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Après les attentats de Paris, le difficile équilibre entre sécurité et liberté

Solidarité mondiale avec la France: ici à Ottawa, au Canada. Keystone

La presse dominicale suisse se montre solidaire de la France, touchée par des attentats qui ont fait quelque 130 morts et plus de 350 blessés. S’interrogeant sur les réponses à apporter au terrorisme qui peut frapper partout et en tout temps, les éditorialistes évoquent un tour de vis sécuritaire. Et les risques qui en découlent pour les libertés individuelles.

Le quotidien «Le Temps», qui a sorti une édition spéciale pour l’occasion écrit: «La France ne nous a jamais paru aussi proche. Nos semblables, nos frères et nos sœurs sont tombés sous les balles cette nuit. (…) En ces heures terribles pour la France où l’état d’urgence a été décrété, où l’armée est mobilisée dans la capitale, nous sommes tous Français.»

Le «Matin dimanche» titre en reprenant les paroles de François Hollande: «Le chagrin nous assaille».

Terrible proximité

La violence de l’attaque et l’ampleur du carnage expliquent cette vague de solidarité. Mais l’empathie avec la France est d’autant plus forte que ces attentats prouvent que le terrorisme peut frapper n’importe où et d’importe qui.

«Depuis le 17 novembre 1997, depuis les premiers tirs dans le temple d’Hatchepsout à Louxor (réd : un attentat qui avait coûté la vie à 62 personnes, dont une majorité de touristes suisses), le terrorisme islamique est toujours présent. Avant, ce danger était théorique, très éloigné dans des pays lointains. Et soudain, il est tangible, sous la forme de salves, de cris, de blessés et de mort, sous la forme d’une violence insensée, dédaigneuse, insupportable, inconcevable», écrit la «NZZ am Sonntag».

«Plus rien de lointain ni dans la géographie ni dans l’histoire, les kamikazes sont à Paris, avec leurs ceintures d’explosifs, des kalachnikovs, et d’autres armes dont les noms nous deviendront familiers dans les jours qui viennent», avertit le «Matin dimanche».

«Où peut-on encore aller sans devoir craindre pour sa vie? Seulement cette année en Europe, les islamistes ont planifié ou perpétré des attentats dans un train, une rédaction, un supermarché cacher, un musée, un centre culturel, une synagogue, un restaurant, un stade de foot, une salle de concert», rappelle la «SonntagsZeitung». 

Grande vulnérabilité

Certains commentateurs estiment que si des attentats comme ceux de Paris ont pu se produire, c’est que la France, et plus généralement, les pays d’Europe occidentale (Suisse comprise), présentent une grande vulnérabilité face à ce type de terrorisme. «Un pays qui est la cible, à dix mois d’intervalle, de deux attentats aussi sanglants a aussi d’énormes fragilités en lui, d’intégration et de sécurité. Dans toute l’Europe de ce siècle, les champs de bataille seront bien souvent intérieurs», prédit le «Matin dimanche».

Pour la « NZZ am Sonntag», l’Europe est désormais facile à frapper pour les terroristes islamiques. «Le terrible attentat de Paris le montre: le Printemps arabe, la guerre en Syrie, la vague de réfugiés depuis l’espace musulman et les faiblesses des institutions européennes créent des conditions idéales pour des actes commis par des fanatiques islamiques», note le journal.

Réagir, mais comment?

L’hebdomadaire zurichois note encore que les Etats-Unis sont parvenus à faire baisser la menace suite aux mesures de sécurité prises suite aux attentats du 11 septembre 2001. Les pays européens, en revanche, restent beaucoup plus fragiles. «L’Europe, avec ses sociétés ouvertes, ses frontières poreuses, sa population toujours plus multiethnique, avec sa coordination toujours déficiente en matière de sécurité fait qu’il est plus facile pour les terroristes de s’incruster et de planifier leurs attentats.»

