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Porrentruy: les bassins de la discorde

Piscine de Porrentruy
En ce temps de canicule, la piscine de Porrentruy est "victime de son succès". Ville de Porrentruy

Simple mesure de lutte contre le coronavirus, assurent les autorités. La ville jurassienne de Porrentruy a décidé d’interdire sa piscine, très fréquentée par temps de canicule, aux personnes qui ne résident pas en Suisse. Mais les remous que soulève l’affaire depuis une semaine vont bien au-delà de la question sanitaire.

À 15 km de la France, Porrentruy, comme de nombreuses régions de l’Arc jurassien, a son lot de travailleurs frontaliers. S’agissant de la piscine municipale, on estime qu’un tiers environ de la clientèle habituelle est française.

Mais depuis le 30 juillet, cette proportion est tombée à zéro. Face à l’affluence et à l’impossibilité de faire respecter distances et gestes barrière, la commune a choisi de limiter l’accès aux seuls résidents suisses. Selon les autorités, cette piscine récemment rénovée est simplement «victime de son succès».

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On ne peut pas plaire à tout le monde

Face aux caméras de nos confrères de la RTS, les baigneurs locaux se montrent plutôt satisfaits de cette baisse d’affluence.

Mais ce n’est pas l’avis général. Le lendemain de l’entrée en vigueur de la mesure, les Jeunes Socialiste jurassiens lançaient une pétition en ligne pour dénoncer son caractère «discriminatoire et illégal» et appeler les autorités à l’annuler. Sur les réseaux sociaux, leurs aînés Christian Levrat, président du PS suisse, et Ada Marra, députée, ont également affiché leur mécontentement.

Et il n’y a pas que la gauche. Dans un courrier de lecteur publié mardi par Le Quotidien Jurassien, Fabrice Berret, conseiller communal démocrate-chrétien de Cornol (un village voisin, qui participe au financement de la piscine) exprime sa colère. «La piscine de Porrentruy est interdite aux chiens et aux Français. Bien qu’avec ma famille nous ayons l’abonnement, nous ne mettrons plus les pieds dans cette piscine tant que cette mesure ne sera pas levée», écrit-il.

Une mesure qui fait aussi couler de l’encre en France. Mercredi, le site de la radio France Bleue Moselle a donné l’information, reprise par l’hebdomadaire Le Point, qui va jusqu’à parler de «tensions à la frontière franco-suisse».

Le gouvernement du canton du Jura s’est même emparé de l’affaire et va se prononcer sur la légalité de ces interdictions.

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«On est quand même mieux entre nous»

Sur le site d’informations Le Matin, l’agent de sécurité de la piscine confie que «tout va mieux sans les fauteurs de troubles français». «Ouste, les casseurs! C’est mal fait pour les familles, mais c’est mieux comme ça», renchérissent trois retraités.

«Avant l’interdiction, on a expulsé des jeunes frontaliers entrés en enjambant le grillage. On les repérait facilement», poursuit le gardien. Il semble en outre que les incivilités aient été monnaie courante à la piscine de Porrentruy.

«Le 30 juin 2018, les perturbateurs interdits de périmètre ici se sont rabattus sur la piscine de Delémont, où ils ont provoqué une bagarre générale qui s’est conclue par un traumatisme crânien et une fracture d’un doigt. À Delémont, ça n’a été chaud qu’un jour, mais à Porrentruy, c’était tous les jours», raconte encore l’agent de sécurité à nos confrères.

La vox populi, pas très loin du dérapage

L’affaire est désormais nationale, puisque le quotidien zurichois Tages-Anzeiger y consacre un article dans son édition de ce jeudi. Et dans les dizaines de commentaires qu’il suscite, on perçoit ici et là une pointe de xénophobie.

Un lecteur demande qu’on applique la même mesure à Bâle, où il y aurait selon lui trop de «jeunes francophones, issus ou non de l’immigration, qui se baignent avec leurs sous-vêtements sous les shorts et importunent les jeunes femmes», alors que la piscine est «subventionnée par nos impôts»

«La mesure est parfaitement justifiée, ajoute un autre. Les Français font la même chose avec nous. Ils n’ont qu’à construire leurs propres piscines». «Pendant la pandémie, les Français ont bloqué des stocks de masques qui nous étaient destinés. Swiss first!», renchérit un troisième.

«Une frontalière qui travaille à l’hôpital local et qui n’a pas le droit d’aller à la piscine, c’est inacceptable», tempère une lectrice, tandis qu’un autre rappelle que «les frontaliers payent aussi des impôts en Suisse».

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