Le vote électronique ne compense pas la frustration des Suisses de l’étranger
Les Suissesses et Suisses de l’étranger de trois cantons ont pu participer aux élections fédérales du dimanche 22 octobre par voie électronique. Dans les autres cantons, le vote par correspondance continue d’être source de frustration.
«Nous habitons à Phuket, en Thaïlande, et sommes ravis que le système de vote électronique du canton de Thurgovie fonctionne si bien», affirme Herbert Keller.
Les Suissesses et Suisses de l’étranger inscrits sur les registres électoraux des cantons de Bâle-Ville, Saint-Gall et Thurgovie ont pu participer aux élections fédérales du 22 octobre 2023 par voie électronique.
C’était la seconde fois que ces cantons proposaient ce canal de vote, après que la Chancellerie fédérale a autorisé la reprise des essais en début d’année. Ces derniers avaient été stoppés en 2019 pour des raisons de sécurité.
>> La reprise des essais d’e-voting ravit les Suisses de l’étranger
Un plébiscite pour le vote électronique
À l’instar d’Herbert Keller, les nombreuses et nombreux Suisses de l’étranger inscrits dans les trois cantons susmentionnés manifestent leur enthousiasme. «Nous espérons qu’il en sera toujours ainsi et que nous pourrons continuer à voter par e-voting et ainsi nous engager politiquement pour notre pays d’origine», ajoute Herbet Keller.
Un avis que partage «Rosendorfer», du canton de Saint-Gall: «La procédure de vote est très simple, (…) je souhaite l’étendre à toute la Suisse!»
Ce que relèvent également ces deux Suisses de l’étranger, c’est que le vote électronique permet de maintenir le lien avec la Suisse en offrant à ses citoyennes et citoyens la possibilité de s’engager politiquement. Dans les trois cantons qui proposent l’e-voting, en moyenne 60% de l’électorat concerné a opté pour le vote électronique.
À Bâle-Ville, 1431 Suissesses et Suisses de l’étranger ont voté par e-voting. Dans le canton de Saint-Gall, ils étaient 1498 et dans celui de Thurgovie 541. Au total, 3470 personnes ont donc participé aux élections fédérales par voie électronique.
Si la majeure partie de la diaspora fait confiance au système, une partie reste toutefois méfiante. Ainsi, notre lectrice Kati Lyon-Villiger votera électroniquement «lorsqu’un système sécurisé sera mis en place, pourvu qu’il soit fiable, vérifié et vérifiable».
Un taux de participation en baisse
Malgré l’introduction du vote électronique, le taux de participation aux élections fédérales a été moins élevé que lors des votations du 18 juin 2023, où il avait été utilisé pour la première fois.
Pourtant, le nombre de personnes inscrites sur les registres électoraux était légèrement plus élevé dans les trois cantons concernés (+0,13% à Bâle-Ville / +0,84% à Saint-Gall / +1,35% en Thurgovie).
Cela ne surprend pas la directrice de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), Ariane Rustichelli: «Le taux de participation des Suisses de l’étranger aux élections fédérales est toujours plus bas qu’aux votations».
D’après cette dernière, la diaspora ne connaît pas forcément les candidates et candidats. En outre, «une grande partie de la campagne se joue en Suisse et ne parvient pas à toucher les Suisses qui vivent à l’étranger», ajoute-t-elle.
Pas de garantie
Si le vote électronique représente le Saint Graal de la participation politique pour la plupart des Suisses de l’étranger, il n’offre pas la garantie d’un vote à 100%.
En témoigne le récit d’Erika et Walter Brand. Cette famille qui vit en Afrique du Sud exerce ses droits politiques dans le canton de Bâle-Ville. Or, «au cours des trois dernières années, notre famille n’a pu participer à aucune élection ou votation, car les documents nous parviennent toujours après le vote».
Bien que le canton de Bâle-Ville offre la possibilité de voter électroniquement, les lenteurs postales empêchent les Brand de faire usage de leur droit de vote. Car le matériel de vote continue d’être envoyé par les cantons par courrier postal. Walter Brand plaide donc pour un envoi «par courrier diplomatique, ou, mieux encore, sous forme numérique!»
Une frustration palpable
À l’OSE, Ariane Rustichelli se désole d’un «problème bien connu et attendu». Comme lors de précédents scrutins, beaucoup de Suissesses et de Suisses de l’étranger se sont plaints de ne pas pouvoir voter en Suisse. «J’aimerais beaucoup faire usage de mon droit de vote, écrit l’un d’eux depuis le Paraguay, mais le matériel de vote me parvient en général un à deux mois après l’échéance».
Des messages similaires nous sont parvenus depuis les Philippines ou l’Afrique du Sud, tout comme d’Argentine, qui élisait aussi son parlement dimanche. Membre du Conseil de l’OSE, Alexia Berni attendait encore ses documents après la fermeture des bureaux de vote locaux.
Sur les 221’448 Suisses de l’étranger inscrits sur un registre électoral, un grand nombre reçoivent toutefois leurs documents à temps. Mais souvent, le renvoi à temps par courrier n’est plus possible ou coûte trop cher.
«En Thaïlande, nous avons certes reçu les documents dix jours avant les élections», nous écrit un lecteur. Il a immédiatement rempli le bulletin de vote et l’a amené à la poste où on l’aurait informé que le courrier mettrait au moins quatre semaines à arriver. Un envoi express à 25 francs garantirait une livraison dans les 10 à 14 jours. «Mais je ne paierai pas ce prix en n’étant même pas certain que mon enveloppe arrive à temps en Suisse».
En attente de confirmation
Certains Suisses de l’étranger souhaiteraient recevoir une confirmation du canton lorsque leur enveloppe est arrivée. Une chose que fait par exemple la responsable du registre électoral des Suisses de l’étranger dans le canton d’Argovie, sur demande. «Lorsque cela est explicitement demandé, je confirme la réception par e-mail», explique Maria Bühlmann. Malheureusement, il arrive régulièrement que les envois ne lui parviennent que le lundi ou le mardi suivant le scrutin.
Sur les 2186 votes reçus en Argovie en provenance de l’étranger, 103 auraient été acheminés en Suisse par des services de livraison privés. «Mais cela a effectivement un coût», confirme Maria Bühlmann. Un prix que de nombreux Suisses de l’étranger ne peuvent ou ne veulent pas payer, à en juger par les réactions de notre lectorat.
>> Lors de l’élection de dimanche, plus de 221’000 Suisses de l’étranger pouvaient en théorie participer. Comment vote la diaspora? L’analyse de notre journaliste Balz Rigendinger:
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