Florence Poivey, la Suissesse qui bouscule la France
Responsable de la formation au sein du Medef, Florence Poivey s’inspire du modèle helvétique pour redorer le blason de l’apprentissage dans l’Hexagone. Une tâche tout sauf facile, mais qui n’effraie pas cette battante autodidacte.
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Antonio Castiñeira, Paris
Les patrons français la surnomment affectueusement Heidi. Ils l’apprécient pour son optimisme et sa détermination. Son profil dénote pourtant au sein des chefs d’entreprises du pays voisin. Florence Poivey Lien externeest autodidacte et fière de l’être. Elle n’a d’ailleurs qu’un seul diplôme en poche: la maturité acquise à Lausanne à l’âge de 18 ans.
Un parcours singulier pour cette Franco-Suisse qui s’est fait sa place au sein du MedefLien externe, la toute puissante organisation patronale française. Cette Lyonnaise d’adoption y est responsable de l’éducation, de la formation et de l’insertion. Et elle s’inspire notamment de la formation professionnelle suisse pour redonner des couleurs à l’apprentissage dans l’Hexagone.
L’apprentissage de la vie
«C’est la vie qui a été mon champ d’apprentissage», concède Florence Poivey. De père français et de mère suisse, elle a tenté de monter à Paris après sa «matu» pour y poursuivre ses études. Elle s’est inscrite en classe préparatoire littéraire avec l’intention de se présenter ensuite aux concours d’écoles prestigieuses comme «Normale sup’».
Au bout de 15 jours, elle jette l’éponge. Arrivée de Lausanne, elle ne s’adapte pas au système éducatif français. Et les années n’ont pas changé son point de vue. «Dans le système scolaire français, on vous met dans une compétition extrêmement forte dès le démarrage. Chez un enfant, le sentiment de ne pas être capable de le faire peut naître très vite», se plaint-elle, avant de vanter les bienfaits du système helvétique qui lui a donné les atouts pour réussir dans la vie. «Il est beaucoup plus ouvert», constate-t-elle. «A Lausanne, nous avions un orchestre, un cœur, des arts graphiques, du sport. Tout le monde pouvait en profiter».
Après sa brève expérience parisienne, Florence Poivey entame son cursus particulier. Elle part à la découverte du monde, comme bon nombre de Suisses après la «matu». Sauf que son voyage dure sept ans. Elle multiplie les petits boulots, traverse les Etats-Unis, poursuit sa route en Australie et puis au Moyen-Orient où elle s’installe notamment en Arabie Saoudite, un pays pas franchement réputé pour les opportunités professionnelles donnée aux femmes.
Ce tour du monde, c’est son «apprentissage», comme elle raconte elle-même. Un peu comme les compagnons qui faisaient le tour de France, mais à l’échelle mondiale.
A son retour en France, sa vie bascule. Elle épouse le politicien centriste Jacques Barrot et se retrouve très rapidement à la tête d’une usine de son beau-père en Auvergne. Elle n’a jamais appris à gérer une entreprise. Elle n’a pas peur pour autant et se lance à l’eau. «Je ne savais rien», reconnaît-elle. «Mais ce qui m’a passionnée et motivée très vite, c’est quand j’ai réalisé que l’entreprise est avant tout une fantastique aventure humaine».
Succès industriel
Quand elle prend la direction en 1988 de cette usine de plasturgie, elle n’a que 12 salariés sous ses ordres. Le chiffre d’affaires s’élève à l’époque à 3,5 millions de francs français (un peu moins de 900’000 francs suisses à ce moment-là). «Ces chiffres m’impressionnaient», reconnaît-elle près de 30 ans plus tard.
Quand elle a revendu le site l’année dernière, l’usine comptait plus de 200 salariés et le chiffre d’affaires avait atteint 28 millions d’euros. Une belle réussite pour une autodidacte!
Son parcours étonne et séduit ses collègues français. Elle gravit très vite les échelons des organisations patronales. Elle entre d’abord à la Fédération française de la Plasturgie. «Une aventure nouvelle», selon ses termes. Et pour cause, elle se retrouve très vite chargée du dialogue social avec les syndicats. Autant dire que rien ne l’avait préparée en Suisse aux discussions avec les représentants du personnel à la française. «C’était un peu curieux pour moi. Je ne savais pas ce que c’était qu’un syndicaliste. Je n’en avais jamais rencontré de ma vie. Je n’en avais pas dans ma boîte», rigole-t-elle.
