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Les espoirs gonflent pour le renminbi en Suisse

Argent chinois
La monnaie chinoise sera bientôt disponible pour le commerce en Suisse. Keystone

L’avenir de la devise chinoise en Suisse s’annonce prometteur. La China Construction Bank (CCB) vient de recevoir une licence pour réaliser des transactions en renminbi en Suisse. Une activité qui présente «un important potentiel» pour les experts de la question.

David Gong, le directeur fraîchement arrivé de la China Construction Bank (CCB), a annoncé vendredi dernier à swissinfo.ch que les préparations de son établissement basé à Zurich se trouvaient «sur la bonne voie». La banque devrait être opérationnelle «dans les prochaines semaines», a-t-il déclaré.

Il y a deux semaines, la FINMA, l’autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, a accordé une licence qui permet à CCB d’exercer ses activités sur sol suisse. Après un long feuilleton, le pays alpin va enfin pouvoir devenir une plate-forme d’échange du renminbi.

Echanges sino-suisses


L’accord de libre-échange avec la Chine, signé en 2013, est entré en vigueur le 1er juillet 2014. Pour Johann Schneider Ammann, le ministre suisse de l’Economie, il s’agit de l’accord de libre-échange le plus important pour l’industrie d’exportation suisse depuis l’accord de 1972 signé avec l’Union européenne. La Chine est actuellement le troisième partenaire commercial le plus important pour la Suisse après l’Union européenne et les Etats-Unis.

Entre juillet 2014 et mai 2015, les exportations suisses vers la Chine ont augmenté de 3%, alors que les importations en provenance de Chine ont cru de 4.2%. Une croissance plus élevée que l’augmentation de 0,4% des exportations suisses autour du monde, selon le Secrétariat d’Etat à l’Economie (SECO).

Les machines helvétiques, les instruments de précision, les produits chimiques et l’horlogerie font partie des secteurs qui ont le plus profité de la réduction des tarifs douaniers.

«La banque a reçu une autorisation pour ouvrir une succursale en Suisse, elle doit désormais entreprendre un travail préparatoire avant de s’inscrire au registre du commerce suisse et de commencer ses opérations, explique Tobias Lux, porte-parole de la FINMA. C’est une procédure qui ne sort pas de l’extraordinaire.»

La China Construction Bank possède déjà d’une succursale installée au 33 Beethovenstrasse à Zurich et emploie 17 personnes pour le moment – un chiffre qui devrait passer à 25 lors des prochaines semaines, puis à 50 d’ici 2016, selon finnews.chLien externe. Holder Demuth, auparavant chez Clariden Leu Bank, en est devenu le directeur des opérations en septembre dernier.

«Nous travaillons avec acharnement pour que la Suisse devienne un centre de compensation en renminbi pour nos clients chinois et locaux en Suisse, a expliqué David Gong à des experts du financement commercial lors d’une conférence à l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève vendredi dernier. Notre objectif est d’offrir des services bancaires commerciaux traditionnels, comme des dépôts, des prêts syndiqués et du financement d’entreprises».

Réseau mondial

Les autorités chinoises ont vigoureusement encouragé l’utilisation internationale du renminbi depuis 2010, en créant notamment un réseau mondial de banques offshores pour promouvoir le renminbi comme monnaie de réserve.

La CCB dispose désormais de branches dans 24 pays, notamment à Londres, Tokyo et New York. Cette année, la banque a aussi ouvert des succursales à Paris, Amsterdam, Barcelone et Milan, offrant aux firmes chinoises les plus importantes et à des compagnies locales des services bancaires similaires à ceux prochainement proposés à Zurich.

«A long terme, notre objectif est de lancer nos efforts de globalisation du renminbi et du marché offshore du renminbi depuis la Suisse, a déclaré David Gong. Nous souhaitons aussi promouvoir le financement bilatéral et les échanges commerciaux entre la Chine et la Suisse.»

Selon Swift, un prestataire de services de paiement, 2,79% des paiements mondiaux en valeur ont été réalisés en renminbi en août dernier, faisant de la devise chinoise la quatrième plus utilisée de la planète après le dollar américain, l’euro et la livre sterling.

