Les petits-enfants d’immigrés deviendront plus facilement Suisses
La Suisse naturalisera plus facilement les étrangers de troisième génération. Le peuple et les cantons ont dit «oui», dimanche, à l’inscription de ce principe dans la constitution. La droite conservatrice enregistre une nouvelle défaite dans le dossier de l’immigration, son cheval de bataille.
La quatrième fois aura été la bonne. Après avoir refusé part trois fois des projets de naturalisation facilitée, les Suisses ont accepté ce dimanche d’octroyer plus facilement le passeport rouge à croix blanche aux petits-enfants d’immigrés.
Les citoyens ont avalisés par 60,4% des voix une modification de la constitution pour faciliter les procédures de naturalisation aux les étrangers de troisième génération. L’objet a aussi rallié la majorité des cantons. Seuls sept cantons alémaniques ont dit «non».
Jusqu’à présent, les jeunes étrangers de troisième génération devaient passer par la même procédure de naturalisation que leurs parents ou grands-parents, à moins qu’ils ne soient mariés à un ou une ressortissant(e) suisse. Une procédure de naturalisation ordinaire qui peut durer des années et s’avère coûteuse.
Le résultat est historique et sa netteté inattendue, puisque c’est la première fois qu’une révision constitutionnelle visant à faciliter l’octroi du passeport suisse à des descendants d’immigrés obtient la double majorité du peuple et des cantons. Les citoyens avaient déjà balayé en votation quatre projets de naturalisation facilitée, deux en 2004, et un en 1994 et 1983.
«Une réformette essentielle»
«Je suis extrêmement heureuse. Je pense aujourd’hui aux étrangers qui ont construit ce pays avec les Suisses», a réagi sur les ondes de la RTS la députée socialiste Ada MarraLien externe, qui avait déjà préparé son discours en vue d’un refus de l’objet. Cette fille d’immigrés italiens est à l’origine du projet, également soutenu par le gouvernement et le Parlement. Il a mis du temps à éclore, puisque huit ans se sont écoulés depuis le moment où elle a déposé son initiative parlementaire «Pour que la Suisse reconnaisse ses enfants», en 2008, et la votation populaire.
Ada Marra reconnaît qu’il s’agit d’«une réformette» qui était toutefois essentielle. «Cela montre aussi qu’on commence à arrêter de tout mélanger lorsque l’on parle de l’étranger», a-t-elle aussi déclaré, en faisant référence aux affiches chocs émanant d’élus de l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice) et présentant une femme en burqa.
Défaite de l’UDC
Le projet avait séduit tous les partis, à l’exception de l’UDC qui accusait la gauche de vouloir «brader la nationalité suisse».
«Nous veillerons à ce que des personnes non-intégrées ne soient pas naturalisées et que ce ne soit pas un premier pas vers le droit du sol», a martelé le député UDC Jean-Luc Addor sur le plateau de la RTS. A l’origine de l’affiche qui a créé la polémique au cours de la campagne, le député estime ne pas être allé trop loin. «La problématique de l’islam est une réalité qui va nous rattraper», a-t-il averti.
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Les opposants ont argué qu’il était dangereux de confier la procédure à la Confédération au lieu des communes et même brandi la menace d’infiltrations terroristes. Ces exagérations semblent avoir été contreproductives.
L’UDC doit ainsi concéder un nouvel échec en politique extérieur, en particulier sur son thème phare de l’immigration. L’an dernier, elle a déjà perdu la votation sur l’initiative de mise en œuvre et celle concernant la révision de la loi sur l’asile.
Les opposants ne comptent pour autant pas rester les bras croisés. L’UDC Andreas Glarner, chef de la campagne du «non», va déposer une motion demandant que les personnes qui souhaitent se naturaliser soient obligées de renoncer à leur ancienne nationalité.
Aller plus loin
Dans le camp du «oui», certains estiment que la naturalisation facilitée ne va pas assez loin. C’est le cas des Verts (écologistes) qui parlent d’une «victoire d’étape». Le parti plaide pour une naturalisation facilitée ouverte à d’autres groupes d’étrangers. De plus, les autorités fédérales, cantonales et communales doivent, selon le parti, désormais informer de manière proactive les «tertios» de leurs nouvelles possibilités.
«Ils sont des nôtres»
Le gouvernement helvétique s’est montré très satisfait du net «oui» à la naturalisation facilitée des petits-enfants d’immigrés. «Ils sont des nôtres et vont à présent pouvoir se faire naturaliser et exercer leurs droits populaires», a commenté la ministre de justice et police Simonetta Sommaruga. Elle estime que cette victoire au bout de quatre tentatives est due au fait que le projet est modéré.
Il n’y aura pas d’octroi automatique du passeport et les jeunes devront toujours apporter la preuve de leur intégration, a rappelé la ministre de justice et police. Les projets précédents rejetés dans les urnes étaient fortement controversés. Le Parlement en a tenu compte et a pu trouver le compromis qui a été accepté. «Cela rend optimiste pour d’autres projets.»
Pour les 9-25 ans
Les candidats à la naturalisation facilitée devront répondre à des critères très stricts. Chaque candidat devra être né sur territoire helvétique. Il devra détenir un permis C et avoir suivi au moins 5 ans de scolarité obligatoire en Suisse. Son père ou sa mère devra avoir rempli ces deux derniers critères et avoir séjourné pendant au moins 10 ans en Suisse. Un grand-parent devra être né en Suisse ou y avoir eu un droit de séjour établi de manière crédible.
Afin d’éviter un contournement des obligations militaires, aucune demande ne pourra être déposée après l’âge de 25 ans. A titre transitoire, les petits-enfants d’immigrés ayant entre 26 et 35 ans au moment de l’entrée en vigueur de la loi auront cinq ans pour déposer une requête, vraisemblablement jusqu’en 2023.
Près de 25’000 jeunes concernés
Au total, près de 25’000 jeunes pourraient déposer une demande de naturalisation facilitée si la réforme est acceptée. Ce qui représente environ 2200 personnes par année. La majorité possède la nationalité italienne, mais de nombreux jeunes originaires de Turquie et des Balkans entreraient aussi en ligne de compte.
Sauf référendum, la loi d’application devrait entrer en vigueur en 2018, en même temps qu’une révision plus large de la loi sur la nationalité. Les petits-enfants d’immigrés pourront alors se faire naturaliser plus vite et souvent moins cher. Le Secrétariat d’Etat aux migrations leur facturera au maximum 900 francs s’ils sont majeurs, et 650 francs s’ils sont mineurs.
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