L’augmentation des températures estivales affecte la vie quotidienne et la santé des habitants des villes. Certaines communes prennent des mesures pour affronter l’intensification des périodes de canicule. L’exemple de Sion, en Valais, la ville suisse qui connaît le plus fort réchauffement.
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Journaliste tessinois installé à Berne, je m’occupe des questions scientifiques et de société, y consacrant des reportages, des articles, des interviews et des analyses. Je m’intéresse aux sujets touchant à l’environnement, au climat et à l’énergie ainsi qu’à tout ce qui concerne les migrations, l’aide au développement et les droits de l’homme.
Les grilles sont encore propres et brillantes. A l’ombre des jeunes arbres qui entourent la petite place, cinq barbecues en ciment n’attendent que celui qui préparera les premières braises. Il manque encore les tables, mais sinon, l’endroit est prêt à accueillir la population de Sion, capitale du canton du Valais.
Nous sommes sur le Cours Roger Bonvin, une voie piétonne de l’est de la ville, située à l’intersection de deux quartiers en plein développement. Ce qui n’était il y a quelques mois qu’une interminable bande de ciment et d’asphalte, sans ombre, ni bancs publics, est aujourd’hui un des symboles de la métamorphose de la ville. «Avant, les gens ne faisaient que passer ici. Maintenant, par contre, ils s’arrêtent», se réjouit l’architecte paysagiste Laurent Essig, responsable du projet de réhabilitationLien externe du Cours Roger Bonvin.
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Mais le but de l’opération va plus loin que de simplement créer un espace convivial. L’initiative s’inscrit dans un programme piloteLien externe de la Confédération pour l’adaptation au changement climatique, auquel Sion participe pour la période 2014-2016, avec le projet opportunément nommé AcclimataSionLien externe. Objectif: montrer comment l’aménagement du territoire peut aider la ville à s’adapter à un climat toujours plus chaud et plus sec.
Dans cette optique, la commune valaisanne est un cas particulier. «C’est la ville en Suisse qui se réchauffe le plus», explique Lionel Tudisco, du Service municipal de l’urbanisme. En vingt ans, la température moyenne à Sion a augmenté de 1°. Le nombre de journées à plus de 25° est passé de 56 par année dans la période 1960-1980 à 76 aujourd’hui. «Et nous avons la même quantité de précipitations que le Maroc», constate Lionel Tudisco.
Ilots de chaleur
Les citadins – qui forment aujourd’hui la moitié de la population mondiale – le savent bien: en été, les centres urbains se transforment en fournaise. C’est ce que l’on nomme les îlots de chaleur, un phénomène lié à la densité des surfaces asphaltées et bâties et à la chaleur générée par les véhicules, l’industrie et les installations de chauffage et de climatisation. Ainsi, la température en ville peut être supérieure de 4 à 5° à celle enregistrée à la campagne.
Les premiers à en souffrir sont les habitants, en particulier les personnes âgées, mais aussi la biodiversité et la circulation des eaux de pluie, qui n’arrivent plus à pénétrer dans le sol. «D’où la nécessité d’augmenter la couverture végétale et de modifier le revêtement du sol», explique Lionel Tudisco. Un arbre, affirme-t-il, fournit la même fraîcheur que cinq climatiseurs.
Martine RebetezLien externe, climatologue à l’Université de Neuchâtel et collaboratrice de l’Institut suisse de recherche sur la forêt, la neige et le paysage, confirme: la création d’espace verts a un impact tangible. «Le fait de mettre de la végétation sur un sol asphalté permet de réduire la température de l’air de 5 degrés», a-t-elle expliqué au journal dominical «Le Matin Dimanche».
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Un «salon» à la place du parking
Le long du Cours Roger Bonvin à Sion, on a planté 700 érables et créé 5000 m2 d’espaces verts. Le sol a été rendu perméable et une piscine pour enfants, non loin des barbecues, contribue à humidifier l’air et à créer un microclimat favorable. Pour l’instant, il faut bien le dire, la zone semble un peu nue. Mais quand les arbres auront poussé, elle deviendra une oasis de fraicheur au milieu de la ville, assurent les promoteurs du projet.
