Le Forum de Davos les mains dans le cambouis
A partir de mercredi, la station grisonne de Davos-Klosters accueille la 41e réunion annuelle du World Economic Forum (WEF), dans un contexte de division croissante entre pays englués dans les déficits et nations en marche accélérée vers la réussite économique.
La croissance rapide des économies émergeantes contraste avec le lourd fardeau de l’endettement et la période d’austérité actuelle dans la plupart des pays occidentaux. Un fait synonyme de modification de l’équilibre économique et peut-être politique des pouvoirs dans le monde.
Cette situation produit aussi de la volatilité dans le champ des monnaies ainsi que des tensions entre pays rivés sur des objectifs économiques, politiques et sociaux différents.
«Le monde n’a jamais été simultanément confronté à autant de défis complexes, juge Klaus Schwab, fondateur du WEF. Nous vivons dans un nouveau genre de réalité, et ce que nous voulons savoir, c’est: quelle est cette réalité?»
Le vent du changement
Professeur de stratégie et de management à l’IMD de Lausanne, Tom Malnight est lui aussi convaincu que le régime des vents est en train de changer à l’échelle du monde.
«Le rythme du changement est plus rapide d’année en année et les bouleversements actuels sont souvent plus importants que ceux du passé. Le changement est beaucoup plus fondamental que la crise financière.»
Face à cette réalité, dans le but de dénouer ce vaste imbroglio de pressions conflictuelles ou convergentes, quelques 2500 personnalités influentes du monde politique, économique et de la société civile se donnent à nouveau rendez-vous dans la station grisonne en cette fin janvier.
Le président russe Dmitri Medvedev – qui a retardé son départ à cause de l’attentat survenu dans l’un des aéroports de Moscou, mais devrait néanmoins tenir le discours d’ouverture – chapeautera une liste de notables qui comprend le président français Nicolas Sarkozy, la chancelière allemande Angela Merkel, le premier ministre britannique David Cameron et le président sud-africain Jacob Zuma.
Cet aréopage doit côtoyer à Davos les gourous de l’industrie, de la finance et de l’économie, les représentants d’ONG et de groupes de pression et tout un florilège de personnalités des arts, des religions, des médias et du champ scientifique.
Une boîte à parlote
«Tous ces problèmes ne peuvent être résolus qu’en mettant tous ces gens ensemble autour d’une table», juge André Schneider, directeur opérationnel du WEF pendant douze ans, avant son départ en 2010.
«Chacune de ces rencontres est l’occasion d’une avancée – pas toujours aussi rapide que certains ne le souhaiteraient – mais ça bouge. L’explication, c’est que les gens peuvent s’y exprimer ouvertement, sans la pression d’avoir à décider au final.»
Au fil des ans, le WEF récolte une bonne dose de critiques qui mettent en cause son absence apparente de résultats. Une boîte à parlote, une plateforme qui permet aux grands patrons de se voir et de signer des deals: les opinions défavorables ne sont pas toujours tendres.
Il y a deux ans, au plus fort de la crise financière, les participants ont été invités à laisser de côté cocktails dinatoires et autres banquets pour se retrousser les manches afin de trouver des solutions à la crise.
Cette année, Klaus Schwab s’est engagé à rapprocher le WEF de la prise de décision effective en attirant l’attention du G20 – le groupe des pays les plus influents, qui font toujours plus l’agenda global.
«Nous voulons contribuer de manière forte à la dynamique du G20», indique Klaus Schwab, précisant que le modèle du WEF, qui consiste à réunir les intervenants de différents domaines de la société, devrait pour partie au moins être repris par le club politique le plus puissant du monde.
Modèle de croissance
Klaus Schwab assure d’ailleurs qu’il profitera de la réunion de Davos pour promouvoir cette idée auprès de Nicolas Sarkozy, dont le pays préside actuellement le G20.
En décembre, le WEF a institué un Risk Response Network. Ce réseau tablant sur l’expertise conjointe de 600 experts de différents champs de compétence doit permettre de détecter les dangers les plus pressants pour la stabilité mondiale et tenter d’apporter une réponse rapide avant tout emballement.
En plus des problèmes cités plus haut, le rapport annuel du WEF consacré aux risques globaux signale, comme principales menaces pour la société, la corruption, la rareté de l’eau et d’autres ressources de première nécessité, l’insécurité numérique, la croissance démographique et les armes nucléaires et biologiques.
«Au moment où j’ai rejoint le WEF en novembre 1998, l’organisation avait moins de 90 employés et des revenus annuels de 50 millions de francs, se souvient André Schneider. Le forum emploie aujourd’hui plus de 400 collaborateurs, avec des bureaux importants aux Etats-Unis, en Chine et au Japon, et des revenus annuels quatre fois plus élevés.»
«En douze ans, nous avons mené une organisation largement centrée sur la réunion annuelle vers un forum qui produit des initiatives et des idées soumises à la discussion» à Davos.
Le World Economic Forum a été fondé par Klaus Schwab sous le nom de Management Symposium à Davos en 1971.
Son but était de mettre en relation les leaders européens du monde des affaires avec leurs homologues des Etats-Unis pour stimuler leurs échanges et résoudre certains problèmes.
Le WEF est une organisation sans but lucratif basée à Genève, financée par différentes formes de contributions de ses membres.
Le forum a pris son nom actuel en 1987, élargissant dans le même temps son champ d’action pour permettre de trouver des solutions aux conflits internationaux.
Le WEF indique qu’il a contribué à calmer les conflits ceux entre la Grèce et la Turquie, entre les Corée du Sud et du Nord, entre l’Allemagne de l’est et de l’ouest, et en Afrique du Sud durant l’apartheid.
Le WEF rédige des rapports détaillés, globaux et par pays, et toute une série de recherches à l’intention de ses membres. Il organise plusieurs réunions annuelles – la principale ayant lieu à Davos au début de chaque année.
En 2002, la réunion annuelle s’est exceptionnellement tenue à New York en soutien à la ville après les attentats du 11 septembre 2001.
Davos a attiré au fil des ans les grands noms du monde des affaires, de l’université, de la politique et du show business. Entre autres exemples: Nelson Mandela, Bill Clinton, Tony Blair, Bono, Angela Merkel, Bill Gates et Sharon Stone.
Dans les années nonante, au moment où le forum gagnait en taille et en crédibilité, il s’est attiré de plus en plus de critiques de la part des organisations antimondialisation. Ces dernières critiquaient notamment sa dimension élitaire et utilitariste.
L’édition 2011 de la réunion annuelle se déroule du 26 au 30 janvier, avec au rendez-vous 2500 délégués de 90 pays.
(Traduction et adaptation de l’anglais: Pierre-François Besson)
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.