Pourtant, son côté tombée du ciel donne des résultats probants. «Le fait de ne pas avoir de passé, de schéma, m’a permis d’entrer dans ce dialogue un peu comme dans l’entreprise», juge-t-elle. La Suissesse se montre à l’écoute des salariés. C’est son point fort. «Il s’agit d’un dialogue avec des hommes et des femmes qui ont des attentes qui ne sont pas forcément les mêmes que les nôtres, chefs d’entreprise, mais qui méritent d’être écoutés», assure-t-elle.
Un club industriel très sélect
En 2012, elle accède à la présidence de la plasturgie française. Elle entre du coup au sein d’un club très sélect, le Groupe des Fédérations industrielles (GFI)Lien externe, présidé à l’époque par Pierre Gattaz, le futur président du Medef. «C’est comme ça que j’ai appris à le connaître, à l’apprécier beaucoup. J’aime cette personnalité très engagée, très convaincue, à la fois pragmatique et idéaliste», affirme Florence Poivey.
Au GFI, elle se retrouve au sein de l’élite française. Celle qui juge si souvent ses interlocuteurs en fonction de leurs diplômes. La cheffe d’entreprise franco-suisse s’y fait sa place sans complexe. «J’ai toujours eu le sentiment d’avoir reçu un accueil positif, plutôt facilité par le fait d’être autodidacte et d’être une femme», explique-t-elle. «Quand on a fait son chemin différemment, ça étonne».
«L’apprentissage est perçu en France comme une voie d’insertion au service de ceux qui sont éloignés de la vie professionnelle. C’est pourtant une voie d’excellence, une voie noble» Florence Poivey
Pierre Gattaz apprécie sa spontanéité, son optimisme et son enthousiasme. Quand il a pris la présidence du Medef en 2013, «il m’a demandé si j’accepterais de faire un peu de chemin avec lui». Banco, répond Florence Poivey, prête à se lancer dans une nouvelle aventure.
Elle assume la responsabilité de la formation au sein de l’organisation patronale. Un poste qui lui permet de valoriser sa propre expérience. «En étant autodidacte, je suis en apprentissage permanent, en découverte permanente», explique-t-elle. Surtout, sa fonction lui donne l’occasion d’apporter en France des idées qui ont fait le succès du système de formation suisse, souvent cité comme modèle dans l’Hexagone pour réduire le chômage. Mais ce n’est pas si simple.
Une voie «administrée»
«Le système suisse interpelle. Mais il n’est pas suivi de faits. L’apprentissage est perçu en France comme une voie d’insertion au service de ceux qui sont éloignés de la vie professionnelle. C’est pourtant une voie d’excellence, une voie noble», s’exclame-telle face à des responsables politiques qui refusent de céder la responsabilité de la formation aux entreprises.
«J’ai tiré la sonnette d’alarme dès le départ, dès novembre 2013. L’apprentissage est une voie totalement administrée en France», regrette-t-elle. «Ça ne fonctionne pas comme ça ! Il faut donner de l’autonomie aux entreprises!», s’emporte-t-elle. Heidi en perd même parfois son optimisme. «L’apprentissage ne décollera jamais tant que l’entreprise ne sera pas mise au cœur du système», prévient-elle.
Heureusement, elle compte sur le soutien de Pierre Gattaz. Le président du Medef est convaincu qu’il ne faut pas un diplôme d’ingénieur pour faire un bon chef d’entreprise. «C’est pour ça qu’il s’engage autant autour de l’apprentissage», assure Florence Poivey. «Nous avons fait un certain nombre de propositions qui sont la retranscription acceptable d’une culture à la suisse, à l’allemande et aujourd’hui à l’anglaise aussi», assure-t-elle. Sa tâche est ardue, mais elle ne renonce pas pour autant. Ce n’est pas son genre.
L’intérêt de Hollande
Au printemps de l’année dernière, François Hollande s’est rendu en visite en Suisse. La formation professionnelle helvétique était l’un des principaux centres d’intérêt du président français. Avec une courbe du chômage qu’il a promis d’inverser, il a voulu en savoir plus sur le modèle dual de la Confédération. Ce système qui permet à la Suisse d’afficher un taux de chômage très faible par rapport au pays voisin. Depuis, rien de nouveau…
Le système suisse continue pourtant d’intéresser la France. La Fabrique de l’industrie, un influent think tank présidé par Louis Gallois, l’ancien PDG d’Airbus, a publié ce printemps une étude sur la formation professionnelle helvétique. «L’exemple suisse reste une source d’inspiration pour la France», assurent les auteurs qui n’hésitent pas à présenter ce modèle comme «un succès». «Les liens étroits entre l’école et le monde économique «permettent à la Suisse d’afficher un taux de chômage des jeunes parmi les plus bas au monde», assurent-ils.
