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Au Parlement suisse, le vote électronique résiste à la peur du piratage

bulletin de vote dans la main d un électeur, posté derrière son ordinateur
Les députés ont manifesté leur confiance en la possibilité de mettre en place un système de vote en ligne fiable. Keystone / Peter Schneider

Le spectre du hacking n’a pas eu raison du vote en ligne. Le Conseil national a refusé deux motions visant à freiner son développement. L’Organisation des Suisses de l’étranger marque ainsi un point dans sa lutte pour permettre à la Cinquième Suisse de participer aux votations.  

Sûr, difficilement manipulable, moderne. Le Conseil fédéral est convaincu des mérites du vote électronique et souhaite le généraliser.

S’appuyant sur les conclusions d’un groupe d’expertsLien externe, qui considère le vote électronique comme fiable, le gouvernement compte en faire «le troisième canal de vote ordinaire» (en plus du vote aux urnes et du vote par correspondance). A cet effet, un projet de modification de la loi fédérale sur les droits politiques sera mis en consultation cet automne.

Des vents contraires soufflent toutefois sur le Parlement, influencés par l’affaire Facebook ou les soupçons d’ingérence russe dans l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche. Les opposants au vote électronique sont passés à l’attaque avec deux motions, traitées mardi par le Conseil national (Chambre basse). Des politiciens de gauche comme de droite ont tenté en vain de freiner les velléités gouvernementales, en mettant en évidence les dangers du e-voting.

«Le vote électronique n’est pas seulement une affaire de geeks, il touche au cœur de notre système démocratique» Jean-Luc Addor, député UDC

Moratoire ou critères de vérification

Par 98 voix contre 80 et 16 abstentions, le Conseil national a rejeté une initiative parlementaireLien externe du député de l’Union démocratique du centre (UDC /droite conservatrice) Franz Grüter, qui visait à suspendre le vote électronique pour au moins quatre ans. Un moratoire qui n’aurait théoriquement pas été appliqué aux Suisses de l’étranger. Selon l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), il aurait toutefois signifié la fin du e-voting, car aucun canton n’aurait consenti à des investissements aussi importants pour ses seuls votants résidant à l’étranger.

A gauche, l’offensive contre le vote électronique a été fomentée par le député Vert Balthasar Glättli. Son texteLien externe visait à garantir que toutes les phases d’exécution des votations et des élections en ligne puissent être vérifiées par n’importe quel votant «sans connaissance technique particulière». Il a aussi été rejeté, par 99 voix contre 80 et 15 abstentions.

Les opposants à l’e-voting ont notamment souligné que d’autres pays se sont déjà prononcés contre l’instauration du vote électronique, comme la France et l’Allemagne mais aussi la Norvège et la Finlande. Au cours des débats, le député UDC Jean-Luc Addor a estimé que les risques de piratage était trop élevés, rappelant les cyberattaques de janvier 2016 à l’encontre du groupe d’aéronautique et de défense suisse Ruag. «Le vote électronique est certes moderne. Toutefois, ce n’est pas seulement une affaire de geeks, il touche au cœur de notre système démocratique. Notre sécurité et notre souveraineté sont trop importantes pour être confiées à des technicien», a-t-il argumenté.

«Nous ne sommes pas des spécialistes de l’informatique. Nous faisons confiance à la Chancellerie fédérale pour s’assurer de la fiabilité du système.» Ariane Rustichelli, directrice de l’OSE

La lutte continue en ligne

Refusées par la commission préparatoire du Conseil national, les deux propositions avaient peu de chances de séduire les parlementaires. Toutefois, les adversaires du vote électronique n’ont pas dit leur dernier mot. Franz Grüter avait déjà fait part de sa volonté de lancer une initiative populaire interdisant le vote électronique en cas de refus de son texte par le Parlement. Il a récemment lancé une consultation en ligneLien externe pour préparer le texte de l’initiative.

Pour l’OSE, les députés ont donné ce mardi un signal positif en faveur du vote électronique. «Nous considérons aussi les questions de sécurité comme fondamentales. Cependant, nous ne sommes pas des spécialistes de l’informatique. Nous faisons confiance à la Chancellerie fédérale pour s’assurer de la fiabilité du système», commente Ariane Rustichelli, la directrice de l’OSE. Cette dernière rappelle que nombre de représentants de la Cinquième Suisse continuent à ne pas pouvoir exercer leur droit de vote faute de recevoir la documentation à temps. Si le peuple devait se prononcer sur une interdiction du vote électronique, elle craint cependant qu’il ne choisisse de l’enterrer au terme d’un débat émotionnel.

La guerre n’est donc pas encore gagnée pour les partisans du vote via internet qui continuent à affûter leurs armes. L’OSE a lancé, en août dernier, une pétition sur Internet qui demande de rendre le vote électronique accessible à tous les Suisses de l’étranger d’ici 2021. Objectif: rassembler au moins 10’000 signatures d’ici au 28 novembre. «Nous en avons déjà réunies plus de 6000 à ce stade», se réjouit Ariane Rustichelli.

Contenu externe

Neuf cantons à l’ère du vote en ligne

Lors des votations fédérales du 23 septembre, neuf cantons proposeront un système de vote électronique. Cinq d’entre eux (Fribourg, Bâle-Ville, Saint-Gall, Neuchâtel et Genève) le mettent aussi bien à disposition des électeurs domiciliés dans leur canton qu’aux électeurs suisses de l’étranger, alors que les quatre autres (Berne, Lucerne, Argovie et Thurgovie) ne donnent cette possibilité qu’aux expatriés.

Deux systèmes certifiés – l’un développé par une entreprise espagnole pour le compte de la Poste suisseLien externe et l’autre par le canton de GenèveLien externe – sont en service. Tous deux sont en concurrence pour obtenir des contrats supplémentaires des cantons qui n’ont pas encore décidé.

Le vote en ligne jouit d’une popularité considérable. En 2016, un sondageLien externe publié par le Centre d’études sur la démocratie a révélé que plus de deux répondants sur trois aimeraient que le vote électronique soit accessible à tous les citoyens.

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