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La Suisse est-elle vraiment idéale pour vivre et travailler?

HSBC a étudié la vie de 9288 expatriés dans 34 pays, dont 174 en Suisse. Keystone

A en croire une étude de la banque HSBC, les cadres qui se languissent au Caire rêvent à Zurich ou à Singapour comme prochain lieu d’affectation. Mais comment se passe en réalité la vie d’un étranger dans l’un des pays les plus convoités du monde?


Selon l’étude Expat Explorer 2014 de HSBCLien externe, la Suisse conserve son premier rang de destination la plus convoitée des travailleurs à col blanc expatriés, devant Singapour et la Chine. L’Égypte arrive en queue du peloton des 34 pays passés en revue. 

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Le Britannique Paul Cooke a travaillé tant en Suisse qu’à Singapour pour la société étatsunienne de revêtements Valspar. Il mentionne de nombreuses qualités identiques tant dans le pays alpin que l’Etat insulaire: petits pays prospères situés au cœur de leur zone géographique, offrant beaucoup de stabilité et de fiabilité. Singapour est, après tout, surnommé «la Suisse d’Asie».

Mais la journée moyenne de travail est quelque peu différente. «L’Asie est beaucoup plus exigeante et on travaille plus d’heures. C’est en partie en raison des attentes de la clientèle et, en partie, parce que tout le monde est constamment à la recherche d’occasions d’affaires», indique Paul Cooke.

En Suisse, les travailleurs ont aussi à faire mais bénéficient de systèmes de travail plus précis et bien canalisés. «Les gens sont moins expérimentés à Singapour et ne sont pas tout à fait aussi bien organisés qu’en Suisse, ajoute Paul Cooke. Par conséquent, vous pouvez avoir à travailler plus que ce qui est vraiment nécessaire.»

Etude Expat Explorer 2014

HSBC a interviewé 9288 expatriés dans 34 pays. Un quart des 174 personnes vivant en Suisse ont gagné plus de 190’000 francs en 2014.

Environ 68% ont estimé avoir un revenu plus élevé qu’auparavant malgré le coût de la vie élevé en Suisse. Environ les trois-quarts ont mentionné le climat agréable et le paysage. La même proportion a constaté que la qualité de l’air est meilleure que dans leur pays d’origine.

Côté négatif, les personnes interrogées ont relevé la difficulté de trouver un logement. La Suisse a été classée avant-dernière en ce qui concerne la vie sociale et dernière pour ce qui est de se faire des amis sur le plan local ou général.

Bonne qualité de vie

Le Chinois Shenjie Wang, lui, a fait le voyage en sens contraire d’Asie en Europe, où il a commencé par des études à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), avant de travailler pour la branche suisse de l’entreprise de semi-conducteurs Marvell.

Lui aussi a trouvé la structure du travail en Suisse plus efficace, offrant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Mais l’un des plus grands changements touche à sa santé. «La qualité de vie est excellente ici en ce qui concerne la nourriture, l’eau et l’air en comparaison avec la Chine. Peut-être que les Européens prennent cela pour acquis mais, en Chine, j’ai souffert d’asthme chaque hiver. L’hiver dernier a été la première fois que cela ne m’est pas arrivé.»

Shenjie Wang n’a pas eu de difficulté à rencontrer des gens et à se faire des amis parmi ses collègues à l’EPFL et à Marvell. Mais une fois sorti du cadre professionnel, la barrière linguistique a compliqué sa vie. Les Espagnols et les Italiens apprennent facilement le français en une année ou deux, mais c’est plus difficile pour les Asiatiques.»

Se faire des amis

De son côté, l’Indien Raghu Viswanathan n’a eu aucun problème à entrer en contact avec ses voisins une fois qu’il a réussi à apprivoiser la réserve des Suisses, malgré des progrès très lents dans l’apprentissage du dialecte local. Mais au départ, il a dû lutter lors de sa mutation des Etats-Unis à Baden (canton d’Argovie), pour travailler dans la société française d’électricité Alstom. «L’atmosphère était plus décontractée sur mon lieu de travail aux Etats-Unis.»

«Mais j’ai vite appris que le concept d’amitié est simplement différent dans les deux pays, il est beaucoup plus profond en Suisse, ajoute l’Indien. Aux Etats-Unis, tout le monde est amical d’emblée, mais c’est peut-être un peu plus superficiel. En Suisse, il faut se donner plus de peine pour être accepté au niveau personnel, mais une fois que c’est fait, l’amitié est plus profonde.»

Cela peut prendre un peu de temps pour s’habituer à la réserve naturelle des Suisses, selon Sjoerd Broers, directeur général d’Auris Relocation, une société qui place entre 600 et 700 travailleurs internationaux en Suisse chaque année.

«Le Suisse peut être parfois têtu. Les travailleurs internationaux qui viennent pour la première fois se rendent vite compte qu’ils doivent souvent faire le premier pas pour établir le contact. Mais au bout du compte, les entreprises nous disent qu’elles ont beaucoup plus de problèmes pour muter les employés à l’étranger que pour les faire venir ici en premier lieu.»

Sentiment anti-étrangers?

L’adaptation des expatriés à leur nouveau cadre de travail n’est bien sûr que la moitié de l’histoire, l’autre moitié étant l’attitude de la population locale face aux immigrés.

En février dernier, la Suisse a fait les gros titres de la presse internationale lors d’une votation visant à freiner l’immigration. L’initiative populaire ne donne pas de détails sur son application, laissant le gouvernement chercher des solutions. Jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé sur la question, la communauté internationale se perd en conjectures.

«Cela crée de l’incertitude parce que les gens ne comprennent pas vraiment ce que la votation signifiait et entendent toutes sortes de rumeurs, indique Sjoerd Broers. Mais il y a de bonnes chances qu’une solution pragmatique soit trouvée.»

Mais tout peut encore changer si les électeurs approuvent une autre initiative sur le contrôle de l’immigration, le 30 novembre prochain. Le texte intitulé Ecopop exige de plafonner l’immigration à un taux fixe au nom de la préservation de l’environnement en Suisse.

Pour Shenjie Wang, la situation s’est compliquée, mais pas uniquement à cause des votations sur l’immigration. La Suisse est aussi en train d’accoucher d’une nouvelle structure fiscale pour les entreprises étrangères afin de répondre aux critiques de l’Union européenne.

«L’année dernière à la même époque, je pensais rester longtemps en Suisse, confie-t-il. Mais cette année, les choses ont changé. La Suisse a l’air d’avoir du mal à savoir comment traiter les expatriés, tandis qu’il y a un danger que la suppression des forfaits fiscaux force mon entreprise à réduire ses activités en Suisse, ou même à s’en aller.»

S’adapter partout

Paul Cooke a maintenant été muté de Singapour (2e dans l’étude de HSBC) en France (23e). Comment ressent-il ce changement? «À certains égards, on a l’impression de quitter la première ligue. La Suisse est très bien organisée et il y a une vie trépidante à Singapour, mais aucune ne me convient tout à fait. L’infrastructure n’est pas tout à fait aussi bonne en France. Mais il faut s’adapter et ne pas exiger que ce soit pareil partout. L’idéal étant de trouver les meilleures choses que chaque pays a à offrir.»

(Adaptation de l’anglais: Isabelle Eichenberger)

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