D’autres aménagements ont été réalisés ailleurs en ville. Sur la place des Remparts, près du centre historique, un parking à ciel ouvert a été transformé en «salon urbain», pour reprendre le terme de Lionel Tudisco. «A la place des voitures, il y a maintenant des arbres et une pergola. Le matériau utilisé pour le revêtement de sol a un couleur plus claire, afin de mieux refléter les rayons du soleil, et il est perméable. Nous seulement, nous réduisons la chaleur, mais nous rendons un cycle naturel à l’eau, ce qui réduit le risque d’inondation».
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La métamorphose climatique d’une ville
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Quatre images de quartiers de Sion avant et après les interventions d’adaptation au changement climatique. Faites glisser votre souris sur les photos pour voir la métamorphose.
Les solutions pour lutter contre l’effet îlot de chaleur sont multiples, comme on a pu le voir lors d’une récente conférence internationaleLien externe à Berne. On peut notamment favoriser les «couloirs» qui amènent en ville l’air frais des forêts ou des campagnes environnantes, créer des surfaces végétales sur les bâtiments ou changer la couleur des toits.
«On pourrait facilement réduire la température de la ville de plusieurs degrés uniquement en agissant sur la couleur et sur les propriétés thermo-physiques des bâtiments», explique Alain Clappier, professeur de climatologie à l’Université de Strasbourg et à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Ainsi, par une journée ensoleillée, un toit végétal se maintient à 30°, alors qu’un toit de couleur sombre peut monter jusqu’à presque 80°.
Planter des arbres ne suffit pas
En prévision de l’augmentation des températures – qui en Suisse pourrait être de 3 ou 4 degrés en moyenne annuelle d’ici la fin du siècle -, suffit-il par conséquent de planter des arbres pour rendre les villes plus viables? Pas exactement, répondent les experts.
Les arbres qui rapportent
Des chercheurs américains ont calculé le bénéficeLien externe économique que les arbres rapportent aux villes de Californie et à leurs habitants, compte tenu de leur impact sur la société. Selon leur étude, chaque dollar investi dans la plantation et l’entretien d’un arbre au bord d’une rue en rapporte en moyenne 5,82. Les arbres, soulignent les chercheurs, éliminent les polluants atmosphériques, stockent du CO2, retiennent l’eau de pluie, permettent de réduire la consommation énergétique des systèmes de chauffage et de climatisation et font augmenter la valeur des propriétés.
Quand on plante des arbres, il faut le faire correctement, avertit Ingrid Coninx, de l’Université de Wageningen, aux Pays-Bas, citée dans un articleLien externe de l’agence de presse française AFP. «S’ils empêchent la brise descendante d’atteindre le sol, cela risque de faire monter la température et d’emprisonner la pollution atmosphérique».
Le choix des espèces végétales est également important, souligne Lionel Tudisco. «Une forêt de pins, par exemple, sera plus chaude qu’une forêt de feuillus». Dans le cas de Sion, on a choisi des arbres à haute futaie, comme des bouleaux et des figuiers, capables de supporter la chaleur sèche, le manque d’eau et le stress dû à la pollution.
Mais pour une ville qui veut s’adapter au changement climatique, le défi principal est ailleurs, observe Roland Hohmann, de l’Office fédéral de l’environnementLien externe. «Il s’agit de réussir à concilier la nécessité de densification dictée par l’aménagement du territoire avec l’exigence opposée: celle de préserver et de créer des zones non bâties et des espaces verts, nécessaires pour rendre agréable le climat de nos villes».
La sensibilisation de la population est donc essentielle, comme le souligne Lionel Tudisco, d’AcclimataSion. «Les bâtiments sont en grande majorité aux mains de propriétaires privés, et ce sont eux qui détiennent les clés de l’aménagement extérieur». A Sion, par exemple, la prise de conscience des privés n’est pas encore systématique. «Mais elle doit devenir la règle, et cela passe par la sensibilisation».
Que font les autres villes suisses?
«Les villes sont sensibilisées au problème des îlots de chaleur et elles sont conscientes des défis», indique à swissinfo.ch Melanie Butterling, de l’Office fédéral du développement territorial. Même des petites mesures, comme le choix de l’orientation, de la surface et de la hauteur des bâtiments, ou la réalisation de places de parc et de revêtements de sols perméables, peuvent avoir un effet de réduction de la chaleur, souligne-t-elle.
A Zurich, plus grande ville du pays, on a réalisé une analyseLien externe pour identifier les facteurs qui influencent le climat urbain et on étudie des mesures concrètes. Les autorités recommandent par exemple de limiter la hauteur des bâtiments et la densité des constructions, pour favoriser la circulation de l’air.
