caritas, la Croix-Rouge suisse, l’EPER, Helvetas, Medair, Médecins sans frontières et la fondation Terre des hommes. En fonction de l’évolution de la situation, la Chaîne du Bonheur prévoit d’étendre son soutien à des projets d’aide à l’intérieur de l’Ukraine. Les dons seront exclusivement utilisés pour l’aide humanitaire.
La Chaîne du Bonheur est une fondation privée. Née d’une émission de ce qui était alors la Radio Suisse Romande, elle est devenue le bras humanitaire de la radio-télévision suisse de service public SSR, à laquelle appartient aussi SWI swissinfo.ch.
Markus Heiniger a travaillé de nombreuses années au service la politique de paix du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE). Nous nous sommes entretenus avec lui du rôle de la Suisse dans le conflit ukrainien.
La Suisse justifie son renoncement à des sanctions globales par les bons offices…
L’argument qui voudrait que nous devions être plus doux avec la Russie parce que sinon nous ne pourrions peut-être plus faire de la médiation à l’avenir ne me convainc pas. Même si la Suisse s’est clairement positionnée, elle peut quand même intervenir en tant que médiatrice si elle a quelque chose à proposer. Le DFAE est bien positionné, parce que la Suisse s’y connaît dans ce conflit et dispose de bons réseaux.
Vendredi, le président de la Confédération Ignazio Cassis a dit devant les médias que le Conseil fédéral devait agir en raison de la neutralité juridique et politique. Et de répéter que la neutralité ne signifie en aucun cas l’indifférence, mais qu’elle oblige à adopter une position différenciée en matière de sanctions. Selon le président, le positionnement de la Suisse a surtout un objectif: garder les portes ouvertes. «Ceci afin que nous puissions faire ce que la plupart des autres Etats ne peuvent plus faire: maintenir des canaux ouverts entre des pays qui n’ont plus de relations diplomatiques», a-t-il dit. La Suisse peut apporter cette valeur ajoutée. «Si nous voulons apporter une contribution substantielle à une solution pacifique dans une telle crise, nous devons nous appuyer sur notre principe de dialogue C’est dans ce domaine que la Suisse est forte», a ajouté Ignazio Cassis.
Par ailleurs, la Suisse évacue partiellement son ambassade à Kiev. Elle continue cependant de fonctionner. Presque tous les pays européens ont évacué leur personnel diplomatique d’Ukraine.
La Russie a attaqué militairement l’Ukraine. Pour Poutine, l’accord de paix de Minsk est «liquidé». Est-ce une défaite pour la médiation suisse?
On ne peut pas dire cela de manière générale. Les grands étaient à la manœuvre, la Suisse seule ne peut rien faire
Au moment où l’escalade est maximale, on ne peut pas faire grand-chose. Mais peut-être que dans deux ou trois semaines, lorsque de nouvelles conditions seront en place, la Suisse pourra éventuellement tenter certains contacts et une médiation au niveau intermédiaire. Je ne serais pas si pessimiste à cet égard.
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Comment doit-on s’imaginer ces nouvelles conditions: si la Russie a renversé le gouvernement ukrainien ou vaincu militairement le pays, la Suisse pourra-t-elle entrer en scène en tant que médiatrice?
Difficile de faire un pronostic, je ne veux pas spéculer. Mais ce qui est clair, c’est que dans le cas d’un conflit, une victoire militaire est évidemment une catastrophe pour un processus de paix, car elle ne permet plus de concilier toutes les demandes. Une victoire militaire exclut certains groupes de population. Et cela crée de nouveaux problèmes qui, peut-être 50 ans plus tard, peuvent devenir de nouveaux moteurs d’escalade.
Si l’on arrive à une deuxième Guerre froide entre l’Occident d’une part et la Russie et la Chine de l’autre, la Suisse devra-t-elle en revenir à sa politique étrangère silencieuse et à sa voie solitaire, comme lors de la première?
Je ne suis pas favorable à l’abolition de la neutralité. Que la Suisse ne participe pas à des conflits militaires, c’est une bonne chose. Mais dans le cas de la Russie avec l’Ukraine, il n’y a plus de neutralité, il faut le dire clairement: c’est une violation du droit international. D’autres États neutres le disent aussi.
Concrètement, pour répondre à votre question: c’est justement quand elle collabore activement dans le plus grand nombre d’endroits possibles que la sécurité de la Suisse est bien assurée. C’est la différence avec l’ancienne Guerre froide, où nous pratiquions le cavalier seul. Il est bon de connaître tout le monde et d’entretenir des contacts avec tous. C’est ce qui profite le plus à la sécurité.
Markus Heiniger a travaillé de 2002 à 2017 au DFAE, où il fut notamment chef adjoint de la section Politique de paix et de l’ancienne Division politique 4 (aujourd’hui Paix et droits de l’homme). Il a aussi été trois ans conseiller spécial pour la politique de paix du DFAE au Népal. Il a encore été à la Direction du développement et de la coopération (DDC) à Berne. Dans le cadre de cette fonction, il a réalisé une étude sur l’engagement du DFAE en faveur de la paix depuis 1990, étude qui a été achevée en 2017.
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