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Votations fédérales du 13 février 2022

L’aide aux médias ne convainc pas les Suisses

© Keystone / Peter Schneider

Les Suisses ont rejeté ce dimanche à près de 55% un paquet d'aides à destination des médias. Le gouvernement et la majorité du Parlement subissent une nette défaite dans les urnes.  

Alors que les sondages annonçaient un résultat serré, le suspense n’aura finalement pas duré très longtemps ce dimanche. Dès la première tendance connue à la mi-journée, les partisan-es de l’aide aux médias ont dû s’avouer vaincus. Une nette majorité des Suisses a rejeté le paquet ficelé par les autorités. Celui-ci prévoyait d’allouer une enveloppe de 151 millions de francs supplémentaires par an aux journaux, radios et télévisions privées ainsi qu’aux nouveaux médias en ligne afin de garantir la diversité et la qualité de l’information. 

Le vote de ce dimanche fait toutefois apparaître une division profonde entre la Suisse germanophone et la Suisse francophone. A contre-courant de la tendance nationale, le «oui» l’a emporté en Suisse romande, une région où les interventions étatiques sont généralement mieux acceptées qu’en Suisse alémanique.

La sensibilité aux difficultés rencontrées par la presse est également plus élevée dans cette partie du pays. Les Romands sont encore marqués par la disparition de deux de leurs titres phare, L’Hebdo en 2017 et la version papier du Matin une année plus tard.

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La participation s’est inscrite aux environs de 43,5%, soit légèrement sous la moyenne des dernières années.

Campagne agitée

Parmi les quatre objets soumis au vote ce 13 février, le paquet d’aides aux médias est le thème qui a le plus enflammé les esprits. Les adversaires du projet craignaient que les médias ne perdent leur indépendance et estimaient que l’aide financière aurait profité aux éditeurs les plus riches et aux entreprises cotées en bourse. 

La campagne référendaire a été marquée par des accusations de manipulations de chiffres de part et d’autre. Les opposant-es – qui ont placardé la Suisse d’affiches avec le slogan «Non aux milliards du contribuable pour les millionnaires zurichois des médias» – affirmaient que les «gros éditeurs» auraient touché 70% du nouveau paquet d’aides aux médias.

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Or si on s’en limite aux trois grands groupes du pays, et non aux dix premiers éditeurs, ce chiffre retombe à moins de 28%, ont calculéLien externe les partisan-es de la loi. Des chiffres corroborés par l’Office fédéral de la communication, qui estime que 80% des aides à la distribution des journaux auraient été allouées à des petits et moyens éditeurs.

Dans l’autre camp, on a notamment reproché aux autorités de noircir le trait sur la situation des médias en Suisse. Dans sa brochure explicative envoyée à l’ensemble du corps électoral, le Conseil fédéral a écrit que plus de 70 journaux avaient disparu depuis 2003. Or seules les disparitions de titresLien externe ont été prises en compte, et non les créations. Des plateformes numériques comme Watson, Republik ou Heidi.News ont pourtant vu le jour depuis cette date, mais elles ne figurent pas dans cet inventaire.

Défiance à l’égard des journalistes

En arrière-fond de cette votation figurait aussi le rôle joué par les médias durant la crise sanitaire. La diffusion, début janvier, d’une vidéo dans laquelle Marc Walder, le patron du groupe Ringier, déclare son soutien au gouvernement dans la gestion de la crise du coronavirus, a fait couler beaucoup d’encre. Les référendaires, à l’origine de la publication de cette vidéo qui remonte à mars 2020, ont eu beau jeu de dénoncer le manque d’indépendance des médias subventionnés.

Les milieux critiques envers les mesures sanitaires, et à leur tête les représentant-es de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), ont largement profité de cette votation pour manifester leur défiance à l’égard des médias établis et des journalistes.

Même si cet argument n’a pas été mesuré directement dans les enquêtes d’opinion précédant la votation, l’hypothèse d’un vote «bouc-émissaire»Lien externe a été souvent évoquée au cours de la campagne.

Les débats vont reprendre au Parlement

«Ce projet a subi les conséquences d’une société divisée et plus critique vis-à-vis des médias depuis le Covid-19», selon la sénatrice du Centre Isabelle Chassot. L’ouvrage doit toutefois être repris au Parlement au plus vite, selon elle. Alors que la méfiance vis-à-vis des médias a augmenté, ceux-ci n’ont jamais été aussi suivis depuis le début de la pandémie, a argumenté la politicienne fribourgeoise.

L’ancien député de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) Manfred Bühler, opposé au projet, souhaite également reprendre les débats sur les médias. «Il y a des besoins indéniables», à discuter au Parlement, mais «plus intelligemment». 

De son côté, le sénateur libéral-radical (PLR / droite) Philippe Bauer a annoncé vouloir déposer une initiative parlementaire pour augmenter la part de la redevance aux radios et télévisions locales.

Défaite ce dimanche, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a pour sa part indiqué qu’il était encore trop tôt pour un nouveau projet. «Nous pouvons réfléchir aux points qui n’étaient pas remis en question lors des débats», a-t-elle toutefois souligné devant la presse. Malgré le non du peuple, «les médias font un travail très important pour notre démocratie directe» et les minorités linguistiques méritent une attention toute particulière, a estimé la ministre socialiste.

Le peuple sera vraisemblablement à nouveau consulté dans quelques années sur le financement des médias. Une initiative est actuellement en préparation pour diviser par deux la redevance radio-télévision, a annoncé dimanche le député de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) Gregor Rutz.

Interrogé sur une nouvelle attaque contre la Société Suisse de radiodiffusion et télévision (SSR), dont swissinfo.ch fait partie, l’élu UDC a indiqué qu’un comité interparti travaillait sur le montant de la redevance. A l’époque, lui-même avait déjà proposé cette idée lors du débat sur l’initiative «No Billag». Il se réjouit qu’elle revienne sur le devant de la scène, a déclaré le politicien à la télévision alémanique SRF.

La question de fond pour lui est de savoir où l’Etat doit être actif et qu’est-ce qui doit être laissé à l’économie de marché, a-t-il expliqué. «La SSR est nécessaire. Mais elle fait trop de choses dans des domaines où le privé est présent», a ajouté Gregor Rutz.

En 2018, l’initiative «No Billag» avait échoué par plus de 70% des voix. Ce texte visait en particulier la SSR, qui reçoit 1,25 milliard de francs par année, soit 94% de la redevance. Les milieux libéraux dénonçaient la dérive monopolistique d’une SSR surdimensionnée et grassement payée grâce à une taxe imposée à tous. La droite conservatrice avait depuis des années dans son collimateur une SSR qu’elle estime infiltrée par la gauche.

Tous les partis, à l’exception de l’UDC et une minorité du PLR, s’étaient opposés à un démantèlement du service audiovisuel public. La SSR n’est pas la seule à compter sur l’argent de la redevance pour fonctionner: 21 radios locales et 13 télévisions régionales se partagent une part de ces revenus, rappelaient-ils.

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