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Les principes chrétiens cotés en bourse

Investir sans pécher est désormais aussi possible en bourse. Keystone

Après les valeurs financières islamiques ou les fonds écologiques, voici le premier indice boursier chrétien d’Europe, lancé fin avril à Zurich. Le «Christian Index» mesure les performances économiques de firmes triées sur le volet. Parmi les «élues», Roche ou Nestlé…

«Elle est née, la divine action…» C’est ce que pourra vous chanter, désormais, votre banquier pour vous inciter à placer vos économies dans le premier indice boursier chrétien d’Europe, le «Christian Index».

Regroupant des actions conformes aux valeurs chrétiennes, il a été lancé le 26 avril dernier à Zurich. Stoxx, la société européenne émettrice d’indices boursiers basée à Zurich, ne jure que par ces investisseurs qui privilégient les placements éthiques et surtout bénis.

Qui sont les heureux élus? 533 entreprises européennes, dont les firmes suisses Roche, Petroplus, Alpiq, BB Biotech, les multinationales pétrolières BP et Shell, aussi les banques BNP-Paribas et HSBC, ont déjà intégré le «Stoxx Europe Christian Index».

Autre valeur-phare de l’indice: le groupe agroalimentaire veveysan Nestlé. Emboîtant le pas aux valeurs financières islamiques, les indices chrétiens, dont le premier est catholique et américain (le FTSE KLD Catholic Values 400), comptent ainsi se faire une place au soleil dans le monde balbutiant de la finance «divine», à savoir éthique. Le concept est désormais en vogue, après les ravages de Madoff ou des subprimes.

Des règles strictes

Reste que pour figurer dans le «Christian Index», les règles sont strictes et surveillées par un comité indépendant. Il est composé de représentants du Vatican, de Christian Brothers Investment Services Inc. (CBIS), qui en assurent la direction, de la Missionary International Service News Agency (MISNA) ainsi que d’universitaires et de professionnels de l’investissement.

Les entreprises «élues» ne doivent pas tirer profit de la pornographie, de la vente d’armes, du tabac, des produits contraceptifs et des jeux d’argent. Le comité vérifiera si les activités et les actions émises par les sociétés de l’indice sont vertueuses au sens chrétien du terme.

Et c’est sur la base de ses décisions que tout bon chrétien pourra investir ses économies, accordant sa confiance dans un nouvel indice quasiment béni.

Des fonds éthiques

Ces fonds éthiques, qui sont à la finance ce que les produits bio sont à l’industrie agroalimentaire, ont pour vocation d’apporter de l’éthique dans un domaine qui en manque cruellement, celui de la finance. Mais cela suffira-t-il à moraliser le capitalisme pour répondre à la crise économique?

Philippe Spicher, directeur de Centre Info, à Fribourg, une agence de notation de durabilité, déclare: «Sur le principe même, l’indice chrétien répond à un besoin. Il existe en effet certainement des opérateurs qui désirent investir en bourse tout en pouvant sélectionner des entreprises qui respectent les valeurs chrétiennes auxquelles ils adhèrent. Ceci reflète une tendance plus large du marché, dans la mesure où l’on constate un intérêt grandissant pour des stratégies d’investissement basées sur des critères éthiques, environnementaux et sociaux.»

Professeur à l’Université de Fribourg, Paul H. Dembinski en doute. «Ce n’est pas la première fois que les opérateurs économiques bricolent ce genre de fonds d’investissements. Je suis très sceptique envers les produits financiers éthiques, écologiques, végétariens ou chrétiens.»

A l’instar des autres, «l’indice chrétien est un produit marketing avant tout». Pourquoi? «Je ne pense pas que le Vatican ou d’autres Eglises cautionneraient de tels fonds d’investissements, ce n’est pas leur vocation. Le choix, aussi en matière d’investissement, relève de la responsabilité individuelle du croyant, laquelle ne saurait être sous-traitée à un label.»

Et le christianisme, dans cette affaire? «L’Eglise demande de faire des investissements au service de la personne humaine, de l’humanité et pas uniquement au service de la rentabilité», indique Nicolas Betticher, vicaire général du diocèse de Genève, Lausanne et Fribourg. «Pour nous, une gestion de fonds à partir de critères éthiques peut aussi être un argument de conscientisation et de commercialisation de l’activité financière.»

Présélections discutables

Paul H. Dembinski nuance: «Il y a un ensemble de valeurs qu’apporte le christianisme et qu’il est du devoir de chacun de pratiquer dans la vie quotidienne. Les présélections en matière d’investissement sont discutables car il s’agit de jugements péremptoires sur des réalités (entreprises) éminemment complexes. Le christianisme consiste moins à s’occuper de la paille dans l’oeil du voisin que de la poutre dans le sien. Or la sélection d’investissements est une activité de jugement et le christianisme ne fonctionne pas comme ça.»

Par ailleurs, les spécialistes pointent du doigt une faiblesse majeure: les entreprises sélectionnées pour figurer dans l’indice chrétien, comme Nestlé, sont aussi cotées dans d’autres portefeuilles où le critère de valeur chrétienne n’est pas pertinent.

Sid Ahmed Hammouche, La Liberté/swissinfo.ch

«Aujourd’hui, un nombre croissant d’investisseurs souhaitent investir non seulement en fonction des rendements, mais de plus en plus en fonction de leurs croyances», constate Hartmut Graf, directeur général de Stoxx.

«Depuis son entrée en bourse, les premiers résultats [de l’indice] sont plus que satisfaisants. (…) L’enthousiasme des gestionnaires de fonds pourrait nous inciter à nous attaquer au marché mondial.»

«Le Christian Index fait partie de la catégorie des placements estampillés développement durable. Ils ont connu une croissance vertigineuse ces dix dernières années: plus de 300% à environ 2700 milliards de dollars. (…) Davantage qu’une mode, c’est une tendance vers une nouvelle façon d’envisager ses investissements.»

Investir chrétien en bourse n’est pas synonyme de réussite. La preuve: le «Christian Values Fund», lancé en 2007 par Credit Suisse n’a pas convaincu les investisseurs. Il a été abandonné après seulement 18 mois d’activité.

«Il a malheureusement été liquidé en décembre 2008 faute de volumes suffisants qui permettent une gestion optimale», affirme Jean-Paul Darbellay, porte-parole de la deuxième banque du pays.

Chez le numéro 1, Jean-Raphaël Fontannaz indique qu’«actuellement, UBS ne propose pas de fonds de ce type et, pour l’heure, la banque ne prévoit pas d’en avoir. En revanche, elle offre toute une palette de fonds durables et responsables.»

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