Le Medef, de son côté, continue de faire campagne. Il a assuré la promotion de l’apprentissage cet été pendant toutes les étapes du Tour de France. Mais Florence Poivey attend toujours que le gouvernement y mette du sien. Le taux de chômage atteint près de 10,5% en France contre 3,1% en Suisse.
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Parce qu’elle manquait de travailleurs qualifiés pour son usine américaine, Daetwyler, une société suisse d’ingénierie de précision, a décidé de les former. Elle a donc lancé - avec d’autres - un des réseaux d’apprentissage à la sauce helvétique qui connaît le plus de succès aux Etats-Unis.
Devant le quartier général de la filiale américaine de Daetwyler, en Caroline du Nord, le drapeau américain flotte à côté de l’étendard helvétique. Même mélange culturel à l’intérieur des locaux: on y parle le suisse allemand autant que l’anglais, et la musique country résonne au pied d’un immense poster du Cervin. Une carte du centre-ville de Berne décore le mur du bureau de Walter Siegenthaler, vice-président exécutif de la firme. L’homme, qui a quitté sa Suisse natale il y a 40 ans, gère les opérations américaines de Daetwyler. Le principal défi qu’il a affronté durant ces décennies passées aux Etats-Unis: trouver un nombre suffisant de travailleurs qualifiés.
Le mois dernier, l’administration de Barack Obama a annoncé que 100 millions de dollars (101 millions de francs) seraient consacrés aux apprentissages, la plus grosse somme jamais investie dans la promotion de ce type de programme aux Etats-Unis. Mais Daetwyler et d’autres compagnies européennes ayant d’importantes filiales américaines ont déjà pris plusieurs longueurs d’avance sur le gouvernement – simplement parce qu’elles y étaient obligées.
«Dans le milieu des années 1990, il était très difficile de trouver de la main d’œuvre qualifiée, en particulier pour notre service à la clientèle, explique Walter Siegenthaler à swissinfo.ch. Nous n’arrivions simplement pas à trouver les gens.»
C’est qu’il fallait des personnes au profil bien particulier. «Quand un employé fait de l’entretien sur le terrain, il a besoin de compétences mécaniques, électroniques, hydrauliques, pneumatiques…, énumère Walter Siegenthaler. Nous ne pouvions pas engager un spécialiste qui ne connaisse qu’un de ces domaines, il nous fallait des personnes qui disposent de toute une gamme de connaissances.»
A cette époque, Daetwyler a découvert qu’une autre firme, ayant sa maison mère en Autriche, avait aussi de la peine à trouver des employés en Caroline du Nord. Les deux entreprises ont donc uni leurs forces, trouvé d’autres partenaires, et fondé le programme Apprenticeship 2000, une initiative destinée à former dès les bases les travailleurs dont ils avaient besoin.
Voici comment le système fonctionne: des jeunes de 17 ou 18 ans débutent un apprentissage pendant ou après leur dernière année d’études secondaires. S’ils doivent encore aller à l’école, ils alternent une demi-journée de classe et une demi-journée de travail chez Daetwyler. S’ils ont déjà obtenu leur baccalauréat, ils vont quatre jours par semaine chez Daetwyler et étudient un jour dans un collège communautaire. Le programme dure quatre ans et les apprentis obtiennent au final un Associate Degree (un diplôme d’associé) en mécatronique, ainsi qu’un poste chez Daetwyler – s’ils en veulent bien.
Walter Siegenthaler et son collègue Bob Romanelli, en charge du programme, parlent d’Apprenticeship 2000 avec passion. Et il en a fallu beaucoup pour créer ce programme à partir de rien, continuer à recruter des jeunes et convaincre les enseignants et les parents que l’apprentissage vaut vraiment quelque chose. Les étudiants en particulier ne sont pas faciles à convaincre, la plupart avaient prévu de faire leur quatre ans d’université et ne voient pas toujours pourquoi ils devraient envisager un apprentissage, relève Bob Romanelli.