Avec un projet piloteLien externe, la ville de Berne se propose d’étudier le rôle et la gestion des arbres dans un développement urbain adapté au réchauffement climatique. Lausanne, de son côté, a lancé un programme de végétalisation des toitsLien externe, tandis qu’en périphérie, la commune de Chavannes-près-Renens va voir pousser la Tour des CèdresLien externe. Dotée de 80 arbres et de 3000 m2 d’arbustes, elle sera, avec ses 117 mètres, la tour verte la plus haute de Suisse.
Et vous, comment jugez-vous le climat de votre ville en été et quelles sont les mesures anti chaleur qui vous sembleraient les plus efficaces? Votre avis nous intéresse.
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Le climat alpin de la Suisse ne survivra pas aux effets du réchauffement climatique. Et cela même si l'accord de Paris, que le gouvernement s'apprête à signer, aboutit à une réduction des émissions de CO2.
Les scientifiques le disent: à l'avenir, il n'y aura plus de glaciers, davantage d'éboulements et une majorité de paysages brunâtres. Ils annoncent des étés plus chauds, moins de pistes de ski et plus de tempêtes. Ces prévisions se fondent sur les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’équipe de climatologues qui a remporté un Prix Nobel et s'occupe de traquer les effets du réchauffement climatique.
«Les glaciers suisses auront sûrement disparu d'ici 100 ans, estime la géologue zurichoise Kathy Riklin. Cette parlementaire dirige l’OcCC, organe consultatif du gouvernement suisse sur les changements climatiques. «Au sommet des montagnes et en altitude, il ne restera plus que des pierres et des débris, fait-elle remarquer à swissinfo.ch. Ce sera un monde très différent».
La température moyenne annuelle a augmenté de 1,75 degré durant les 150 dernières années et «la hausse devrait s'accélérer d'ici à la fin du 21e siècle, en fonction du niveau des émissions et d'autres variables comme la quantité de précipitations, la couverture neigeuse et le ruissellement», prévoit une étude publiée en 2014 par des chercheurs de l'Université de Berne.
Diminuer les émissions de moitié
Le gouvernement suisse a approuvé l'accord de Paris sur le climat le 23 mars dernier, dressant les contours formels de la politique climatique du pays jusqu'en 2030. La ministre de l'environnement Doris Leuthard signera l'accord le 22 avril à New York. Lorsque le parlement l'aura ratifié, la Suisse pourra confirmer au Secrétariat de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques qu'elle a l'intention de réduire ses émissions de 50% par rapport aux niveaux de 1990 d'ici 2030.
Pour y parvenir, la Confédération devra réviser sa Loi sur le CO2. Le gouvernement a déterminé que trois cinquièmes de cette baisse devra provenir de mesures domestiques. Les deux autres tiers pourront être générés par l'achat de quotas d'émission à l'étranger.
Malgré la nature enclavée du pays, le climat de la Suisse est largement influencé par l'océan Atlantique, qui rafraîchit l'atmosphère en été et la réchauffe en hiver, selon l'Office fédéral de météorologie et de climatologie MeteoSwiss. L'organe présidé par Kathy Riklin prépare un rapport, dont la parution est prévue cette année, pour actualiser les hypothèses du gouvernement en matière de changements climatiques.
Celles-ci sont dérivées des conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), panel d'experts affilié aux Nations unies qui comprend des milliers de climatologues issus de 195 pays. Les rapports précédents, publiés entre 2007 et 2014, livrent une image assez claire des scénarios à venir. La Suisse connaîtra plusieurs changements irréversibles.
Prendre de l'altitude
Les plantes et les animaux qui ont l'habitude de vivre dans un climat frais devront par exemple migrer en altitude. Une étude publiée par C3i, un groupe de scientifiques romands qui étudie les changements climatiques, a découvert que les oiseaux qui se reproduisent en Suisse dans des habitats alpins, comme le venturon montagnard ou le pinson des neiges à ailes blanches, sont particulièrement vulnérables aux variations de climat.
Les températures vont en outre augmenter dans toutes les régions du pays et tout au long de l'année. La Suisse ressemblera davantage au Tessin, un canton situé au sud des Alpes, dans la partie italophone du pays, et caractérisé par ses lacs bordés de palmiers et son climat méditerranéen.
