La voiture qui se conduit toute seule relève de moins en moins du fantasme
La 87e édition du Salon international de l’automobile de Genève ouvre ses portes jeudi. Pendant dix jours, le public y constatera l’évolution vers la conduite autonome. Pour Yves Gerber, porte-parole du Touring Club Suisse (TCS), le boom des véhicules autonomes se fera dans un avenir proche.
Le Salon de Genève permet de voir quelles sont les grandes tendances du marché automobile. Ces dernières années, on a notamment pu y constater le goût croissant du public pour les SUV ou encore l’émergence des véhicules électriques. Pour cette 87e édition, l’une des tendances marquantes sera l’évolution toujours plus rapide vers les voitures autonomes.
C’est un phénomène dont le monde politique est aussi conscient. En décembre, le conseil fédéral déclaraitLien externe partir du principe que «ces 15 à 25 prochaines années, les véhicules automatisés représenteront une part considérables des véhicules routiers immatriculés». Et fin février, le groupe parlementaire libéral-radical exigeaitLien externe une législation flexible pour «laisser la voie libre à la conduite autonome».
Observateur attentif du marché suisse, le Touring Club SuisseLien externe partage cette analyse. Pour son porte-parole romand Yves Gerber, le mouvement vers la conduite autonome est déjà une réalité. Interview.
swissinfo.ch: A quel stade en sommes-nous actuellement en terme de conduite autonome?
Yves Gerber: Nous ne sommes pas loin de la maturité au niveau de la technologie. Selon les projections des spécialistes, des modèles totalement autonomes pourront être mis sur le marché dès 2020. On s’attend à une courbe ascendante des ventes dès ce moment, avec un vrai boom jusqu’en 2035.
Mais les acheteurs ne seront pas forcément des individus. Les modèles économiques auxquels nous nous attendons et que nous voyons déjà se mettre en place via des projets pilotes montrent que nous nous acheminons vers des flottes de voitures en auto-partage. C’est un des modèles qui vont contribuer à l’essor de ces voitures dans le trafic.
Les individus seront clients de ces services, surtout dans le milieu urbain où une partie importante des ménages n’ont aujourd’hui déjà plus de voiture individuelle. On se déplacera par exemple d’une ville à l’autre en train, puis on effectuera la dernière partie du trajet en louant une voiture autonome.
swissinfo.ch: Mais il y a encore des obstacles juridiques à une vraie conduite autonome.
Y. G. : La condition sine qua à la conduite autonome est de régler la question de la responsabilité civile. Pour le moment, on s’en tient encore à la Convention de Vienne de 1969Lien externe qui dit que l’automobiliste est le seul maître à bord.
On vient d’introduire dans cette Convention la notion d’assistance, mais à condition que le conducteur puisse reprendre le contrôle à tout moment.
Tant que nous en restons à ce point, il ne peut être question d’une voiture complètement autonome dans laquelle on lit son journal le dos à la route. Mais les choses bougent vite et l’idée de voir une première voiture totalement autonome rouler dès 2020 n’est pas farfelue.
swissinfo.ch : L’accident mortel survenu aux Etats-Unis à bord d’une Tesla en mode de conduite autonome n’a-t-il pas refroidi un peu les ardeurs?
Y. R. : Les accidents mettent les technologies à l’épreuve, mais l’évolution dans ce domaine est très rapide et les problèmes seront corrigés. De toute façon, les tests montrent déjà que les voitures autonomes ont moins d’accidents au kilomètre que l’humain. Actuellement, les trois causes principales d’accident sont l’inattention, l’alcool et une vitesse inadaptée, trois erreurs qu’une machine ne fera pas.
swissinfo.ch: Entrer dans sa voiture, lui dire où aller et se laisser tranquillement conduire. Est-ce de l’ordre du fantasme ou de la réalité?
Y. R. : Il faudra une bonne génération pour que le parc automobile se régénère. Tout le défi sera la transition entre les véhicules qui disposent de ces technologies de conduite autonome et ceux qui ne l’ont pas.
Les deux types de véhicules vont coexister durant des années, ce qui n’ira pas sans poser de problèmes. D’ailleurs, le premier accident d’une Google Car, dont on a beaucoup parlé l’an dernier, était dû à une voiture normale qui lui a coupé la priorité.
swissinfo.ch: La législation et la technique évoluent. Mais l’homme, lui, est-il prêt à franchir le pas de la conduite autonome?
Y. R. : Actuellement, 40% des déplacements sont effectués pour les loisirs. Le reste c’est de la mobilité contrainte. Je pense que la plupart des gens sont prêts à laisser leur volant. Mais il faudra un saut générationnel. On sent que les «digital natives» sont beaucoup plus prêts à remettre leur vie dans les mains d’une voiture que les personnes de plus de 50 ans.
Remarquez qu’aujourd’hui déjà, dans un avion, le pilote bénéficie d’une technologie comparable. L’avion se pilote quasiment tout seul. C’est pareil pour le train et il y a beaucoup de métros où il n’y a même pas de conducteur. Mais cela ne pose pas de problème, c’est rentré dans les mœurs.
Autrefois, il y avait une forte émotion en entrant dans une voiture. C’était un symbole de liberté, de propriété. Mais c’est en train de changer. Progressivement, les gens vont être prêts à remettre leur intégrité corporelle dans les mains de la technologie. Mais c’est un saut sociologique qui ne peut pas se faire du jour au lendemain.
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