Prévoyance vieillesse 2020: une réforme fictive
Notre système de prévoyance vieillesse fait face à des problèmes financiers. La réforme de l’Assurance vieillesse et survivants (AVS) et de la prévoyance professionnelle – en votation le 24 septembre prochain – ne représente toutefois pas une mesure adéquate pour garantir les rentes dans les décennies à venir. C’est l’opinion de Petra Gössi, députée et présidente du Parti libéral-radical (PLR), qui rejette le projet de Prévoyance vieillesse 2020.
La réforme avait initialement pour objectif principal d’assurer le niveau des rentes dans le futur. Avec le soutien du gouvernement et une majorité très serrée des voix, le parlement a reformulé cet objectif, décidant d’élargir l’AVS plutôt que de l’assainir. De cette manière, la Prévoyance vieillesse 2020 est devenue une réforme fictive et injuste, qui piétine de surcroît le pacte entre les générations.
La réforme de l’AVS est injuste car elle crée deux catégories de bénéficiaires AVS. Alors que les nouveaux retraités perçoivent un supplément de 70 francs, les retraités actuels doivent payer davantage en raison de l’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et recevront généralement des rentes plus faibles de la prévoyance professionnelle (deuxième pilier). Etant donné que la Loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) a été introduite en 1985 seulement, de nombreux retraités ont accumulé un capital pour la retraite plus faible que la génération de transition âgée de 45 à 65 ans.
Dans le même temps, cette génération de transition est épargnée par la réduction du taux de conversion et reçoit 70 francs de rente AVS supplémentaire. Cette mesure n’est pas justifiable par rapport aux retraités actuels: ces derniers paient les conséquences d’une réforme injuste de l’AVS et deviennent des retraités de seconde classe.
Je suis profondément convaincue que tout le monde a le droit de passer sa retraite où il le souhaite et je ne veux remettre en question la rente, bien méritée, de quiconque! Les Suisses de l’étranger sont des ambassadeurs importants de notre pays et ont grandement contribué à la prospérité de la Suisse. Je critique cependant les problèmes engendrés par le supplément de 70 francs. Ce supplément désavantage les futurs bénéficiaires de rentes qui vivent en Suisse et qui perçoivent également des prestations complémentaires, puisque la hausse de leur rente se traduira par une charge fiscale plus lourde.
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Un double «oui» pour garantir notre prévoyance vieillesse et renforcer l’AVS
Celui qui pense que cette réforme fictive permettra d’augmenter les rentes les plus faibles se trompe. Il est vrai que les nouveaux retraités profiteront du supplément de l’AVS. Les bénéficiaires de prestations complémentaires recevront toutefois une somme correspondante en moins. Dans le pire des cas, ils perdront au final le droit à une réduction des primes de l’assurance-maladie et à l’exemption de Billag [la redevance pour la radio-télévision]. Cette réforme n’a tout simplement pas été bien conçue.
Le projet Prévoyance vieillesse 2020 est par ailleurs antisocial. Les 70 francs sont en effet attribués à tout un chacun, sans tenir compte de leur situation financière. Chaque nouveau bénéficiaire d’une rente AVS reçoit 70 francs de plus par mois, indépendamment du fait qu’il en ait besoin ou moins. Les coûts de ce cadeau destiné à adoucir la réforme en votation devront être pris en charge par la communauté, au-travers d’une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée et de cotisations versées par les employeurs et les travailleurs. De cette façon, il restera chaque mois moins d’argent dans le porte-monnaie, alors qu’on n’a même pas la certitude de pouvoir assainir le système de retraite!
La réforme de l’AVS est surtout injuste pour la nouvelle génération. Ce sera à elle de supporter le poids de cette réforme. Et elle n’aura même pas la certitude de pouvoir un jour toucher une rente AVS – en 2027 déjà, les caisses de l’AVS seront à nouveau dans les chiffres rouges. Les mesures les plus urgentes sont reportées alors même que nous savons que les défis du système de prévoyance deviendront plus importants encore en raison de pertes de l’AVS se chiffrant en milliards et de l’évolution démographique. Les jeunes devront payer la facture de la «vieille» génération. Cette réforme fictive met ainsi à rude épreuve le pacte générationnel qui a donné jusqu’ici de bons résultats.
Avec la Prévoyance vieillesse 2020, une petite majorité du Parlement a réussi à détériorer les choses plutôt que de les améliorer. Au lieu d’assainir nos assurances sociales, la situation deviendra encore plus précaire avec cette hausse de l’AVS. Vis-à-vis de l’extérieur, on prétend qu’il s’agit d’une détente, alors qu’en réalité on ébauche déjà la prochaine crise.
Une réforme ne peut pas fonctionner de cette façon! Non à cette réforme fictive, antisociale et injuste!
Traduit par Samuel Jaberg
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