La Suisse est l’un des pays où l’énergie pèse le moins sur le budget des ménages
La Suisse fait partie des pays où la part du budget mensuel consacrée à l’électricité et au gaz est la plus basse. Si l’augmentation des prix de l’énergie a jusqu’à présent été plus modérée qu’ailleurs, elle risque toutefois de frapper durement une partie de la population.
L’inflation et la flambée des coûts de l’énergie sont, comme ailleurs, sur toutes les lèvres en Suisse. Mais le gaz et l’électricité y pèsent moins sur le budget des ménages que dans la plupart des pays. C’est ce qu’indique une étude récente menée par Utility BidderLien externe et relayée par l’hebdomadaire alémanique HandelszeitungLien externe.
L’entreprise britannique de conseil en énergie a comparé le montant mensuel des charges de gaz, d’électricité et d’eau avec le salaire moyen dans une cinquantaine de pays.
Utility Bidder indique avoir utilisé les sources de données suivantes pour chaque pays: World DataLien externe pour le salaire mensuel moyen et NumbeoLien externe pour le coût mensuel moyen du gaz et de l’eau. Pour calculer le coût mensuel de l’électricité, Utility Bidder a multiplié pour chaque pays le prix moyen d’un kilowattheure (kWh), selon Global Petrol PricesLien externe, par la consommation moyenne d’électricité par habitant, selon la Banque mondialeLien externe.
A environ 6200 francs par mois en moyenne, le salaire brut en Suisse est le plus élevé de tous les pays du classement. Assez logiquement, la part de ce montant que les ménages helvétiques consacrent à leurs factures de gaz, d’électricité et d’eau (5%) est la plus faible relevée par Utility Bidder.
L’Office fédéral de la statistique (OFS) calcule l’impact des dépenses d’énergie sur le budget de la population de manière différente, mais ses conclusions vont dans le même sens. L’institution se penche chaque année sur la manière dont les ménages dépensent leur revenu mensuelLien externe. En 2019, date des dernières données disponibles, un foyer moyen en Suisse disposait d’un revenu brut de près de 9600 francs par mois. Sur ce montant, un très faible pourcentage (environ 1,4%) était consacré aux factures d’énergie et d’eau.
Dans l’étude d’Utility Bidder, Singapour se classe deuxième après la Suisse et l’Irlande troisième – dans ces deux pays, les salaires sont également parmi les plus élevés, respectivement à 4000 et 4800 euros.
A l’autre extrémité du spectre, c’est au Pakistan que les charges d’énergie grèvent le plus le budget des ménages: à 93 euros par mois, le salaire moyen pakistanais est le plus bas de tous les pays analysés, et près des deux tiers de cette somme passent dans les factures de gaz, d’eau et d’électricité. Utility Bidder explique que le nouveau gouvernement pakistanais a récemment dû augmenter les tarifs de l’énergie, en contrepartie d’un plan de sauvetageLien externe de 6 milliards de dollars de la part du Fonds monétaire international (FMI).
«Îlot de cherté»? C’est moins vrai pour l’énergie
La Suisse est en général connue comme un «îlot de cherté» pour de nombreux biens et services. Et, en montants absolus, les dépenses pour l’énergie y sont élevées par rapport à beaucoup de pays. Selon l’étude, on débourse en Suisse en moyenne 194 francs (185 euros) par mois pour l’eau et le gaz, et 130 francs (124 euros) pour l’électricité, soit un peu plus de 320 francs (310 euros) en tout.
Mais la Suisse n’est pas la plus mal lotie en comparaison internationale, puisqu’elle n’occupe que la neuvième position du classement. L’Islande, à la première place, est loin devant avec des coûts de l’énergie s’élevant à près de 700 euros par mois. Le gaz et l’eau y sont bon marché, les dépenses d’électricité en revanche y sont considérables, à 584 euros par mois. Utility Bidder explique que l’Islande consomme énormément d’électricité, en raison de «ses hivers froids et sombres» et du fait que «la plupart des industries lourdes islandaises dépendent de l’électricité». Le site ajoute que l’électricité dans le pays provient presque exclusivement de sources renouvelables, dont l’hydroélectricité et la géothermie.
L’Allemagne est le deuxième pays à payer le plus cher (418 euros par mois). Le pays affiche les dépenses pour le gaz les plus élevées, ce qui est dû à l’augmentation du coût d’acquisition du gaz naturel et aux taxes prélevées sur la production de CO2, d’après l’analyse d’Utility Bidder.
