Le système financier mondial tente d’éviter l’effondrement
A Washington, le FMI approuve un plan d'action. Et son directeur général Dominique Strauss-Kahn met en garde contre un «effondrement du système financier mondial». Côté suisse, la délégation ne dit rien de la santé des deux grandes banques du pays.
Le Comité Monétaire et Financier International, instance politique du FMI (Fonds Monétaire International) a approuvé un plan pour tenter de rétablir la confiance dans les banques privées, stabiliser les marchés financiers et relancer le crédit. La Suisse y était représentée cette année par Jean-Pierre Roth, président de la Banque nationale suisse (BNS), en raison de la convalescence du ministre des Finances Hans-Rudolph Merz.
Pour l’essentiel, ce plan reprend le texte adopté vendredi soir par les ministres des Finances et de l’Economie du G7, le groupe des pays les plus industrialisés. Mais le directeur général du FMI, le Français Dominique Strauss-Kahn, déplore que le G7 et le Comité s’en soient tenus à des engagements généraux, sans annoncer de mesures concrètes.
Au bord de l’effondrement
Alors que les Etats-Unis prêchaient la patience, pour laisser le temps d’agir aux différents plans de sauvetage déjà lancés par plusieurs pays et aux baisses d’intérêt et autres injections d’argents frais consentis par plusieurs banques centrales (y compris la BNS) Dominique Strauss-Kahn a souligné l’urgence d’une action concertée des gouvernements.
«L’intensification des préoccupations en matière de solvabilité de plusieurs des plus grands établissements financiers américains et européens ont poussé le système financier mondial au bord de l’effondrement systémique», avertit le patron du FMI.
Dominique Strauss-Kahn n’a pas cité les noms des établissements bancaires auxquels il faisait allusion.
Discrétion et confiance
Lors de la conférence de presse de la délégation suisse samedi soir, Jean-Pierre Roth s’est refusé à s’exprimer pour swissinfo sur l’état de santé des deux plus grandes banques suisses, UBS et Credit Suisse,
Vendredi, le gouvernement suisse a annoncé que, dans un geste inhabituel, la ministre des Finances par intérim, Eveline Widmer-Schlumpf, annulait sa participation aux réunions de Washington pour rester en Suisse, suivre la situation des marchés financiers au quotidien et demeurer en contact direct avec la Commission fédérale des banques et la BNS.
Pendant ce temps à Washington, Jean-Pierre Roth et Doris Leuthard, ministre de l’Economie, se sont voulu rassurants. «Nous ne voulons pas du tout que l’une de nos grandes banques se retrouve dans une crise grave qui pourrait conduire à la faillite et le gouvernement fédéral empêcherait absolument cela», a dit Doris Leuthard vendredi soir.
La ministre de l’Economie se disant par ailleurs favorable, comme Madame Widmer-Schlumpf, à l’examen par le Gouvernement de la proposition du Parlement de relever le plafond de la garantie des dépôts bancaires, fixé pour le moment à 30’000 francs (alors que l’Union européenne est à 80’000).
«Pas un Bretton Woods»
«Pendant la réunion du Comité du FMI, il y a eu convergence de vues et il a été clairement dit qu’aucun pays ne laissera tomber un établissement bancaire», assure pour sa part Jean-Pierre Roth.
Pour autant, la réunion de crise de l’organe politique du FMI «n’était pas un Bretton Woods», nuance le patron de la BNS, faisant référence au sommet international qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, avait restructuré le système économique mondial en créant le FMI et la Banque Mondiale.
«Ce sont les problèmes à court terme qui ont dominé», précise Jean-Pierre Roth, avant de prévenir qu’«une fois la situation maîtrisée, il faudra penser à l’avenir».
«Cette crise est terrible, mais demain, si nous ne voulons pas revivre la situation actuelle, il faudra que les banques soient en mesure d’absorber les chocs. Objectif numéro un, des banques plus capitalisées et moins endettées».
Les contribuables devront-ils être encore et toujours sollicités pour aider des banques privées ? «Le marché est là pour recapitaliser les banques», répond le patron de la BNS.
Leçons à tirer
Par ailleurs, Jean-Pierre Roth admet que «certaines leçons seront à tirer de la crise actuelle» en ce qui concerne la capacité du FMI, de la Banque Mondiale et des gouvernements à prévoir les crises. Le FMI, en particulier, qui est pourtant sensé être le surveillant de l’économie mondiale, n’a pas vu venir la crise actuelle, comme il n’avait pas prévu la crise asiatique de 1997.
«Des erreurs de jugement ont été faites par tous les Etats, notamment aux Etats-Unis où on a laissé se développer ce marché du crédit immobilier à haut risque. A un moment donné, il faudra donc se demander si les instruments d’examen, ceux du FMI en particulier, sont à la hauteur des défis qui peuvent se présenter», poursuit le patron de la BNS.
swissinfo, Marie-Christine Bonzom à Washington
Selon un classement du Forum économique mondial publié vendredi, c’est le Canada qui a le système bancaire le plus sain et le plus solide du monde, devant la Suède, le Luxembourg, l’Australie et le Danemark. La Suisse ne se classe que 16e, juste avant la Namibie…
Interrogé par swissinfo sur la signification de ce classement pour les banques suisses, le président de la BNS a rappelé que le WEF «range la Suisse au second rang mondial en ce qui concerne la compétitivité».
Jean-Pierre Roth a par ailleurs minimisé la portée de ce classement général des systèmes bancaires. «Si on regarde les détails de cette étude, on se rend compte que le Forum a mélangé les serviettes et les torchons», a-t-il affirmé.
Comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) été fondé en 1945.
Le FMI s’occupe avant tout de coopération monétaire, de stabilité financière et de prévention des crises économiques.
Le FMI a 185 pays membres. Chacun contribue au capital de l’institution en proportion du poids de son économie. Ce poids lui donne aussi une quote-part lors des votations internes.
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