«Personne ne veut ruiner l’agriculture suisse»
Pour Supachai Panitchpakdi, directeur de l'Organisation mondiale du commerce, la Suisse pourra continuer de subventionner son agriculture multifonctionnelle.
Afin de débloquer le Cycle de Doha pour le développement, M. Panitchpakdi n’a pas l’intention de séparer le brûlant dossier agricole des autres, moins problématiques.
«Personne ne va forcer la Suisse à entreprendre des réformes dévastatrices pour son agriculture», ces paroles conciliantes émanent du directeur général sortant de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
A trois semaines de son départ, le Thaïlandais tire le bilan de trois ans passés à la tête de l’OMC dans une interview accordée au journal Le Temps.
Lequel poursuit dans les colonnes du Temps: «C’est très bien de vouloir conserver les paysages ou l’atmosphère rurale helvétique. Des subventions peuvent parfaitement être versées à cette agriculture-là», a précisé Supachai Panitchpakdi. Et défendre la multifonctionnalité est tout à fait acceptable. En revanche, ces aides ne doivent pas ruiner le reste du monde.
«C’est pourquoi nous discutons de soutiens qui ne sont pas liés à la production ni au prix», a souligné le patron thaïlandais de l’OMC, auquel succédera officiellement le 1er septembre le Français Pascal Lamy.
S’il faut éliminer les distorsions de prix, M. Panitchpakdi se veut rassurant: «nous ne voulons pas que tous les paysans suisses perdent leur emploi».
Interrogé sur la nécessité de conserver le dossier agricole dans le Cycle de Doha, il a souligné que «cela maintient une pression pour négocier. Après la fin du Cycle de l’Uruguay, il a fallu attendre celui de Doha pour que les discussions reprennent vraiment».
Changement de donne
«Nous n’avons pas intérêt» à sortir le dossier agricole des négociations pour avancer sur les autres thèmes où il semble y avoir moins de blocage. En outre, la donne change et il faut l’accompagner. Par exemple, l’élargissement de l’Union européenne (UE) à 25 pays membres la contraint à repenser son soutien.
«Je suis un économiste. Mon idéal me porte à vouloir supprimer tous les soutiens distorsifs. Mais pour les politiciens, qui décident des réformes, les choses sont différentes. Ils doivent plaire à leur électorat. Et ils doivent gérer la partie la plus difficile des réformes, la transition d’un système à l’autre», a expliqué M. Panitchpakdi.
Reste que le Thaïlandais juge l’agenda actuel trop court. D’autant que beaucoup d’éléments viennent perturber les négociations, comme la décision rendue cette semaine dans le dossier des importations de bananes contre l’Union européenne (UE).
Vers un accord?
«Mais je constate un engagement croissant des pays membres en faveur des réformes, ce qui me fait croire qu’un accord pourrait voir le jour».
«Plein d’espoir», M. Panitchpakdi s’est dit «très déçu par les discussions de la fin du mois dernier» à Genève, alors que les 148 représentants des Etats membres se sont séparés sans parvenir à aucune avancée.
«Si, dans le dossier agricole, un accord peut être trouvé sur le principe prévoyant un abaissement des droits de douane avec des réductions plus fortes pour les tarifs les plus élevés, «60 à 70 % du travail sera fait». Les autres dossiers suivront.
swissinfo et les agences
En 2004, la production de l’agriculture suisse a atteint un total de 10,6 miliards de francs.
La même année, la Confédération a versé dans les 3,9 miliards.
En 1990, la Suisse comptait 92’815 exploitations agricoles et 65’866 en 2003.
En 1990, l’agriculture employait 253’561 personnes et 193’179 en 2003.
En 2003, une exploitation rapportait 55’029 francs en moyenne.
– Nommé en 2002, Supatchai Panitchpakdi quittera l’OMC le 1er septembre pour prendre la direction de la Conférence de l’ONU pour le commerce et le développement (Cnuced).
– Il sera remplacé par le Français Pascal Lamy.
– Lancé en 2001, le cycle de négociations de Doha devait se conclure en 2004 mais a buté sur l’échec de la conférence ministérielle de Cancun en 2003.
– Espérant aboutir à la conclusion de ce round à fin 2006, les 148 membres l’OMC se sont réunis en juillet à Genève mais n’ont pu se mettre d’accord sur un texte.
– Prochaine étape: la conférence ministérielle de Hong-Kong à la fin de l’année.
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