Les plantes alpines subiront non seulement une hausse des températures mais aussi la compétition – potentiellement mortelle – de nouvelles espèces peu familières, selon des chercheurs de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ).
Une étude publiée en septembre dernier dans la revue Nature montre que quatre plantes alpines helvétiques - l'anémone de printemps, la scabieuse luisante, l'anthyllide alpestre et le plantain noirâtre - parviennent à rester en vie lorsqu'elles sont transplantées 600 mètres en dessous de leur habitat naturel, là où il fait plus chaud. Leur taux de survie chute en revanche de 50% lorsqu'elles sont confrontées à des espèces invasives avec lesquelles elles ne sont pas familières.
Trop c'est trop
Une hausse des températures va en outre accroître la productivité et le rendement des cultures dans les champs et dans les forêts. L'élevage de bétail devrait également en bénéficier.
L'accès à l'eau deviendra un enjeu de plus en plus important. Et il devrait y avoir une augmentation des mauvaises herbes, des insectes et des évènements climatiques néfastes, comme les tempêtes, les vagues de chaleur et les sécheresses. Il y a clairement un seuil au-delà duquel les températures sont trop élevées.
Autre effet, les primes d'assurance et de ré-assurance vont augmenter, ce qui favorisera l'adoption de mesures préventives pour anticiper et limiter les risques comme le choix de normes de construction plus sûres. Si rien n'est fait pour stopper le changement climatique, celui-ci pourrait coûter 20% de son PIB à l'économie mondiale d'ici la fin du siècle, estime le réassureur Swiss Re.
Les régions alpines, qui dépendent du tourisme hivernal, seront particulièrement affectées. Les stations de ski de haute altitude – et le marché des résidences secondaires – pourraient en revanche profiter de leur déconvenue.
Routes impraticables
Les chemins de fer de montagne seront confrontées à un risque accru d'éboulements et à la fonte du permafrost, ce qui déstabilisera les fondations des pylônes et des gares, souvent ancrés sur de la roche meuble gelée. Le nombre de touristes qui fréquentent les lacs de montagne et les sommets alpins durant les chaudes journées d'été va sans doute augmenter mais cela ne suffira pas à compenser les pertes de revenu hôtelier et ferroviaire durant l'hiver.
Le trajet pour se rendre dans les Alpes deviendra à lui seul plus compliqué avec la multiplication des évènements climatiques extrêmes, car les routes en pâtiront.
Les concentrations d'ozone plus élevées enregistrées en Suisse ces dernières années ainsi que la multiplication récente des vagues de chaleur laissent entrevoir les conséquences pour la santé du réchauffement climatique. Les périodes de chaleur intense affectent les performances des employés et les évènements climatiques extrêmes ont un effet psychologique délétère.
Le risque d'intoxication alimentaire augmentera aussi, car la nourriture aura davantage de chances de se gâter. Et de nouvelles maladies pourraient faire leur apparition en Suisse, comme le virus du Nil occidental. La malaria et la dengue ont en revanche peu de chances de se propager sur sol helvétique.
Dangereuses tempêtes
Les importantes réserves hydrauliques de la Suisse vont diminuer. Un usage accru des lacs et des réservoirs aura des conséquences écologiques imprévisibles, même si plusieurs modélisations informatiques ont montré que le pays ne devrait pas manquer d'eau.
«Il y aura sans doute davantage de pluie en hiver et moins d'eau en été car sans glaciers, il n'y plus d'eau de fonte. Tout deviendra beaucoup plus irrégulier», note Kathy Riklin. Ce qui l'inquiète le plus, ce sont les perturbations météorologiques. «Je pense que les dangers liés à la multiplication des tempêtes sont bien plus grands que ceux provoqués par les modifications du paysage, ajoute-t-elle. Le vrai risque est là».Moins de CO2
L'accord de Paris, conclu fin 2015, a pour but de limiter le réchauffement climatique à moins de deux degrés. Mais la Suisse n'a qu'un petit rôle à jouer: elle ne représente que 0,1% des émissions globales de gaz à effet de serre et cette part ne cesse de diminuer au fur et à mesure que celle de la Chine, du Brésil, de l'Inde et des autres pays émergents croît. Le pays est déjà parvenu à réduire ses émissions de 8% par rapport au niveau de 1990. Il vise désormais une baisse de 20% par rapport au niveau de 1990 d'ici 2020.
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