Les actionnaires de Credit Suisse sont en colère
Credit Suisse se prépare à faire face à une révolte des actionnaires ce vendredi lors de son assemblée générale. Au cœur des enjeux, la question de la rémunération de ses dirigeants, alors même que la direction de la deuxième banque suisse a accepté une réduction volontaire de 40% de ses bonus.
Credit Suisse, qui fait face à de profondes restructurations, doit affronter des critiques pour ne pas avoir pris en compte l’amende de 5,28 milliards de dollars infligée par les Etats-Unis (comme prévu dans l’accord signé en 2016 pour clôturer l’enquête sur son rôle dans la crise des «subprimes») au moment d’établir la rémunération de ses managers.
Le président du Conseil d’administration Urs Rohner a déclaré au Financial Times avoir sous-estimé la sensibilité sur la question des rémunérations en Suisse et ailleurs. «La réaction est plus forte que ce à quoi je m’attendais, en particulier au Royaume-Uni, tout comme chez les investisseurs professionnels et institutionnels ainsi que dans les agences spécialisées en conseil de vote (proxy advisers)».
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Financial Times
Lien externeUrs Rohner décrit toutefois comme «raisonnable» le rapport de rémunération qui sera voté lors de l’assemblée générale annuelle prévue le 28 avril à Zurich. «Je ne pense pas que je doive le défendre. Je suis certain que si nous expliquons ce que nous avons fait, nos actionnaires comprendront pourquoi nous avons pris ces décisions.»
La polémique a éclaté après l’annonce de Credit Suisse de vouloir verser jusqu’à 78 millions de francs de bonus à ses dirigeants, malgré une perte de 2,7 milliards de francs essuyée l’an dernier à la suite de l’accord conclu dans le cadre de la crise des «subprimes». L’établissement a également annoncé une hausse de 6% à 3,09 milliards de francs de l’enveloppe totale des bonus accordée à ses employés afin d’endiguer le départ de ses meilleurs éléments dans d’autres banques concurrentes.
CreditSuisse a annoncé mercredi un retour dans les chiffres noirs, avec un bénéfice net de 596 millions de francs réalisé au premier trimestre 2017. Durant la même période de 2016, la deuxième plus branque banque helvétique avait enregistré une perte de 302 millions de francs. Mis à part ses résultats trimestriels, Credit Suisse a annoncé une hausse de capital de près de 4 milliards de francs, qui – selon la banque – devrait lui garantir une meilleure flexibilité. Credit Suisse a par ailleurs renoncé à coter en bourse son entité suisse, contrairement à ce qui était initialement prévu.
Source: ATS
Face à la fronde des actionnaires, qui a éclaté au début du mois, le directoire de la banque a annoncé qu’il allait réduire de 40% le montant des bonus octroyés durant l’année en cours. «Ils voulaient donner un signal aux actionnaires et au monde extérieur: pour eux, la chose la plus importante est le succès ultime et la mise en œuvre du plan stratégique», affirme Urs Rohner. Ce pas en arrière n’a toutefois pas réussi à satisfaire les sociétés de conseil en investissement, à l’instar d’Institutional Shareholder Services (ISS) et de Glass Lewis, de même que la Fondation suisse Ethos, laissant planer le spectre d’un vote serré lors de l’assemblée de vendredi à Zurich.
ISS s’est fendu d’un communiqué la semaine dernière pour dénoncer «un processus ayant démontré des lacunes dans la considération des intérêts des actionnaires par la grande banque». Ethos a pour sa part estimé que «les rémunérations demeurent toujours trop élevées au regard de la perte record enregistrée par Credit Suisse en 2016».
La controverse sur les bonus des top-managers se poursuit
La question de la rémunération des dirigeants des grandes entreprises continue à faire beaucoup de vagues en Suisse. La semaine dernière, les actionnaires de Georg Fischer ont rejeté le paquet de rémunération de ses dirigeants, obligeant le groupe d’ingénierie schaffhousois à revoir sa copie. Peu avant Pâques, le géant de l’électronique zurichois ABB a pour sa part réussi à faire passer de justesse (59%) son rapport de rémunération auprès de ses actionnaires.
Credit Suisse se trouve au milieu d’un plan de restructuration planifié sur trois ans sous la direction de Tidjane Thiam, qui a repris la direction de la banque en juillet 2015. Le Franco-Ivoirien entend renforcer les activités de la banque dans le domaine de la gestion de fortune tout en réduisant la voilure dans le secteur de la banque d’investissement.
La banque helvétique fait valoir que le plan de rémunération de ses dirigeants est axé sur la mise en œuvre de cette stratégie. «Si l’objectif était de mesurer la performance de cette équipe de direction en 2016, je pense qu’il n’était pas déraisonnable de ne pas tenir compte de l’amende [liée à l’implication de la banque dans la crise américaine des subprimes]», affirme Urs Rohner.
De plus, ajoute le président du conseil d’administration de Credit Suisse, si les managers avaient craint un impact de cette amende sur leur rémunération, ils n’auraient certainement pas agi dans le meilleur intérêt de la banque au moment de négocier l’accord avec les autorités américaines. «Je ne veux pas d’une équipe de direction qui dise ‘essayons de ralentir, cherchons à gagner du temps parce que cela affectera notre salaire’». Et Urs Rohner de conclure: «Les actionnaires se trouvent désormais devant des propositions raisonnables et nous sommes confiants qu’ils comprendront et soutiendront ce qui a été fait.»
Copyright The Financial Times Limited 2017
(Traduction de l’anglais: Samuel Jaberg)
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