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Le Forum économique mondial de Davos n’est-il qu’une grande pièce de théâtre?

Leere Stühle vor blauem Hintergrund an einer Diskussionsrunde am WEF.
Le World Economic Forum (WEF) a présenté mardi le programme de sa réunion annuelle. © Keystone / Salvatore Di Nolfi

Du 15 au 19 janvier 2024, la cité grisonne de Davos accueille les "grands de ce monde" lors de la 54e réunion annuelle du Forum économique mondial, le WEF (World Economic Forum). Pour les plus enthousiastes, le WEF est essentiel à l’organisation de la coopération internationale face aux enjeux les plus périlleux de notre époque. Pour les plus méfiants, le Forum de Davos est un instrument de la domination des élites économiques et politiques. Et vous, qu’en pensez-vous? Venez en débattre avec Dialogue, une offre de la SSR.

Intitulée « Rebuilding Trust » (« Reconstruire la confiance »), la 54e édition du sommet annuel du WEF souhaite mettre au programme de l’édition 2024 « les principes fondamentaux de la confiance »: transparence, cohérence et responsabilité. 

En effet, selon un rapport publié par le WEFLien externe mercredi, la désinformation constituerait la plus grande menace pour le monde dans les deux prochaines années. La deuxième serait les événements météorologiques extrêmes et la troisième la polarisation politique de la société. Près de 1500 experts et décideurs ont alimenté cette évaluation.

« Reconstruire la confiance »

Ainsi, gouvernements, chefs d’Etat – le président ukrainien Volodymyr Zelensky et ses homologues Isaac Herzog pour Israël et Emmanuel Macron pour la France seront de la partie -, organisations internationales, milliardaires et grands entrepreneurs, experts et universitaires, représentants de la jeunesse, ONG et organes de presse défileront dans les couloirs du centre de conférences de la station hivernale grisonne.

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Face aux menaces de la désinformation, des événements climatiques extrêmes et de la polarisation politique, ces hauts dirigeants vont tenir des conférences, échanger des idées, proposer des solutions afin de résoudre les grands problèmes contemporains et « reconstruire la confiance ». Il n’est en revanche pas indiqué de manière précise entre qui et qui la confiance doit être restaurée.  

En outre, déjà lors de l’édition 2023, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, y a plaidé pour des armes et des munitions en faveur de l’Ukraine, afin que celle-ci puisse mettre hors d’état de nuire les troupes de l’agresseur russe. Alors que la Russie reste exclue du WEF, Volodymyr Zelensky suivra selon toute vraisemblance la même ligne que Jens Stoltenberg lors de cette édition 2024. Il ne s’agit donc en tout cas pas de « reconstruire la confiance » entre Est et Ouest, ni de renforcer la « coopération internationale » tous azimuts.  

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Ou « construire la défiance »?

Mais surtout, les participants à la 54ème réunion annuelle du WEF vont réseauter. Créé en 1971 par l’économiste allemand Klaus Schwab, l’ancien « Symposium européen du management », renommé WEF depuis 1987, n’est en effet que la vitrine médiatique de l’architecture complète du WEF. 

Dans un entretien avec l’historienne Agnès Tachin, qu’elle relate dans un article de 2015Lien externe, Yann Zopf, co-organisateur de l’événement, actuellement responsable médias et membre du comité exécutif du WEF, souligne en effet que la base de l’activité du WEF « n’est pas de créer des événements mais des communautés ». 

Comme le résume l’historienne, « le WEF effectue essentiellement un travail de mise en relation, il favorise les contacts et les échanges entre les principaux décideurs de la planète. […] Depuis sa création, l’institution a mis sur pied [des] communautés formées de leaders politiques et économiques, d’experts, de représentants de la société civile. Plus que le sommet lui-même, vitrine de l’institution et grand barnum médiatique, le véritable intérêt du WEF […] réside dans cette intense activité de mise en réseau et de production de connaissances sur l’état du monde ».

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Complotisme ou altermondialisme?

Or, ce réseautage suscite des critiques. Qu’elles viennent de milieux universitaires, de politiques, de médias ou de la société civile, elles sont d’ailleurs souvent taxées de « complotistes ». S’il est vrai que le WEF est sujet à de nombreux fantasmes et explications simplistes, le sentiment de perte de souveraineté qui se cache derrière certaines théories complotistes sur le WEF n’est pas illégitime. 

Ce sentiment est d’ailleurs à la source des grandes mobilisations historiques anti-WEF du mouvement altermondialiste dans les années 2000. Un mouvement qui remettait au coeur de sa critique du WEF les notions de « conflits d’intérêt » et d »anti-capitalisme », revendiquant qu’une autre mondialisation que la mondialisation marchande et financière soit possible. Dans cette lancée, le Forum social mondial a été lancé en 2001 à Porte Alegre pour servir d’alternative au Forum de Davos.

Car d’après le credo du WEF, les investisseurs, les entrepreneurs et les CEO peuvent « améliorer le monde » par leurs décisions. Un credo qui, selon le journaliste de la SRF Sebastian RamspeckLien externe, « est revenu à la mode ces dernières années grâce à une nouvelle génération de patrons ». D’après lui, ces leaders privés « aiment prendre position sur des sujets de société et de politique et veulent ainsi présenter leur entreprise sous un jour favorable ». 

Avec ironie, le journaliste français Serge Halimi, dans son ouvrage Les Nouveaux Chiens de garde paru en 1997, rappelait il y a plus d’un quart de siècle déjà: « À Davos, on retrouve chaque année quelques-uns des 358 milliardaires qui ensemble et dans ‘la diversité’ contribuent d’autant à changer la planète qu’ils détiennent davantage de richesses à eux seuls que près de la moitié de la population mondiale ». Aujourd’hui, on dénombre environ 2700 milliardaires autour du globe, et nul doute que leurs intérêts seront aussi représentés à Davos.

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