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Le patron de Nestlé met la pression

Jeudi, Peter Brabeck jouera à quitte ou double. Keystone

Le conseil d'administration menace de démissionner en bloc si les actionnaires refusent à Peter Brabeck le double mandat de président et de patron du groupe.

La Fondation Ethos veut en effet empêcher cette concentration des pouvoirs lors de l’assemblée générale géant alimentaire jeudi prochain.

Jeudi prochain, l’assemblée générale de Nestlé promet d’être animée car le débat s’est enflé au fil des semaines depuis l’annonce du départ de Rainer Gut de la présidence de la multinationale veveysanne.

C’est jeudi en effet que le président actuel du conseil d’administration, Rainer Gut, quittera officiellement son poste. Un poste pour lequel Peter Brabeck, déjà président de la direction de Nestlé, est candidat.

Les propositions d’Ethos

Depuis quelques jours, des voix s’élèvent pour rejeter le double mandat. Un groupe d’actionnaires le juge «inacceptable». Il est emmené par la Fondation Ethos, qui regroupe 83 caisses de pension, dont 5 grandes caisses cantonales.

Jeudi, Ethos va proposer d’empêcher que le président du conseil d’administration occupe également la direction de l’entreprise. Autre proposition: ramener de 5 à 3 ans la durée d’un mandat d’administrateur.

Enfin, Ethos demandera aux actionnaires de réduire de un million à 100’000 le nombre d’actions nominatives nécessaires pour soumettre des propositions à l’assemblée générale.

«Nestlé s’apprête à concentrer beaucoup trop de pouvoir aux mains d’une seule personne», a déclaré Dominique Biedermann, directeur général d’Ethos. Il estime que cette décision irait à l’encontre de la tendance actuelle, amorcée depuis les scandales Enron ou Swissair, qui ont changé les pratiques en matière de culture d’entreprise.

Dominique Biedermann a ajouté, dimanche à la Radio romande: «La loi prévoit que le conseil d’administration veille au développement stratégique de l’entreprise et surveille la direction générale. Or, il est impossible de se surveiller soi-même.»

Réaction musclée

La riposte ne s’est pas faite attendre. Le porte-parole de Nestlé, Robin Tickle, a déclaré dans la presse du dimanche que Peter Brabeck se retirerait de son poste de patron du groupe au cas où les actionnaires de Nestlé approuvaient la modification des statuts proposée par Ethos.

Un tel «vote de défiance» entraînerait la démission de l’ensemble du conseil d’administration. Pour éviter de mettre le groupe dans une mauvaise posture, les actionnaires ne doivent donc pas approuver la requête d’Ethos.

Nestlé a précisé que le cumul des fonction était une garantie de continuité et de stabilité pour la multinationale, et qu’il n’y avait pas de meilleur candidat que Peter Brabeck

La presse dominicale fait part d’entretiens entre le président sortant Rainer Gut et des investisseurs pour s’assurer de leur soutien. Les investisseurs se sont ainsi vus exposer les conséquences négatives pour l’entreprise d’un soutien à la proposition d’Ethos.

D’autres multinationales suisses connaissent le système de double casquette, comme Novartis ou Ciba. A Nestlé aussi, Helmuth Maucher, aujourd’hui président honoraire, avait cumulé les pouvoirs de 1990 à 1997.

«C’est vrai, répond Dominique Biedermann, mais depuis lors, Nestlé a très bien vécu avec 2 personnes à sa tête. En tant qu’actionnaire à long terme, nous ne pouvons accepter ce retour en arrière.»

Manque d’indépendance

Pour ce qui est de la menace de retrait du conseil d’administration dans le sillage de Peter Brabeck, Dominique Biedermann s’étonne de ce «manque d’indépendance du conseil par rapport à M. Brabeck».

«Le conseil d’administration de Nestlé est spécial car il compte 12 membres, dont seuls 6 font partie des comités spécialisés du conseil. C’est inhabituel et c’est un signe supplémentaire de concentration des pouvoirs entre quelques personnes.»

Pour la durée des mandats des administrateurs. Dominique Biedermann rappelle que «Nestlé est la seule des 100 premières sociétés suisses à autoriser des mandats d’administrateurs de plus de 4 ans alors que la plupart durent 3 ans.»

Nombre de sociétés cotées ont réformé gouvernance d’entreprise. Adecco, ABB, Kudelski ou encore Lonza, appliquent la règle du mandat des «un an renouvelable», pour les mandats de leurs administrateurs. «Nestlé va à contre-courant», résume le directeur de la Fondation Ethos.

Issue incertaine

Ethos est soutenue par des investisseurs internationaux, dont Institutional Shareholder Services (ISS) aux Etats-Unis, qui a également mis en garde Nestlé contre «les mauvaises pratiques» de la gouvernance d’entreprise.

Mais Dominique Biedermann ne se fait guère d’illusions sur les chances de remporter une majorité contre Peter Brabeck et les administrateurs.

«La plupart du temps, les décisions se prennent à 99% des suffrages des actionnaires. Si l’on obtient jeudi 20 %, ou même seulement 10% des voix, ce serait déjà un signal fort pour les administrateurs», espère le directeur général d’Ethos.

swissinfo et les agences

Ethos a été créée en 1997 par deux caisses de pension genevoises et en compte aujourd’hui 83 dans toute la Suisse.
La fondation administre 875 millions de francs en suivant les principes du développement durable.
Avec 5 caisses de pension cantonales, Ethos détient pour plus de un million de francs d’actions nominales de Nestlé, d’une valeur d’environ 300 millions de francs actuellement.

– Helmuth Maucher a été président du conseil d’administration et de la direction de Nestlé de 1990 à 1997. Il est aujourd’hui président honoraire.

– En 1997, le cumul des fonctions a pris fin. Rainer Gut a été nommé président du conseil d’administration et l’Autrichien Peter Brabeck (entré à Nestlé en 1968) président de la direction.

– Peter Brabeck est aussi vice-président du Credit Suisse Group et membre de la direction de l’Oréal et de Roche.

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