Le financement de l’attentat de Bologne mène à la Suisse
Quarante ans après, le terrible attentat de la gare de Bologne fait à nouveau la Une en Italie. La presse italienne révèle que les auteurs de l’attentat le plus meurtrier de l’histoire de l’Italie – 85 morts et plus de 200 blessés – avaient non seulement des comptes bancaires en Suisse, mais ont été rémunérés via un transfert de cinq millions de dollars parti de Genève.
Le célèbre attentat de BologneLien externe n’a pas encore révélé tous ses secrets, comme l’explique un récent article de l’hebdomadaire italien l’EspressoLien externe. En effet, de nouvelles informations sur le volet financier de ce massacre sont parvenues aux enquêteurs italiens après une salve de commissions rogatoires envoyées à la Suisse entre 2018 et 2019, et dont l’Office fédéral de la justice (OFJ) a confirmé l’existence à Gotham City.
«L’OFJ a reçu un total de 12 demandes de la part de la Procura Generale della Repubblica presso la Corte d’Appello di Bologna dans cette affaire, précise un porte-parole. Elles ont été exécutées par l’autorité centrale de l’OFJ pour la coopération avec l’Italie.»
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Dans cette sombre affaire où tout n’a pas encore été clarifié, une chose est sûre: l’attentat du 2 août 1980 était bien un massacre fasciste. Les quatre personnes condamnées pour son exécution étaient toutes membres d’organisations clandestines d’extrême droite, en particulier des NAR (Noyaux armés révolutionnaires). Mais des zones d’ombre subsistent. Qui était le cerveau de l’attentat et pourquoi l’avoir commandité? Pour répondre à ces questions, les enquêteurs italiens ont observé une règle de base: suivre l’argent.
Réseau clandestin influent
Outre les auteurs de l’attentat, d’autres personnes ont également été condamnées, notamment pour avoir détourné l’enquête vers de fausses pistes internationales – dont celle du terroriste vénézuélien Carlos – au lieu de l’orienter vers les terroristes néo-fascistes.
Parmi ces individus figuraient trois officiers de haut niveau du renseignement ainsi que Licio Gelli, le chef de la fameuse loge maçonnique Propaganda due (P2), un réseau clandestin et influent de politiciens, magistrats, financiers, militaires et journalistes.
Décédé en 2015, Licio Gelli était l’un des personnages les plus troubles de l’histoire italienne récente. Son nom apparaît dans tous les scandales italiens des années 80 et 90, du scandale du Banco AmbrosianoLien externe, dont le président Roberto Calvi, membre de la P2, a été retrouvé mort pendu à Londres en 1982, à la maxi-affaire de corruption et de financement illicite des partis politiques TangentopoliLien externe. Et jusqu’au massacre de Bologne.
«Bologne – 525779 – X.S.»
En 2017, les enquêteurs bolonais rouvrent une enquête sur l’aspect financier de l’attentat. L’enquête permet d’identifier quatre noms, dont celui de Licio Gelli. Problème: tous sont décédés. Il ne peut donc n’y avoir ni procès, ni condamnation, ni acquittement.
Comme l’a rappelé la presse italienneLien externe à l’occasion du quarantième anniversaire de l’attentat, le 2 août dernier, cette enquête s’était focalisée en particulier sur un document saisi par les autorités suisses lors de l’arrestation de Licio Gelli à Genève en 1982. Les autorités genevoises avaient déniché un morceau de papier qui, aujourd’hui, a pris une importance considérable dans l’enquête.
Il s’agissait d’une note portant l’en-tête «Bologne – 525779 – X.S.» indiquant notamment le numéro d’un compte bancaire ouvert au siège genevois d’UBS. C’est ce document qui a permis aux enquêteurs, en suivant les flux d’argent entre commanditaires et exécutants, de faire le lien entre le «vénérable» de la loge P2 et les auteurs du massacre.
De l’argent volé à Banco Ambrosiano
Environ cinq millions de dollars – le prix présumé de l’attentat – sont partis de comptes suisses attribuables à Gelli et à son bras droit Umberto Ortolani pour atterrir in fine, via plusieurs intermédiaires, dans les poches des néo-fascistes du NAR, ainsi que de personnalités appartenant aux cercles les plus controversés des services secrets de l’époque et de journalistes proches de ces derniers.
L’enquête de l’Espresso souligne que 20% de cette somme, soit un million de dollars, a été payé en espèces, sous forme d’«avances» entre le 20 et le 30 juillet 1980, soit à la veille du massacre. Le montant restant a été versé au début du mois de septembre en tant que «solde». Selon l’hebdomadaire italien, cet argent aurait été volé à Banco Ambrosiano, la banque mise en faillite par le banquier Roberto Calvi.
Toujours selon L’Espresso, une grande partie de ces millions aurait également été redistribuée par des hommes de paille vers les comptes suisses des terroristes et de cadres du renseignement italien.
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