Les barrages font le plein en misant sur une flambée du prix de l’électricité
Le remplissage des lacs de barrages s'est accru ces dernières semaines, a constaté la RTS dans les données de la Confédération. Les exploitants font des réserves en vue d'une augmentation des prix de l'électricité début 2023.
En automne, le niveau des bassins d’accumulation diminue. Mais, cette année, il a au contraire augmenté. Et ce n’est pas un hasard. Les barrages font des réserves face au risque de crise de l’électricité cet hiver.
Bas après un hiver pauvre en neige, le remplissage des lacs d’accumulation est passé d’environ 7000 GWh début septembre à 7585 GWh le 28 novembre. Il atteint ainsi 85,4% de la capacité maximale, d’après les données publiées jeudi par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN).
Avec 10,7 points de plus que le niveau moyen enregistré entre 2000 et 2021, les lacs d’accumulation retiennent en ce moment environ 900 GWh de plus qu’habituellement. Cette différence pourrait compenser trois semaines d’importations d’électricité cet hiver.
Le remplissage s’explique en partie par la réserve stratégique mise en place par le Conseil fédéral. Ce dernier a procédé cet automne à un appel d’offres afin de bloquer 400 GWh à travers le pays, qu’il peut solliciter en cas de pénurie.
«Les prix incitent à garder l’eau dans les lacs»
Mais les exploitants agissent surtout en fonction des prix du marché. Et ce sont les prévisions pour cet hiver qui les poussent à remplir au maximum leurs bassins d’accumulation.
«Les prix sont en ce moment plus élevés pour le premier trimestre 2023 que pour la fin de l’année 2022 et incitent ainsi à garder l’eau dans les lacs», explique une porte-parole d’Alpiq, l’un des principaux fournisseurs du pays.
Production réduite de moitié
Les producteurs d’électricité préfèrent ainsi la générer autrement ou l’importer plutôt que d’exploiter les barrages, qui restent le seul moyen de conserver d’aussi grandes quantités d’énergie durant des mois.
Ils ont diminué de moitié leur production ces derniers mois pour constituer ces réserves. Depuis début septembre, l’hydraulique à accumulation a généré en moyenne 160 GWh par semaine, contre plus de 320 GWh à la même période en 2021.
Axpo, l’autre grand fournisseur du pays, indique avoir même «réduit la production des différentes centrales à accumulation en début d’année afin que les lacs atteignent en octobre le niveau budgété. Ceci en raison de la faible quantité de neige tombée l’hiver dernier, et par conséquent de la faible quantité d’eau de fonte à laquelle on pouvait s’attendre».
Le nucléaire à plein régime
La baisse de la production des barrages semble essentiellement compensée par les centrales nucléaires, d’après les données de l’OFEN. Celles-ci tournent à plein régime depuis début septembre. Elles produisent près de 490 GWh par semaine, contre 285 GWh à la même période en 2021.
Actuellement, plus de la moitié de l’électricité produite en Suisse provient ainsi des centrales nucléaires. Pourront-elles maintenir ce rythme tout l’hiver? Ces dernières années, les centrales nucléaires ont enchaîné les pannes, avec des arrêts de plusieurs semaines voire plusieurs mois.
Au final, la réserve accumulée cet automne par les barrages devrait réduire les risques de pénurie cet hiver ou l’amoindrir. Mais elle pourrait aussi constituer une manne considérable pour les exploitants selon l’évolution des prix.
Quelles que soient les marges des producteurs, la hausse des tarifs en 2023, parfois salée, a été entérinée en septembre pour les consommateurs.
Les différentes centrales hydroélectriques en Suisse
La production hydroélectrique est divisée en trois types de centrales:
– les centrales à accumulation, qui sont au cœur de cet article: elles peuvent retenir de grandes quantités d’eau dans leur lac et turbinent quand la demande est élevée, comme par exemple le barrage de la Grande-Dixence en Valais.
– les centrales au fil de l’eau: contrairement aux aménagements à accumulation, elles ne possèdent pas de retenue d’eau et ne peuvent donc pas ou peu réguler leur production, qui dépend beaucoup de la météo. C’est par exemple le cas de du barrage de Verbois sur le Rhône à Genève.
– les centrales à pompage-turbinage: elles fonctionnent avec deux bassins d’accumulation, l’un situé plus haut que l’autre. Elles remontent (pompent) l’eau dans le lac supérieur lors que l’électricité est abondante et produisent (turbinent) lorsque la demande est élevée. C’est par exemple le cas de la centrale de Nant-de-Drance, récemment mise en service à Emosson en Valais.
La carte de l’Office fédéral de l’énergieLien externe ci-dessous répertorie les centrales hydroélectriques du pays: en vert les centrales à accumulation, en bleu celles au fil de l’eau et en rouge celles à pompage-turbinage.
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