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Les critiques de l’opposition russe envers la Suisse sont-elles justifiées?

poignée de main entre Sergueï Lavrov et Ignazio Cassis
La photo de la poignée de main entre le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et le président de la Confédération suisse Ignazio Cassis, qui apparaît souriant et amical, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York, a suscité l'irritation sur les réseaux sociaux. Keystone / Ministry Of Foreign Affairs Of R

Plusieurs opposants russes reprochent à la Suisse de se cacher derrière sa neutralité et d’accorder des échappatoires aux hommes de confiance de Vladimir Poutine. Deux politiciens helvétiques spécialistes des affaires étrangères répondent.

Dans une série d’interviews accordées à swissinfo.ch, des opposants russes émettent des critiques sévères à l’encontre de la Suisse: ils lui reprochent d’abriter les fonds de fonctionnaires et d’oligarques proches de Vladimir Poutine, d’avoir refusé une aide médicale aux soldats ukrainiens blessés en invoquant la neutralité et d’avoir dans le même temps livré à la Russie des biens faisant l’objet de sanctions.

Ils estiment également que la Suisse devrait prendre des mesures supplémentaires à l’encontre du négoce de matières premières et des banques privées, afin que les sanctions de l’Occident soient efficaces, et qu’elle devrait être plus attentive aux transactions immobilières, car les acheteurs russes utilisent des hommes de paille.

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Le député socialiste Fabian Molina partage les critiques des opposants russes. Il estime que la Suisse doit tout mettre en œuvre pour empêcher le président russe de mener une guerre illégale et brutale. Cela signifie en premier lieu que la guerre ne doit pas être financée par la Suisse.

«C’est précisément pour cette raison que je continue à réclamer avec mon parti une task force pour la recherche active des fonds des oligarques, des sanctions autonomes et ciblées contre les responsables de la guerre qui ne figurent pas encore sur une liste de l’UE et une mise en œuvre pointue des sanctions existantes», déclare Fabian Molina à swissinfo.ch.

Les propos des opposants interviewés sont de vieux clichés sur la Suisse, estime à l’inverse Franz Grüter, député de l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice) et président de la Commission de politique extérieure du Conseil national, la Chambre basse du Parlement. «La Suisse a repris toutes les sanctions de l’UE», rappelle-t-il.

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Quelle neutralité?

Franz Grüter conteste que la Suisse se cache derrière la neutralité. Il estime au contraire qu’elle l’a abandonnée, à son grand regret personnel. C’est du moins ce que la presse internationale et le président américain ont explicitement affirmé.

Franz Grüter
Franz Grüter, président de la Commission de politique extérieure du Conseil national. Keystone / Alessandro Della Valle

La Russie a également refusé les «bons offices» de la Suisse et sa proposition de médiation avec l’Ukraine, au motif que la Suisse n’était plus neutre. L’Ukraine et la Suisse s’étaient déjà accordées sur un mandat de puissance protectrice lorsqu’un «non» est arrivé de Moscou.

Le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov a récemment demandé au président de la Confédération suisse Ignazio Cassis, lors d’une rencontre en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, de revenir à sa «politique de neutralité».

C’est aussi ce que pense Franz Grüter: «Le petit État qu’est la Suisse pourrait, grâce à son rôle de neutralité et à sa tradition humanitaire, jouer un rôle important dans l’acceptation d’un mandat de puissance protectrice ou, à un certain moment, dans des négociations de paix», explique le conseiller national.

«Je plaide donc pour que nous nous en tenions strictement aux facteurs de succès qui ont apporté la paix à notre pays pendant près de 200 ans», poursuit Franz Grüter, faisant référence à la neutralité suisse telle qu’elle était avant que la Suisse ne se joigne aux sanctions européennes.

La Suisse devrait soutenir l’opposition russe

Fabian Molina
Le parlementaire spécialiste de politique étrangère Fabian Molina. Keystone / Alessandro Della Valle

Selon Fabian Molina, la guerre contre l’Ukraine marque un changement d’époque pour l’Europe. «Cela signifie pour la Suisse qu’elle doit mettre fin à son sale modèle d’affaires avec de l’argent étranger douteux. Pour cela, elle doit enfin mettre en place un dispositif de lutte efficace contre le blanchiment d’argent et mettre fin à sa politique fiscale injuste.»

Il ajoute que la Suisse devrait aussi augmenter substantiellement son aide aux victimes de la guerre et soutenir activement l’opposition russe, y compris dans le domaine de l’asile.

Depuis la mobilisation partielle, des dizaines de milliers d’hommes russes se sont réfugiés à l’étranger. Selon les estimations du ministère de la Défense britannique, cela entraîne une fuite des cerveaux pour la Russie, car parmi les fugitifs, on trouve de nombreux intellectuels bien formés, parfois même des critiques du régime.

En Suisse, ils n’ont pas automatiquement droit à l’asile en tant que déserteurs. Mais le Secrétariat d’État aux migrations indique examiner «intensivement les circonstances de chaque cas» pour chaque demande. Autrement dit, il cherche à savoir si les objecteurs de conscience peuvent être considérés comme des réfugiés. Ce n’est par exemple pas le cas dans des pays comme la Pologne, la Finlande ou les pays baltes, qui refusent les déserteurs russes à la frontière.

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Traduction de l’allemand: Pauline Turuban

Pauline Turuban

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