Le Cameroun veut séduire les investisseurs
Les échanges commerciaux entre la Suisse et le Cameroun restent timides. La «locomotive de l’Afrique centrale» lance une offensive de charme pour attirer les investisseurs helvétiques dans l’agriculture, les matières premières et les infrastructures.
«Le Cameroun veut devenir un pays émergent. Nous ne sommes pas grands, mais nous voulons copier la Suisse», s’est exclamé Louis Paul Motaze, le ministre de l’Economie, lors d’une journée d’information qui s’est tenue le 12 mai à Genève. «Le Cameroun est la locomotive et la porte d’entrée de l’Afrique centrale. Y investir, c’est accéder à un marché de 150 millions de consommateurs.»
Mais pour l’instant les investisseurs suisses ne se sont pas pressés au portillon. «Les échanges entre nos deux pays sont timides, reconnaît Philippe Meyer, de la Chambre de commerce de Genève. Pourtant, le Cameroun compte parmi les pays d’Afrique où le climat est le plus favorable aux investissements étrangers. Il y a beaucoup d’opportunités dans le pétrole, l’agriculture, les énergies, les technologies environnementales et l’exploitation des ressources naturelles.»
Malgré cela, Thomas Seghezzi, de Rainbow unlimited, la société organisatrice de l’événement, relève une augmentation de l’intérêt des entreprises helvétiques, dont les PME, pour l’Afrique. «Certes, la coupe du monde de football y a contribué, admet-il. Mais les études menées par des cabinets comme Mc Kinsey montrent aussi que c’est là que se trouve la croissance, avec une classe moyenne en pleine expansion.»
Transformer les produits sur place
«Il ne faut pas oublier que le Cameroun est un pays agricole, souligne Louis Paul Motaze. Nous avons un potentiel énorme, mais notre agriculture n’est pas encore très moderne. Ce n’est pas normal que nous ne produisions que 10% de notre consommation de riz. Nous voulons attirer les investisseurs pour accroître notre productivité et transformer nos produits sur place.»
Marthe Angéline Mindja, directrice de l’Agence de promotion des investissements, affirme vouloir rompre avec la situation où les produits agricoles primaires sont exportés «et reviennent au Cameroun dix fois plus chers, après avoir été transformés ailleurs». Mais elle souligne que le pays veut parvenir à l’autosuffisance alimentaire, si bien que l’investissement dans l’agriculture doit d’abord servir à nourrir la population locale. Seul l’excédent devrait être exporté.
«Notre sous-sol est riche en tout, continue le ministre: pétrole, or, diamants, nickel, cobalt, uranium. Et la deuxième richesse d’exportation, après le pétrole, c’est le bois. Mais là aussi, nous voulons faire en sorte qu’il soit transformé localement pour créer de la richesse et des emplois.»
Cependant, il reconnaît qu’il n’est pas facile de faire des affaires au Cameroun. «Nous voulons rester lucides, concède-t-il, notre pays n’a pas encore très bonne presse. Il y a un déficit dans l’infrastructure et l’énergie, alors même que nous avons le deuxième potentiel hydroélectrique d’Afrique.»
Main d’œuvre bien formée et technologie 4G
Nestlé n’a pas hésité à investir au Cameroun pour profiter du marché régional. Stéphane Nordé-Latour, directeur pour l’Afrique centrale, se réjouit de trouver des talents de très haut niveau sur place – une qualité reconnue par tous les investisseurs présents.
Mais la main d’œuvre est exigeante. «L’Afrique est entrée directement dans le 21ème siècle, sans passer par les technologies évolutives, explique-t-il. Grâce au téléphone portable, on peut savoir en temps réel ce que fait notre collaborateur dans le plus reculé des villages. Nos employés veulent le dernier cri de la technologie et il faut la leur donner. Sur Douala, on suit presque en temps réel 35’000 points de vente. Aujourd’hui, je peux vous dire combien de tasses de café ont été servies dans 61 stations essence hier. Nous appliquons les mêmes standards de qualité, technologie et sécurité du travail que partout ailleurs.»
4Gafrica s’est lancée dans la brèche des nouvelles technologies. Cette entreprise suisse opère le premier système d’Internet mobile 4G en Afrique sub-saharienne. «Grâce à son ordinateur à 150 dollars, le petit commerçant peut appeler son fournisseur Nestlé et lui demander de lui amener encore quelques kilos de Maggi», ironise le PDG, Dov Bar-Gera.
L’entreprise gère 45 stations de base sur Douala. Elle entre sur le marché avec des produits très abordables – à partir de 1,50 CHF par mois pour l’internet. Elle n’emploie que des Camerounais et a confié la construction de ses équipements à une compagnie locale. «La qualité du travail est souvent la même qu’en Europe, assure-t-il, sauf qu’au Cameroun, c’est le tiers du prix. Et le potentiel d’investissement est illimité, car le pays a besoin de tout: technologies, infrastructures et support technique.»
De 1960 à 1996, le Cameroun était l’un des pays de concentration de l’aide suisse au développement. Aujourd’hui, la DDC continue d’y soutenir des projets d’appui aux ONG. Le pays a bénéficié de l’allègement de la dette suisse de 34 millions de CHF. Les deux pays ont conclu des accords sur le commerce, la protection des investissements et la coopération technique.
La balance commerciale entre les deux pays est nettement favorable à Berne: au cours des quatre dernières années, le Cameroun a exporté pour 700’000 dollars vers la Suisse – surtout des produits agricoles et des matières premières. La Suisse lui a vendu pour 74 millions de dollars, notamment des papiers journaux, du sucre de canne, de la betterave, du savon, des articles de ménage et des articles pharmaceutiques.
Le pays affiche un taux de croissance de 5%. Depuis les années 90, il a adopté une politique résolument libérale, notamment via une politique d’attraction des investissements qui offre des avantages fiscaux, commerciaux et douaniers aux entreprises étrangères. Un guichet unique a été instauré et le gouvernement affirme qu’on peut créer une entreprise en trois jours.
Du 3 au 11 décembre 2011 aura lieu Promote 2011 à Yaoundé, une manifestation pour attirer les investissements étrangers, à laquelle va notamment participer la Chambre de commerce Suisse – Afrique.
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