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Nestlé, l’eau et les ONG: aussi des points positifs

Au Nigéria comme dans d’autres pays du sud, l’eau de Nestlé est vendue sous la marque «Pure Life». bottledlifefilm.com

Un film documentaire rouvre le débat, en Suisse, sur Nestlé et la réalité de ses promesses sociales et écologiques. Les critiques pleuvent. Mais, même parmi les ONG, certains voient aussi le début d’un changement au sein du groupe agro-alimentaire.

Avant même sa sortie dans les salles, la semaine dernière en Suisse, le documentaire Bottled Life (La vie en bouteille), réalisé par le cinéaste Urs Schnell et le journaliste Res Gehriger, a lancé un vif débat sur l’accès aux ressources en eau dans le monde. Pour certains commentateurs, le film s’en prend injustement à un groupe alimentaire de qualité, pour les autres, la majorité, l’eau ne peut être transformée en simple produit commercial.

 

Bottled Life analyse la situation dans trois pays où Nestlé fait des affaires avec les bouteilles d’eau, en pompant souvent de l’eau à bas prix: les Etats-Unis et plus précisément l’Etat du Maine, le Pakistan et le Nigéria. Dans les pays en voie de développement, Nestlé a créé une marque inconnue en Suisse, «Pure Life», devenue première marque vendue dans le monde en quelque dix ans d’existence.

«On n’avait presque jamais parlé, en Europe, de la résistance américaine à Nestlé, dont de nombreux Suisses sont si fiers, explique le réalisateur Urs Schnell. Problème, selon le film: «Nestlé fait des profits mirobolants avec la mise en bouteille d’une eau déminéralisée, puis artificiellement enrichie d’un mélange de sels minéraux dont elle détient la recette, puis mise en bouteille», ajoute-t-il. Aux Etats-Unis, les mouvements citoyens ont réussi, ces deux dernières années, à tenir Nestlé éloigné de possibles zones de pompage.

Baisse de la nappe phréatique

Au Pakistan, marché pilote pour le lancement de «Pure Life» en 1998, le niveau de la nappe phréatique aurait baissé drastiquement. Dans une prise de position écrite, le groupe installé à Vevey, sur la Riviera vaudoise, répond que «globalement, 70% des prélèvements d’eau douce dans le monde sont utilisés par le secteur agricole, 20% par l’industrie et 10% pour les besoins domestiques.»

«Nous sommes un relativement petit utilisateur d’eau, poursuit le groupe: Nestlé n’utilise que 0,005% des prélèvements mondiaux d’eau douce et Nestlé Waters seulement 0,0009%. Il n’est pas dans l’intérêt de nos activités à long terme de mal gérer les ressources en eau que nous exploitons et nous nous sommes engagés à gérer ces ressources de manière responsable.»

L’activiste brésilien Franklin Frederick, honoré pour son combat pour l’accès à l’eau, a lutté contre la production de «Pure Life» au Parc d’Eau de São Lourenço dans l’Etat de Minas Gerais. «Nous avons obtenu quelques succès au Brésil, raconte-t-il. Le parc est encore propriété de Nestlé, mais le pompage de l’eau dans le puits a cessé, tout comme la production de «Pure Life». Franklin Frederick reste très critique envers le géant agro-alimentaire. «C’est une multinationale, proche du pouvoir et des puissants de ce monde. Malgré leurs beaux discours, ils ne peuvent pas faire de la charité», commente-t-il.

Nestlé œuvre au sein de comités internationaux

Nestlé énumère de son côté tous les organes internationaux où il se bat pour garantir les ressources en eau – un point sur lequel s’exprime aussi le président du conseil d’administration Peter Brabeck à Davos ce samedi. «Nestlé est membre fondateur du Ceo Water Mandate (CWM) du Pacte Mondial des Nations Unies, communique le groupe. Il est aussi membre du Réseau Empreinte Eau et est à la tête du Groupe de travail de la plateforme «Sustainable Agriculture Initiative» sur l’eau et l’agriculture.»

Nestlé a aussi développé le concept de «Creating Shared Value», avec lequel il entend faire profiter non seulement les actionnaires mais aussi les cultivateurs et habitants des pays où il travaille. De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG), telles que la Déclaration de Berne (DB), ont essayé de voir de près si la stratégie profitait réellement à la population locale, en l’occurrence sur les marchés du cacao et du café.

