Pour un islam ouvert, charmant et fraternel
Longtemps controversée, parce que le projet initial prévoyait un minaret, la mosquée de Wil est désormais ouverte. Le week-end dernier, les curieux ont envahi par milliers la nouvelle «Xhamia», comme on dit en albanais. L’imam Bekim Alimi s’est montré très diplomate et l’ensemble de la communauté musulmane s’est présentée sous son meilleur jour.
«D’abord, on se lave les mains, puis on se rince la bouche, puis le nez, et finalement tout le visage, à chaque fois à trois reprises», explique la jeune femme. Latife Abasi ne porte pas de foulard, mais elle fait ses prières, non sans avoir pratiqué les ablutions rituelles. Cinq fois par jour.
Ici, tout brille et sent le neuf. Une longue queue s’est formée devant la porte. On retire ses chaussures avant d’entrer, et c’est valable pour tout le monde. Aujourd’hui, les portes sont ouvertes à tous. Normalement, les hommes et les femmes prient séparément. Le premier niveau du bâtiment surmonté d’une coupole est l’espace de prière pour les hommes, 260 m2, avec un Mihrab, une niche qui indique la direction de La Mecque.
«Nous nous attendions à quelque 1500 visiteurs», explique l’imam Bekim Alimi. «Mais à 6500, nous avons arrêté de compter», ajoute un jeune homme avec un badge «staff». Et ceci uniquement pour le dimanche, journée portes ouvertes. L’ouverture du samedi, à la fois solennelle et paisible, en a accueilli au moins autant.
Jeux d’enfants
Aujourd’hui, le Mihrab comme le Minbar (équivalent de la chaire) et le Kursi (trône) sont d’abord laissés aux enfants. Le temps d’une photo, garçons et filles se hissent sur l’un ou sur l’autre et disent quelques mots au micro. D’autres s’ébattent dans la salle et dès qu’il y a un peu de place, jouent à «attrape-moi si tu peux». Une fille fait la roue, comme l’y invite le sol mou, entièrement couvert de tapis.
Normalement, chacun vient à la mosquée avec son propre tapis de prière. «Ici, c’est différent», dit Semire Ibrahimi. Le sol entier est un seul tapis, divisé en espaces de prière par un motif blanc, brodé à la main, qui se répète rangée par rangée, case par case. Semire Ibrahimi fait partie des très nombreuses jeunes filles et jeunes gens portant le badge «staff», qui se sont engagés pour encadrer les milliers de visiteurs de ce grand jour.
Lieu de rencontres
En tout, les espaces de prière se répartissent sur trois niveaux. Le bâtiment dispose de deux galeries, dont l’une sert d’espace de prière aux femmes et l’autre de «tribune du public» pour les personnes intéressées, quelle que soit leur nationalité et leur religion. «Pour nous, il est important que ce lieu soit aussi un lieu de rencontre», explique l’imam. Ainsi, chacun peut venir à la mosquée afin de se faire sa propre idée et de discuter.
Car à côté des réactions majoritairement positives, ou au moins intéressées, des voix critiques se sont évidemment aussi élevées. Pour demander par exemple si le centre ne serait pas aussi un lieu propre à attirer les islamistes radicaux. «Nous accueillons aussi très volontiers ce genre de commentaires, car ce n’est qu’ainsi qu’on peut en parler. C’est une bonne chose», poursuit Bekim Alimi.
Le minaret? Juste un symbole
Un jeune homme, lui aussi membre du «staff», répond de manière appliquée aux nombreuses questions qui lui sont posées. Il se dit heureux d’avoir cette mosquée à disposition. Et non, le minaret ne lui manque pas, puisqu’il s’agit à ses yeux plutôt d’un symbole.
C’est également ce qu’avait expliqué Reinhard Schulze, spécialiste des sciences de l’islam, dans une interview accordée fin 2009 à l’hebdomadaire allemand «Die Welt», peu après le vote sur l’initiative contre les minarets. «Du point de vue théologique, une mosquée n’a pas besoin d’un minaret, encore moins de murs. Une mosquée peut se situer n’importe où».
Au départ, il était prévu d’ériger un minaret avec la mosquée. Mais la résistance s’est organisée: elle fut d’ailleurs un élément déclencheur de l’initiative anti-minarets. Les discussions ont alors contribué à ouvrir la mosquée vers l’extérieur, affirme l’imam Bekim Alimi.
«Il chante bien»
«Dieu merci, pas de minaret», affirme un père de famille qui vit à proximité de la nouvelle mosquée. Lui et sa famille n’auraient pas goûté aux chants quotidiens du muezzin. Mais la situation actuelle leur convient. «Et puisqu’elle est là aujourd’hui, nous venons volontiers la voir». «Je trouve très bien qu’ils aient obtenu une place ici», affirme pour sa part Sabine Bruni, une citoyenne de Wil.
Un homme commence à chanter la prière. Depuis le balcon, on peut observer comment la salle de prière se remplit gentiment. De plus en plus d’hommes se mettent à prier. «Il chante bien!», dit une femme âgée aux cheveux bouclés. Les gens se pressent aux balustrades des deux balcons et observent la scène.
Certains sont curieux. D’autres plus réservés et timides. «En fait, les femmes ne sont pas autorisées à regarder les hommes qui prient. Elles devraient regarder par terre», affirme Ibrahimi, l’assistant dentaire. Aujourd’hui, pourtant, elles regardent. Une image que l’on ne reverra certainement pas de sitôt.
(Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez & Samuel Jaberg)
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