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L’ONU est-elle bientôt caduque?

«Aucun pays n’a atteint un très haut niveau de développement humain sans mettre la planète à rude épreuve»

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La dépendance aux combustibles fossiles met la planète sous une pression croissante, souligne le Rapport sur le développement humain 2020. Keystone / Larry W. Smith

Le nouveau rapport des Nations unies sur le développement humain, qui mesure le niveau de bien-être de l'humanité, prend pour la première fois en considération l'impact environnemental sur la planète. Aucun pays, pas même la Suisse, qui a pourtant un indice de développement humain parmi les plus élevés au monde, ne prospère de manière durable, affirme le responsable du rapport Pedro Conceição.

La pandémie de coronavirus est la crise la plus récente à laquelle la planète est confrontée. Mais si les humains ne relâchent pas leur emprise sur la nature, ce ne sera pas la dernière. C’est ce qu’indique le Rapport sur le développement humain 2020 publié mardi par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui pour la première fois prend en compte les émissions de CO2 et l’empreinte matérielle dans sa définition du progrès.

Le Rapport mondial sur le développement humainLien externe est publié chaque année par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Il comprend l’indice de développement humain, qui mesure le bien-être d’un pays en fonction de trois dimensions: la santé (espérance de vie), le niveau d’éducation et le revenu (produit intérieur brut par habitant).

Nous en avons parlé avec Pedro Conceição, fonctionnaire des Nations unies et responsable du rapport, que nous avons joint par Skype dans son bureau de New York.

swissinfo.ch: Quelles sont les conclusions du rapport qui vous frappent le plus?

Pedro Conceição: Il y a deux choses qui m’ont vraiment surpris. La première est liée à la nouvelle réalité à laquelle nous sommes confrontés en tant qu’humanité. Elle n’a pas de précédent dans notre histoire ni dans l’histoire de la planète. Je ne pense pas seulement au changement climatique, mais aussi à la perte de biodiversité et à l’exploitation des matériaux. Les implications de ces changements sont si spectaculaires que les scientifiques parlent d’une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène.

Pedro Conceição
Pedro Conceição est responsable du Rapport sur le développement humain du Programme des Nations unies pour le développement. UNDP

La deuxième chose qui m’a frappé concerne les disparités. L’activité humaine exerce une pression sur la planète, mais tout le monde n’y contribue pas de la même manière et les implications sont également différentes. Ceux qui en subissent les conséquences sont principalement ceux qui n’ont pas pollué ou exploité les ressources de la planète. Les plus vulnérables sont ceux qui souffrent le plus.

Comment la pandémie de coronavirus affecte-t-elle le développement humain dans le monde?

Nous ne connaissons pas encore les origines exactes du nouveau coronavirus, mais nous savons qu’il y a eu une augmentation du nombre de maladies zoonotiques et que cette augmentation est liée à la pression que nous exerçons sur la nature et la planète.

La Covid-19 a des implications importantes sur les inégalités, par exemple sur les inégalités de genre: les femmes souffrent plus que les hommes. Il touche également aux trois éléments constitutifs de l’indice de développement humain (IDH), et ce presque partout dans le monde.

Le coronavirus a des répercussions sur la santé, non seulement de manière directe, mais aussi indirecte, car il exerce une pression sur les systèmes de santé. Les taux d’immunisation dans de nombreux pays en développement sont en baisse, ce qui pourrait entraîner une augmentation de la mortalité infantile. En outre, nous savons que le ralentissement économique a un impact négatif sur les revenus.

Enfin, l’éducation en souffre également: de nombreux enfants dans le monde peuvent continuer à recevoir une éducation tant qu’ils disposent d’un ordinateur, d’électricité et d’une connexion Internet. Dans les pays à faible IDH, 86% des enfants ne disposent pas de ces conditions et sont de fait exclus de l’école. Ce taux est de 20% dans les pays où les indices sont très élevés.

Pour la première fois, le rapport prend également en compte l’empreinte matérielle de différents pays. Comment ce critère modifie-t-il le classement mondial en fonction de l’indice de développement humain?

Comme il y a 30 ans, le progrès est associé à une expansion du développement humain. Cependant, nous ne pouvons pas négliger la pression que nous exerçons sur la planète et c’est pourquoi nous avons inclus un nouvel indice, qui prend en compte les émissions de CO2 et l’empreinte matérielle.

La principale constatation est qu’actuellement qu’actuellement aucun pays n’a atteint un très haut niveau de développement humain sans mettre la planète à rude épreuve. Nous observons un écart important entre ces deux indices dans les pays qui dépendent des combustibles fossiles pour leur approvisionnement énergétique.

Cependant, il y a des pays, dont le Costa Rica, le Panama et la Moldavie, qui ont un IDH élevé, sans pour autant exercer une grande pression sur la planète. C’est un message important: il est possible d’avoir un IDH élevé et un impact sur la planète modéré.

Contenu externe

La Suisse est deuxième dans le classement IDH 2019, précédée seulement par la Norvège. Sur la base du nouvel indice environnemental, peut-elle encore être considérée comme un modèle à suivre ?

La différence entre les deux indices n’est pas excessive pour la Suisse. Cela suggère que la Suisse est déjà sur la voie d’une utilisation moins intensive des combustibles fossiles pour son énergie. Cependant, nous ne pouvons pas parler de modèles, car aucun pays ne se porte aussi bien qu’il le devrait.

Lors du dernier sommet du G20, la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga a appelé les pays industrialisés à adopter des plans de relance post-pandémie plus durables. Allons-nous dans la bonne direction?

Chacun peut décider de la répartition des ressources mises à disposition pour la relance: on peut soit consolider les pratiques qui exercent la plus grande pression sur la planète, soit investir dans l’avenir. Nous savons que la manière actuelle de consommer et de produire n’est pas à la hauteur de nos ambitions. Si nous ne changeons pas, ce que nous vivons actuellement avec la Covid-19 deviendra la norme.

Cependant, des engagements ont été pris, par l’Union européenne, par la Chine, par le Japon ou même par la Suisse, pour atteindre un objectif de zéro émission nette. C’est encourageant, même si les ambitions doivent être revues à la hausse.

Le premier Rapport sur le développement humain a été publié en 1990. Quelles sont les tendances prévues il y a 30 ans qui se sont confirmées depuis?

Plutôt que de faire des prédictions, le rapport a cherché à changer la perspective du développement. La première édition indiquait que le développement devait être axé sur les êtres humains et non sur l’économie. Cette reformulation a contribué à galvaniser différentes approches de la poursuite du développement.

Le premier rapport a introduit l’indice de développement humain, qui, bien qu’il comprenne un indicateur de revenu, le combine avec les progrès en matière de santé et d’éducation. C’est une façon de contrer la perception selon laquelle le développement devrait être mesuré par le produit intérieur brut.

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