Pour la «NZZ am Sonntag, il faudra davantage de surveillance, de récolte de données, de logiciels ‘chevaux de Troie’ étatiques, de listes de suspects, ainsi qu’une meilleure coordination des polices au plan européen. Cela nécessitera de la mesure et de l’intelligence de la part des autorités, car ce type d’actions entraînera une restriction des libertés. «Mais l’alternative serait une répétition régulière des horribles images de Paris. Ce qui ne serait pas supportable». 

Mais même s’il convient bien évidemment d’améliorer la sécurité, certains commentateurs se méfient du tout sécuritaire. «Security first, c’est le triste constat après cette triste journée à Paris. Ce ne sont pas de belles perspectives pour nous, qui aimons la liberté. Il ne reste plus qu’à espérer que les responsables n’agiront pas en étant aveuglés par la colère, comme après le 11 septembre, mais avec plus de circonspection. Sinon, les terroriste auront gagné leur guerre», écrit la «SonntagsZeitung».

« Les promoteurs de la sécurité auront le vent en poupe »

Dans son éditorial, la «Schweiz am Sonntag» s’interroge sur le juste équilibre entre liberté et sécurité, en faisant le parallèle avec les attentats aux Etats-Unis. Et d’avertir: «Il n’est pas difficile de prévoir que les soi-disant promoteurs d’une sécurité accrue auront le vent en poupe. Plus de pouvoir étatique, plus de surveillance et une limitation des droits citoyens: c’était déjà la réaction après le 11 septembre. Alors que la sécurité n’en a pas vraiment été améliorée, c’est la liberté qui en a fait les frais». Pour Patrick Müller, l’histoire européenne montre que nous serions bien avisés de ne pas sacrifier trop rapidement nos droits. 

L’hebdomadaire dominical pose également la question du rapport de la société occidentale avec l’islam et les flots de réfugiés en provenance des pays arabes. Pour son rédacteur en chef Patrick Müller, il n’est pas question de jeter la suspicion sur l’ensemble de ces personnes qui sont elles-mêmes des victimes de l’Etat islamique. «On ne peut cependant pas dissiper l’impression que l’Europe pratique en partie une politique naïve en matière d’asile et de protection aux frontières, et que des potentiels islamistes auraient beau jeu de s’introduire clandestinement sur le continent. Tolérance ne signifie pas naïveté».


«Schengen-Dublin ne fonctionne plus»

Suite aux attentats de Paris, les services de sécurité de la Confédération sont en état de vigilance accrue.

Le Conseil fédéral est tenu informé en permanence de la situation, a annoncé la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga samedi lors d’un bref point de presse à Berne.

L’Office fédéral de la police (fedpol), le Service de renseignement (SRC) et le corps des gardes-frontières sont en communication étroite avec les autorités françaises. L’objectif est de déterminer d’éventuelles connexions avec la Suisse. Pour l’instant, il n’y a aucun indice en ce sens.

La sécurité autour des bâtiments diplomatiques français en Suisse a été musclée. Cette mesure a été prise avec les polices cantonales concernées, qui sont compétentes pour les aspects pratiques de la protection des bâtiments diplomatiques.

Les gardes-frontières ont renforcé leurs effectifs mais ils n’effectuent pas de contrôles systématiques.

Le ministre de la défense Ueli Maurer a demandé davantage de contrôles aux frontières et a déclaré ne pas être surpris des attentats à Paris. «Schengen-Dublin ne fonctionne plus», a jugé le représentant de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) au gouvernement.

Du côté de l’aéroport de Genève, la présence policière est bien visible. Le dispositif de contrôle des passagers n’est pas à géométrie variable, les normes restent identiques, a indiqué le porte-parole de l’aéroport. Tout au plus pour les passagers, il s’agit d’être là plus tôt.

A part quelques possibles retards, les attentats n’ont pas de conséquences directes pour les transports entre la Suisse et la France, que ce soir par la route, le rail ou les airs.

Source: ATS

(avec la contribution de Federico Bragagnini)

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