Des perspectives suisses en 10 langues

La Suisse et l’UE négocient sur l’agriculture

Doris Leuthard en compagnie du ministre luxembourgeois de l'Economie Jeannot Krecke (à gauche) et du ministre espagnol des Finances Pedro Solbes. Keystone

Doris Leuthard était à Bruxelles mardi pour donner le coup d'envoi de négociations qui s'annoncent longues et compliquées. Après sa rencontre avec la Commissaire européen chargée de l'agriculture, la ministre suisse de l'Economie participait à un conseil des ministres communs aux 27 et aux pays de l'AELE.

«Un processus qui durera un an et demie, voire deux années»: voilà, selon Doris Leuthard, le temps qu’il faudra aux négociateurs suisses et européens pour boucler un accord en vue d’une libéralisation totale des échanges agricoles. «Il s’agit d’un accord très vaste, qui englobe toute la chaîne de production et l’industrie agroalimentaire», explique la ministre de l’Economie.

«La négociation vise à mettre l’agriculture suisse en position de mieux résister à la pression concurrentielle, en lui offrant la possibilité d’exporter des produits à haute valeur ajoutée dans un marché de 490 millions de consommateurs et en optimisant le potentiel de réduction des coûts», indique pour sa part l’Office fédéral de l’agriculture. Il concerne également l’industrie alimentaire.

«Le Département de l’économie en attend une augmentation du PIB de 0,5% par an, soit plus de 2 milliards de francs. Pour les consommateurs, les prix à la consommation pourraient baisser selon les prévisions les plus optimistes de 25%, entraînant une hausse du pouvoir d’achat des ménages», estime encore l’office.

Voilà pour la théorie. Dans les faits, Berne veut conserver un maximum d’autonomie sur «les décisions politiques, comme les OGM, qui nous tiennent à cœur. Ces éléments ne seront pas faciles à négocier», reconnaît Doris Leuthard.

Inquiétudes

Bon nombre d’agriculteurs craignent de perdre au moins un tiers de leur revenu, sans compensations suffisantes en termes de mesures d’accompagnement. Des inquiétudes que Mariann Fischer-Boel veut apaiser. «La Suisse va pouvoir profiter d’un marché de 500 millions de consommateurs à sa porte. Alors je dis, tirez avantage de l’excellente réputation qu’ont vos produits chez les consommateurs européens. Je n’imagine pas que quiconque sorte perdant d’un accord», a-t-elle déclaré à swissinfo.

Ancienne agricultrice elle-même, la Danoise ne veut pas lier la négociation d’un accord de libre échange aux autres dossiers bilatéraux sur lesquels la Suisse et l’UE ont des vues divergentes, comme le renforcement des règles sur la fiscalité de l’épargne ou l’épineuse question de la fiscalité des cantons.

«Il faut se concentrer sur un le libre échange et ne pas mélanger ces négociations avec d’autres dossiers, car cela pourrait nous mener dans une impasse. Je veux rester dans mon domaine de compétence. Pour le bénéfice de tous», plaide Mariann Fischer-Boel. Problème: la Commissaire à l’Agriculture est isolée au sein du collège qui a établi la règle du parallélisme.

La Suisse doit collaborer

Agriculture le matin; système financier, contrôle des banques et lutte contre la fraude l’après-midi: Doris Leuthard participait au conseil des ministres de l’Economie et des Finances de l’UE élargi aux pays de l’AELE.

«Christine Lagarde, qui présidait la réunion, a demandé à la Suisse de coopérer avec l’UE pour améliorer la supervision des banques», indique un diplomate. Une piste pourrait être de participer à un groupe de travail et d’échange d’informations. «Doris Leuthard a répondu qu’elle ne pouvait pas s’engager mais qu’elle passerait le message aux autorités compétentes.»

La présidence française de l’Union devait aussi interpeller Doris Leuthard sur la question plus générale du secret bancaire et des paradis fiscaux. «Dans la conjoncture de crise actuelle, l’Europe ne peut plus accepter les zones de faible régulation. Or la Suisse, qui est un acteur financier central, au cœur de l’Union, se trouve aussi être une de ces zones. Notre souci est d’appliquer partout et dans l’ensemble des domaines les standards les plus élevés» confie-t-on dans l’entourage de Christine Lagarde. Et d’ajouter: «Il ne s’agit pas de mettre les gens au pilori, mais d’en appeler à la responsabilité et à la coopération de chacun.»

swissinfo, Alain Franco, Bruxelles

En 2007, les exportations agroalimentaires de l’UE vers la Suisse ont atteint 4,7 milliards d’euros.
Les exportations correspondantes de l’UE en provenance de la Confédération se sont montées à 2,7 milliards.
La Suisse est le troisième partenaire commercial de l’Union dans ce secteur.

En 1972, la Suisse et l’UE ont passé un accord de libre-échange. Les produits agroalimentaires en sont exclus, mais le secteur commence à se libéraliser à coup d’accords partiels. Ainsi, le commerce du fromage est libre depuis le 1er juin 2007.

Berne et Bruxelles souhaitent aller plus loin, avec un accord de libre-échange agricole. A son entrée en vigueur (en 2016), toutes les barrières douanières seraient levées pour les produits de la terre, mais également pour ceux situés en amont (semences, engrais machines…) et en aval (yoghourts, biscuits, chocolat…)

Les plus lus
Cinquième Suisse

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision