La Suisse interdit d’exporter les médicaments qui tuent
Le géant pharmaceutique américain Pfizer a annoncé qu’il ne fournirait plus les substances utilisées pour les injections létales aux Etats-Unis. En Suisse, une nouvelle loi introduit l’interdiction d’exporter des médicaments qui peuvent servir à exécuter des prisonniers. Mais la mesure est-elle vraiment efficace?
La morale a gagné contre le profit. C’est ce qu’on pourrait déduire de prime abord de la décision du géant de la pharma PfizerLien externe, qui a annoncé le 13 mai l’introduction de contrôles sévères sur la distribution de ses produits. Motif: faire en sorte qu’ils ne soient plus utilisés pour tuer des condamnés à mort aux Etats-Unis.
«Pfizer fabrique des produits pour améliorer et sauver la vie des patients et est fermement opposé à l’usage de ses produits pour confectionner des injections létales utilisées pour les exécutions capitales», a communiqué l’entreprise.
Dans les cinq dernières années, une vingtaine de firmes pharmaceutiques américaines et européennes ont adopté des mesures similaires. Les suisses Novartis et Roche, qui par le passé ont produit des analgésiques et des tranquillisants utilisés dans les cocktails létaux, se sont eux aussi joints au mouvement contre la peine de mort, interdisant la distribution de ces produits dans les 32 Etats américains qui appliquent encore la peine de mort, rapporte le quotidien zurichois Tages-Anzeiger.
En 2015, toutes les exécutions aux Etats-Unis (28 au total) ont été réalisées par injection létale, indique Amnesty InternationalLien externe. La même année, les personnes exécutées dans le monde ont été au moins 1634, soit un tiers de plus qu’en 2014, selon l’organisation.
Le droit suisse interdit l’exportation de médicaments qui sont prohibés dans le pays de destination ou qui peuvent être destinés à des fins illicites. Mais vu que la peine de mort est de fait légale dans certains Etats, il n’y a pour l’instant aucune base légale pour interdire l’exportation de tels produits.
Mais cette situation est appelée à changer. En mars 2016, le Parlement a adopté une nouvelle disposition législative, qui aligne la Suisse sur le droit déjà en vigueur dans l’Union européenne. Le texte, fruit d’une motionLien externe de la députée démocrate-chrétienne Barbara Schmid-Federer prévoit que «l’exportation ou le commerce à l’étranger de médicaments dont il y a lieu de croire qu’ils servent à exécuter des êtres humains sont interdits.»
Vu que les médicaments concernés, par exemple des barbituriques, peuvent être utilisés aussi pour des buts médicaux légitimes, l’institut suisse pour les agents thérapeutiques Swissmedic sera tenu de vérifier, au moment de la délivrance d’une autorisation d’exportation, si les substances seront utilisées pour l’exécution d’êtres humains.
La nouvelle LoiLien externe fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux ne devrait pas entrer en vigueur avant le printemps 2017, selon l’Office fédéral de la santé publique. Bien que satisfaite, Barbara Schmid-Federer a quand même fait remarquer que la réglementation «ne résout pas tous les problèmes». On en peut en effet pas exclure que ces médicaments arrivent aux Etats-Unis, ou dans d’autres pays, via des intermédiaires.
En 2011, Sandoz, unité du géant pharmaceutique bâlois Novartis, a fourni du thiopental (un barbiturique) aux Etats-Unis par le biais d’un intermédiaire. La même année, la société Naari, de Bâle également, a vendu le même médicament via un intermédiaire indien. Les deux entreprises ont toutefois démenti que leur produit soit utilisé comme produit létal.
(Traduction de l’italien: Marc-André Miserez)
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