«Le salaire des producteurs ne s’est pas amélioré, explique Flurina Doppler, du domaine ‘consommation’ de la DB. En revanche, c’est vrai, ils reçoivent une formation technique ou de nouveaux plants qui devraient permettre d’améliorer le rendement. Les programmes de Nestlé visent en premier lieu à garantir l’approvisionnement. Ils ne contribuent pas à stabiliser ou améliorer le revenu des producteurs.»

Selon la spécialiste, de manière générale, les codes de bonne conduite des grandes entreprises ou, selon l’acronyme consacré, les «CSR», codes de «Corporate Social Responsability», ont «tendance à être des instruments de marketing, avec des standards relativement faibles. Il est difficile de distinguer ce qui relève de l’utilisation marketing et ce qui correspond à des actions concrètes.»

Changements d’attitude

Concernant l’eau, Flurina Doppler s’exclame: «0,0009%, c’est le chiffre préféré de Nestlé dans cette discussion! Mais on ne sait pas sur quoi il porte. Est-ce seulement l’eau mise en bouteille, ou concerne-t-il aussi l’eau utilisée pour la fabrication? Les chiffres sont beaucoup trop vagues.»

Michel Egger, chef du bureau romand d’Alliance Sud, la Communauté de travail pour la politique de développement de six organisations d’entraide, affiche une position nuancée. «Nous avons mené avec Nestlé un dialogue sur la Colombie, pendant cinq ans, explique-t-il. Au début, l’entreprise rejetait toutes les critiques. Mais le processus, mené sur une base confidentielle, a apporté des changements. Nestlé a accepté certains correctifs.»

 

La situation reste «très problématique» en Colombie, poursuit le responsable. «Nestlé cependant a mis en route une série de processus structurels, notamment concernant les droits humains. Je pense que c’est aussi un effet indirect de notre dialogue.» Alliance Sud n’a-t-elle pas craint d’être manipulée? «C’était le grand risque, admet Michel Egger. Mais Nestlé pendant le processus n’a pas instrumentalisé le dialogue et a publié le rapport final d’Alliance Sud sur son site internet.»

 

Reste que Nestlé a refusé de répondre aux questions des réalisateurs de «Bottled Life». «Comme on vient de le voir aussi avec le procès civil sur l’infiltration d’Attac, le Nestlé arrogant, rejetant les critiques et regardant les ONG de haut est toujours présent, rappelle Michel Egger. Mais on ne change pas la culture d’entreprise d’un tel mégagroupe du jour au lendemain. Nestlé doit prouver maintenant que la dynamique d’ouverture observée dans le dialogue sur la Colombie n’était pas qu’une exception…»

«Comment transformer de l’eau en or? Il existe une entreprise qui en détient la recette: Nestlé». C’est ainsi qu’Urs Schnell et Res Gehriger présentent leur documentaire «Bottled Life».

Le film se penche sur les activités de Nestlé aux Etats-Unis, au Pakistan et au Nigéria. Il dénonce le fait que Nestlé, en de nombreux endroits, obtient le pompage d’eau naturelle à très bon prix et la revend en bouteille avec de gros profits, après des campagnes très efficaces pour inciter les gens à acheter de l’eau en bouteille.

Nestlé n’a pas répondu aux sollicitations des réalisateurs. «Nous avons décidé de ne pas participer, car nous avions la forte impression que le film serait unilatéral et ne représenterait pas la société et ses collaborateurs de manière équitable», justifie le service de presse du groupe.

Nestlé explique encore que sa marque «Pure Life» a d’abord été lancée au Pakistan en 1998 à titre de boisson pour les familles à revenu moyen à la recherche d’une eau «saine, conditionnée dans un format pratique, au goût stable et bénéficiant de la garantie de qualité de Nestlé».

La population mondiale a triplé au cours du 20e siècle, mais la demande en eau a sextuplé. Selon les prévisions, la demande en eau augmentera encore de 30% jusqu’en 2030.

Un Suisse consomme en moyenne 160 litres d’eau par jour pour ses usages domestiques. Un habitant du Sahel vit avec moins de 5 litres par jour pendant la saison sèche.

Il faut 16’000 litres d’eau pour produire un kilo de viande de bœuf, 1500 litres pour un kilo de blé, 5000 pour un kilo de riz, 400’000 pour la fabrication d’une voiture, 8000 pour une paire de chaussures en cuir et 2000 pour un t-shirt en coton.

Depuis 2010, le droit à une eau potable, salubre et propre est reconnu par les Nations unies commes «droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme».

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