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A Genève, un nouveau centre pour aider les entreprises à respecter les droits humains

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L'un des premiers projets sur lesquels planche le centre vise à renforcer la protection des orpailleurs dans la chaîne d'approvisionnement du cobalt en République démocratique du Congo. Keystone / Schalk Van Zuydam

L'Université de Genève inaugure un Centre pour les entreprises et les droits humains, inspiré d’une structure équivalente à New York. Directrice de ce Geneva Center for Business and Human Rights, Dorothée Baumann-Pauly répond aux questions de swissinfo.ch.

Siège de nombreuses organisations internationales dont l’OMCLien externe, Genève est aussi la deuxième place financièreLien externe de la Suisse, après Zurich. Outre le secteur bancaire, la cité de Calvin abrite de nombreuses multinationales, y compris dans le secteur du négoce des matières premières.

Dorothée Baumann-Pauly
Dorothée Baumann-Pauly est la directrice du Centre for Business and Human Rights de la Faculté d’économie et de management de l’Université de Genève (GSEM). Nicolas Spuhler

Et c’est également à Genève que se négocie depuis des lustres sous l’égide de l’ONU un cadre international pour que les entreprises transnationales respectent les principes de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Une dynamique qui a notamment débouché en 2011 sur l’adoption par le Conseil des droits de l’homme des «Principes directeursLien externe relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme».

+ Comment l’ONU veut rendre comptables les multinationales

La mise en pratique de ce code de conduite non contraignant est l’un des grands défisLien externe que le Geneva Center for Business and Human Rights (GCBHR) compte relever. Sa directrice Dorothée Baumann-Pauly était jusque-là responsable de la recherche au Center for Business and Human RightsLien externe de l’Université de New York. Quant à l’idée de créer son équivalent à Genève, elle a été lancée il y a 5 ans au Forum économique de Davos.  

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swissinfo.ch: De nombreux sceptiques doutent que les profits et les droits humains puissent coexister. Qu’est-ce qui vous rend si convaincue du contraire?

Dorothée Baumann-Pauly: Une rentabilité favorable aux droits humains n’est pas une évidence. Ce qu’il faut, c’est une perspective à long terme. Si le respect des droits humains nécessite un investissement initial, il rend les entreprises plus solides à long terme.

À titre d’exemple, j’ai vu comment l’industrie de la mode commence à passer d’un modèle d’affaires transactionnel Lien externe(centré sur l’achat) à un modèle qui intègre les normes des droits de la personne dans leurs pratiques d’achat en mettant l’accent sur les relations à long terme avec les fournisseurs.

C’est positif pour les ouvriers du textile et les usines qui les emploient, mais aussi pour leurs commanditaires, les marques de vêtements. Car lorsque les travailleurs sont en bonne santé, qu’ils peuvent se qualifier, tout en étant rémunérés équitablement, la productivité et la qualité des produits augmente.

Les négociants en produits de base n’ont pas le meilleur bilan en matière de droits humains et de respect de l’environnement. Pensez-vous qu’ils sont preneurs?

Je pense que cette industrie a parcouru un long chemin vers l’acceptation de ses responsabilités en matière de droits humains. Toutefois, la mise en œuvre varie encore énormément d’un secteur à l’autre. Cela s’explique en partie par le flou qui entoure encore les attentes envers ces entreprises en matière de droits humains. Des directives ont été élaborées pour le secteur l’an dernier, mais beaucoup de questions restent encore sans réponse.

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En SuisseLien externe, l’un des aspects les plus contestés par les milieux économiques de l’initiative populaire pour des multinationales responsablesLien externe concerne l’introduction d’une responsabilité juridique. Pensez-vous que les entreprises doivent être légalement tenues responsables des actions de l’ensemble de leur chaîne de production à l’international ou leurs mesures volontaires suffisent-elles?

La responsabilité juridique est un moyen de tenir les entreprises responsables de leur comportement en matière de droits de la personne. Mais cette approche ne suffit pas. Il est plus important encore d’établir des normes claires et communes pour l’industrie qui peuvent être utilisées pour mesurer les progrès.

Pour les entreprises, la responsabilité juridique est certes un bâton puissant, mais elle relègue aussi les questions de droits de la personne aux avocats d’affaires qui se concentrent uniquement sur la conformité juridique.

Il est également important que les entreprises envisagent le respect des droits humains comme une opportunité commerciale, ce qui nécessite l’adhésion de tous les niveaux de l’entreprise. Indépendamment de leur responsabilité juridique, les entreprises doivent être en mesure de mettre en œuvre leur engagement en faveur des droits humains.

Certaines entreprises suisses sont actives dans des pays où l’État de droit est faible et où les violations des droits humains sont monnaie courante. Selon vous, que devraient faire les entreprises dans de telles situations?

Étant donné l’état du monde dans lequel nous vivons, la faiblesse de l’État de droit et de la gouvernance est la norme, non l’exception. Les entreprises qui opèrent dans le monde entier sont les mieux équipées pour combler ces lacunes en matière de gouvernance grâce à des normes mondiales ancrées dans les droits humains universels. Cette approche fondée sur des principes est cohérente et prévisible pour les partenaires commerciaux.

Nombre d’activistes et de défenseurs des droits humains affirment que collaborer avec les entreprises sur ces questions ne sert qu’à rehausser leur image de marque. Que répondez-vous?

Il y a toujours eu une interaction entre la collaboration et l’activisme. Notre centre prévoit de travailler avec les entreprises pour mieux comprendre les questions les plus pertinentes en matière de droits humains pour développer des solutions viables.

Notre approche s’appuie sur des recherches rigoureuses qui peuvent servir de base à des recommandations à l’intention des entreprises et des décideurs, y compris dans l’élaboration de modèles d’affaires conjuguant profits et respect des droits.

Nous espérons également que nos recherches contribueront à l’élaboration de normes industrielles communes. Une fois cette étape franchie, il ne suffira plus de prendre un engagement symbolique sur les droits humains pour booster l’image d’une entreprise.

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Adapté de l’anglais par Frédéric Burnand

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