Une inflation plus modérée qu’ailleurs
En ce qui concerne la Suisse, il faut tout de même rappeler que les moyennes cachent des réalités très diverses et qu’il est difficile de généraliser les conclusions de l’étude. Il existe des dizaines de fournisseurs de gaz et d’électricité, qui pratiquent des tarifs différents en fonction de leurs méthodes d’approvisionnement et des spécificités des localités auxquelles ils sont rattachés. Les tarifs standard de l’électricitéLien externe, par exemple, peuvent aller de 8 centimes par kWh dans une commune du Valais à 36 centimes dans une autre municipalité du canton de Thurgovie.
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La Suisse résiste à la hausse des prix de l’énergie, mais le temps presse
Par ailleurs, la Suisse n’est pas épargnée par la hausse des prix qui touche la plupart des pays. Cette inflation, qui a commencé il y a plusieurs mois en raison d’une forte demande en énergie (effet rebond post-pandémie, mauvaise météo, etc.), couplée à une offre restreinte (en particulier une baisse des exportations de gaz russe et norvégien), s’est récemment intensifiée avec la guerre en Ukraine.
Depuis décembre 2020, le prix de l’électricité a augmenté de 4% en moyenne à l’échelle du pays. En septembre dernier, la Commission fédérale de l’électricité a annoncé une hausse des prix très modérée pour 2022, de 3% en moyenne en Suisse, car la plupart des tarifs avaient été fixés en amont. Mais certaines communes ont déjà subi une hausse nettement supérieure depuis l’an dernier (près de 20% pour certaines), et le gouvernement considère désormais une explosion des coûts comme un scénario plausible. Le Conseil fédéral a proposé en avril un mécanisme de sauvetageLien externe pour les entreprises électriques d’importance systémique.
Le prix moyen du gaz a quant à lui augmenté de 37% en un an et demi. Seul un quart des ménages l’utilisent pour se chauffer en Suisse (contre la moitié des ménages en Allemagne, par exemple), mais cette inflation touche une partie de la population de manière disproportionnée. Les fournisseurs de certaines municipalités ont annoncé ce printemps des augmentations conséquentes: +34% à GenèveLien externe ou encore +45% à Yverdon-les-BainsLien externe dans le canton de Vaud. Le canton du Jura est le plus affecté, avec des hausses jusqu’à 100% par endroits. Par ailleurs, 40% des foyers se chauffent encore au mazout en Suisse, un combustible dont le prix a doublé en moins de dix-huit mois.
Depuis décembre 2020, le coût général de l’énergie a augmenté d’un peu moins de 30%, une inflation qui reste modérée par rapport à la plupart des autres pays européens. Selon l’organe européen de statistique EurostatLien externe, les prix de l’énergie ont grimpé de 50% en moyenne dans l’Union européenne et ont même plus que doublé aux Pays-Bas.
Le fait que les prix flambent moins en Suisse qu’ailleurs est «en grande partie lié à la force du franc, qui absorbe certains chocs, notamment pour les prix à l’importation», a récemment expliqué à la Radio Télévision suisseLien externe (RTS) le «Monsieur PrixLien externe» Stefan Meierhans, chargé de surveiller et de relever d’éventuels abus sur les prix en Suisse. Les cours des produits pétroliers, notamment, sont libellés en dollars.
Des inquiétudes apparaissent
«Nous sommes chanceux par rapport à nos voisins (…), mais cela reste inquiétant, notamment pour des gens à bas revenus», estime cependant Stefan Meierhans. Pour le Surveillant des prix, il faut s’attendre à «une année avec beaucoup de défis sur le plan financier et de l’évolution des prix».
«La précarité énergétique ne nous a pas encore touchés en Suisse, mais la hausse nette du prix du gaz est angoissante pour les bas revenus et il va falloir cibler les aides», a pour sa part plaidé à la RTS la députée écologiste Sophie Michaud Gigon, également secrétaire générale à la Fédération romande des consommateurs (FRC).
Plusieurs pays européens ont adopté ces dernières semaines différents types de mesuresLien externe pour contenir l’envolée des prix de l’énergie. Il s’agit par exemple de baisses de TVA, de «chèques énergie» destinés à certaines catégories de population ou d’un plafonnement des tarifs imposé par l’Etat. En Suisse aussi, le monde politique a été appelé à intervenir.
Le Conseil fédéral a mandaté une taskforce pour évaluer la situation et analyser les implications de différents dispositifs, qu’il s’agisse de propositions de parlementaires ou d’idées déjà adoptées dans les pays voisins. De premières conclusions devraient être présentées d’ici la fin du mois, mais le ministre de l’économie Guy Parmelin estime à ce stade qu’«il serait faux que l’Etat intervienne». Dans une interview à la RTS il y a quelques jours, il s’est dit favorable à «laisser faire la réalité économique normale», même si le Conseil fédéral pourrait agir «dans des cas très précis, bien documentés et où il y a vraiment nécessité d’intervenir».
L’interview de Guy Parmelin à la RTS:
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