La montée en force du renminbi survient à un moment de tourmente financière en Chine: en août, la banque centrale a contre toutes attentes dévalué le renminbi afin de ralentir la fuite de capitaux. L’économie est également en voie d’atteindre son plus faible taux de croissance depuis 25 ans.

Fort potentiel

Malgré ce ralentissement, Xu Jinghu, l’ambassadrice de Chine en Suisse, estime que l’arrivée de la CCB et la coopération financière entre les deux pays de façon générale présente un «énorme potentiel».

«En utilisant le renminbi, les firmes vont pouvoir réduire les risques liés aux taux de change et réduire les coûts d’investissement.»

«En utilisant le renminbi, les firmes vont pouvoir réduire les risques liés aux taux de change et réduire les coûts d’investissement», a-t-elle expliqué lors de la conférence genevoise, ajoutant que d’autres banques chinoises comptaient prochainement s’installer en Suisse. «Les perspectives financières sino-suisses sont très prometteuses», a-t-elle ajouté.

L’ambassadrice a aussi parlé de l’assureur Swiss Re, qui est devenu en juin 2015 la première firme suisse à obtenir une licence RQFII (pour Renminbi Qualified Foreign Institutional Investor). Ce qui lui permettra d’utiliser les yuan offshore conservés au sein de la banque HSBC pour acheter des actions et des obligations en Chine continentale. Pour Guy Barras, en charge du financement du commerce auprès de Credit Suisse, disposer d’une banque chinoise sur sol suisse est très important «culturellement mais aussi pour créer des ponts avec le financement du négoce de matières premières.»

«Les matières premières constituent un quart des importations chinoises, soit 500 milliards de dollars, tandis que les échanges commerciaux entre la Chine et la Suisse représentent 15 milliards de dollars, a expliqué Wang Min, un haut responsable de la Banque de Chine, lors la conférence genevoise. Il est donc possible d’exploiter encore bien plus le négoce des matières premières. C’est pour cela que la Banque de Chine désire développer le négoce des matières premières à Genève. Les plus grandes compagnies du secteur y sont établies. Ils savent comment aborder la gestion des risques. C’est l’endroit idéal pour faire des affaires.»

Fin des contrôles

«L’arrivée de la CCB à Zurich va renforcer la place financière suisse, notamment la gestion de fortune et la finance d’entreprise, s’enthousiasme également Blaise Godet, le président de la Chambre du commerce sino-suisse et ancien ambassadeur de la Suisse en Chine. Aujourd’hui, 88% des échanges globaux sont effectués en dollars. Etant donné le poids de la Chine dans les échanges internationaux, un renminbi convertible va changer la donne.»

Mais pour que le yuan soit reconnu internationalement comme devise librement échangeable – et donc accepté par le Fonds Monétaire International (FMI) en tant que monnaie de réserve – la Chine doit stopper sa stricte politique de contrôle des capitaux qui quittent le pays.

L’année passée, la Banque nationale suisse (BNS) Lien externea signé un accord avec son homologue chinois pour permettre les échanges de monnaie entre les deux pays. Mais l’accord plafonne la quantité des échanges à 50 milliards de renminbis, soit 7,57 milliards de francs. Lever les contrôles de capitaux est essentiel pour les investisseurs qui veulent exploiter tout le potentiel du négoce de renminbi. Jusqu’à présent, le gouvernement chinois a seulement légèrement et de manière graduelle modifié cette politique.

Franco Morra, le président de l’Association des banques étrangères en Suisse, ne s’attend pas à des changements d’ici 2017. Mais une fois le processus entamé, «les choses vont aller plus vite», prévient-il. Lors d’une visite en Chine en février 2015, Eveline Widmer-Schlumpf, la conseillère fédérale en charge du Département des finances, a abordé la question des limites imposées aux subsidiaires helvétiques en Chine. Pour l’instant, les banques étrangères installées en Chine continentale sont limitées à un certain nombre de secteurs d’activités. Le ministère des finances a répondu qu’aucune solution concrète n’était en vue et que la question n’a pas encore été mise à l’agenda.

«La Chine reste un marché très protégé, fermé et opaque, souligne Blaise Godet. Je ne peux qu’encourager les autorités suisses à poursuivre les discussions afin de libéraliser et d’ouvrir le marché chinois, que ce soit dans le secteur financier, bancaire ou des assurances».

(Traduction de l’anglais: Clément Bürge)

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