«Les étudiants sont souvent réticents. Depuis des années, papa et maman leur répètent qu’ils vont aller à l’université. Nous menons donc une bataille sur deux ou trois fronts, pas seulement avec les écoles, mais aussi avec les parents et avec les étudiants eux-mêmes».
Le Central Piedmont Community College, qui propose des diplômes professionnels en deux ans, de la boulangerie-pâtisserie à la soudure, a accepté de prendre les étudiants d’Apprenticeship 2000 dans des classes séparées, en adaptant les cours aux besoins des entreprises. Mais les jeunes ne se pressent pas au portillon. Il faut toujours les recruter, et chaque étape demande du travail.
«Nous avons tout mis en place nous-mêmes à partir de zéro, le programme d’étude, les horaires… explique Walter Siegenthaler. Mais presque 20 ans après le début du programme, nous devons toujours aller frapper aux portes, pour trouver des jeunes qui sont assez malins - parce que le travail est assez exigeant – et qui aiment travailler de leurs mains.
DJ, 23 ans, fait partie des étudiants qui a été séduit par le programme. Il supervise aujourd’hui la coupe contrôlée par ordinateur dans l’usine Daetwyler. Son travail le passionne. Il lui permet de s’adonner à son hobby favori: réparer des anciens tracteurs avec son père.
«J’étais en cours de maths quand un de mes professeurs m’a parlé pour la première fois de cette possibilité d’apprentissage, raconte-t-il avec enthousiasme. Instantanément, je me suis rendu compte que j’allais adorer ce job. On m’a appris ici ce qu’il me fallait pour mieux réparer des tracteurs. D’ailleurs, j’ai pu créer beaucoup de pièces à l’usine pour mes engins. On me laisse travailler dessus ici, grâce à mon apprentissage.»
Le débat sur l’apprentissage
La crise économique, combinée à l’augmentation des frais pour les quatre ans nécessaires à l’obtention d’un diplôme universitaire, a mené à un vaste débat sur la question des apprentissages aux Etats-Unis. Dans ce cadre, certains estiment que les systèmes européens peuvent servir de modèles. Récemment, Jill Biden, la femme du vice-président Joe Biden, a visité la Suisse pour mieux comprendre le fonctionnement de son système d’apprentissage.
Et, le 13 janvier dernier, Johann Schneider-Ammann, le ministre en charge du Département fédéral de l’économie, a participé à un débat à la Maison Blanche sur les formations professionnelles. Le programme Apprenticeship 2000 lui-même a été primé par l’Ambassade de Suisse aux Etats-Unis.
Mais Walter Siegenthaler ne se repose pas sur ses lauriers. Il parcourt régulièrement les 640 kilomètres qui séparent la Caroline du Nord de Washington pour convaincre les législateurs américains de l’utilité de son programme et de la manière dont il pourrait être répliqué ailleurs dans le pays.
Malgré son succès, lui et Bob Romaneli savent qu’il y a encore beaucoup d’obstacles à surmonter pour passer du discours aux actes – à commencer par le système éducatif américain. «Quand les étudiants se rendent à nos séances d’orientation, nous leur faisons passer quelques tests basiques de maths, explique Bob Romanelli. Les étudiants s’en sortent très bien quand ils utilisent une calculatrice. Mais ils ont beaucoup de peine à faire des additions et soustractions basiques de tête… Et le problème va en empirant.»
Daetwyler et les autres sociétés impliquées dans Apprenticeship 2000 font régulièrement visiter leurs usines aux professeurs pour montrer quels genres de compétences apprises en classe sont utilisées dans le monde de l’entreprise.
«C’est assez fantastique, se remémore Walter Siegenthaler. Quand nous les amenons ici, les enseignants disent ‘je n’avais aucune idée que l’on employait les mathématiques dans des usines!’».
Formation pour le long terme
Autre défi: la standardisation des apprentissages. En ce moment, il existe trop de différents types d’apprentissages dans chaque Etat américain. Leur qualité et leur durée varient, et tous n’offrent pas des diplômes certifiés comme un Associate’s Degree.
«La plupart du temps, les sociétés américaines forment des gens pour accomplir une certaine tâche, explique Walter Siegenthaler. Nous souhaitons que nos apprentis aient une éducation aussi large que possible pour que nous puissions les transférer dans d’autres départements si besoin est. Les sociétés américaines traditionnelles, elles, ne réfléchissent que sur le court terme. Elles veulent que leurs apprentis sachent faire une seule chose. C’est très différent.»
Andrew, un apprenti de 20 ans chez Daetwyler, apprécie cette formation large. Elle lui a permis de changer de carrière. Il souhaitait auparavant devenir ingénieur mécanique – jusqu’à ce qu’il soit assigné au département d’électronique.
«J’ai découvert au travail que j’aimais vraiment beaucoup l’électronique, dit-il. J’ai donc changé de classe et je vais obtenir un diplôme d’ingénierie électronique. Tout a marché comme sur des roulettes. Et cela ne m’a pas coûté cher. J’ai pu d’abord voir si j’allais vraiment aimer cela, alors que quand on est à l’université, on ne sait pas vraiment».
Pourquoi investir?
Daetwyler et ses partenaires d’Apprenticeship 2000 financent la totalité des frais d’écolage des apprentis enrôlés chaque année (un ou deux par entreprise) et prennent en charge les frais de formation au sein de l’entreprise même. Au total, chacun des apprentis leur coûte près de 160'000 dollars.
Et est-ce que cela en vaut la peine? Absolument, selon Walter Siegenthaler. «Beaucoup de compagnies disent, ‘pourquoi former un employé qui s’en ira chez la concurrence?’ Cela ne se passe pas, parce que le programme suscite une loyauté quasi sans faille chez l’employé. Si un diplômé quitte le programme au lendemain de la remise de son diplôme, c’est que nous avons fait une erreur. Si nous traitons bien un apprenti, il restera travailler pour notre entreprise.»
Christopher, un apprenti en dernière année chez Daetwyler, explique à swissinfo.ch qu’il imagine toujours travailler pour la même compagnie dans dix ans. Et compte un jour «gérer tout un département.» Daetwyler le forme pour voyager aux Etats-Unis et autour de la planète en tant que technicien d’entretien.
«J’aimerais rester ici, ils me traitent vraiment bien, dit-il. J’aimerais continuer à travailler avec des machines et voyager. C’est une profession fascinante, jamais monotone ni répétitive.»
Pas de formule magique
Mais si le programme a fourni un certain nombre de travailleurs qualifiés à Daetwyler et ses partenaires, Apprenticeship 2000 n’est pas non plus une solution miracle.
«Nous avons toujours de la peine à trouver assez d’employés qualifiés, cela n’a pas changé, dit Walter Siegenthaler. Nous voulons avoir encore plus d’apprentis. Rien que dans les deux derniers mois, nous venons d’engager 10 personnes, dont certaines qui habitent dans le Wisconsin, à 1450 kilomètres d’ici. Il était impossible d’en trouver dans la région.»
Et même ces nouvelles recrues ne se sont pas toutes avérées fiables: «Certains employés n’avaient pas les qualifications nécessaires, dit-il. Nous avons dû nous en séparer.»
A l’avenir, il espère que le gouvernement unifiera le système de financement des apprentissages. En Caroline du Nord, où les opérations américaines de Daetwyler sont basées, n’importe quelle compagnie qui emploie un apprenti doit payer 50 dollars par étudiant par année pour financer le Bureau d’Etat pour la formation et les apprentissages.
Mais, à 80 kilomètres de là, en Caroline du Sud, les employeurs qui engagent des apprentis obtiennent une déduction fiscale de 1000 dollars pour chaque personne formée.
Pour Walter Siegenthaler, régler ce problème est urgent. Il s’agit d’une question vitale pour l’industrie américaine: «Les Etats-Unis ont besoin de main-d’œuvre qualifiée. Je reçois énormément de rapports qui me parlent de la pénurie de travailleurs. Nous devons faire quelque chose. Sans quoi, les entreprises manufacturières vont disparaître.»
Discussions à la Maison Blanche
Le 13 janvier à la Maison Blanche, la promotion des succès du système suisse d’apprentissage a été un des sujets d’échanges entre Johann Schneider-Ammann, ministre suisse en charge de l’économie et de l’éducation, des hommes d’affaires suisses et des conseillers de haut rang du président Barack Obama. Cette table ronde s’inscrivait dans le cadre du programme gouvernemental américain «Select USA», qui vise à promouvoir l’attractivité du pays pour les investisseurs, tant étrangers que locaux.
Johann Schneider-Ammann prévoit de retourner aux Etats-Unis en juillet pour une mission de plus longue durée, vouée à l’économie, à l’éducation et à l’innovation, a annoncé son Département.
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