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«Nous devons sanctionner de manière plus cohérente ceux qui enfreignent les règles»

Un homme masqué dans une télécabine.
Pour le président des Remontées Mécaniques Suisses Hans Wicki, si une station organise encore des fêtes, elle doit être fermée. Keystone / Alessandro Crinari

De nombreuses stations de ski resteront fermées pendant la période des Fêtes, dans les pays voisins de la Suisse. Mais en terres helvétiques la saison a déjà commencé. Comment le pays fait-il face à la pression extérieure? Et quel genre de saison hivernale nous attend? Entretien avec Hans Wicki, sénateur et président des Remontées Mécaniques Suisses.

La Suisse étonne les pays voisins: alors que l’Allemagne, par exemple, a décrété le week-end dernier un nouveau confinement, de nombreuses stations de ski suisses ont lancé la saison ces derniers jours. Et ce, malgré le nombre encore élevé de cas – aucun pays voisin ne compte autant de nouvelles infections au coronavirus par habitant que la Suisse.

Pendant ce temps, l’Italie et la France font pression pour que les stations de ski ferment dans toute l’Union européenne. Markus Söder, le ministre-président de Bavière, la région allemande qui abrite les plus importants domaines skiables du pays, préconise lui aussi une ligne stricte. Seule l’Autriche s’oppose avec véhémence à une fermeture générale, mais les hôtels et les restaurants y garderont porte close pendant les vacances. Les mesures sont à ce stade prévues pour durer jusqu’au 7 janvier.

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Mesures à l’encontre des skieurs

Le positionnement de la Suisse suscite le mécontentement de ses voisins. Markus Söder veut ainsi empêcher les touristes allemands de skier en Suisse au moyen de nouvelles règles de quarantaine. Le président français Emmanuel Macron craint lui aussi que ses compatriotes ne ramènent le virus chez eux après leurs vacances en Suisse.

Le gouvernement français veut donc que ses citoyens se plient à sept jours d’isolement après des vacances de ski à l’étranger. À cette fin, des contrôles seront mis en place aux frontières avec la Suisse et l’Espagne, où les stations de ski ouvrent cette semaine. Emmanuel Macron a parlé de «mesures restrictives et dissuasives» destinées à décourager les Français.

Pression extérieure

Quel est l’impact de la pression extérieure sur la Suisse? Le petit pays peut-il se permettre de contrarier ses grands voisins et de mettre en péril ses bonnes relations? Cela vaut-il la peine de se battre si farouchement pour une saison de ski qui ne sera probablement pas l’une des meilleures? Nous en avons parlé avec Hans Wicki, sénateur du canton de Nidwald et président des Remontées Mécaniques Suisses, l’association faîtière nationale de la branche.

SWI swissinfo.ch:La saison de ski suisse est prise entre deux feux. D’une part les pays voisins, qui veulent fermer ou restreindre fortement l’activité des domaines skiables; d’autre part, les cantons de montagne et les remontées mécaniques suisses, qui veulent le moins de restrictions possible. Comment vivez-vous ce tiraillement?

Hans Wicki: Il y a derrière tout cela des intérêts divergents entre le ministre de la Santé, qui s’engage pour la santé et veut surmonter la pandémie le plus rapidement possible, et les personnes qui représentent les employés des stations de ski. Les deux parties sont légitimes et ont le droit de se battre pour leur cause. Il n’y a rien de répréhensible à cela.

Comprenez-vous aussi les préoccupations des pays voisins?

Bien sûr. En Italie, où les stations de ski vont rester fermées jusqu’à la fin janvier, les Championnats du monde de ski auront lieu en février. Les stations de ski devront alors avoir rouvert. Les Italiens veulent donc réduire le plus possible le nombre de cas jusqu’à la compétition. En France, le ski est un peu élitiste. Et l’État français n’a jamais été favorable aux choses élitistes.

Mais une telle pression de l’étranger sur les décisions politiques suisses est plutôt exceptionnelle, non?

La pression de l’étranger a été amplifiée par les médias. Il est possible qu’elle ait été plus forte que d’habitude au Département fédéral de l’Intérieur et au Département fédéral des Affaires étrangères, mais les autres départements n’ont pratiquement rien remarqué. La Suisse n’a jamais adopté les mêmes mesures de lutte contre la pandémie que l’UE ou les pays voisins. Ce n’est pas le moment de commencer avec les stations de ski.

Avec l’Autriche, la Suisse a un allié au sein de l’UE sur cette question. Y a-t-il eu concertation entre les deux pays?

Non, délibérément. Nous avons décidé de suivre notre propre voie. En outre, la situation en Autriche n’est pas comparable à celle de la Suisse. Au Tyrol, la capacité des remontées mécaniques est limitée à 50%. Mais 94% des skieurs qui y séjournent habituellement viennent de l’étranger. Et malgré la restriction, il reste assez de capacité pour les 6% de skieurs domestiques.

La Suisse ne perdra que 8 à 12% de ses skieurs si elle ne reçoit plus de touristes étrangers. C’est pourquoi une limite de capacité de 50 % serait bien trop drastique pour nous. Nous nous sommes battus contre cela.

Ne craignez-vous pas que ce désaccord ait fait des dégâts?

Je ne pense pas qu’il y ait eu de pots cassés. Le ton a toujours été correct. Il appartient maintenant à nos conseillers fédéraux et au Département des Affaires étrangères d’entretenir les relations et de tirer parti de cette affaire. Si une relation devait s’effondrer pour cela, c’est qu’elle reposait sur des bases très fragiles.

«Je ne pense pas qu’il y ait eu de pots cassés.»

D’autres secteurs ont dû être mis à l’arrêt. La branche des remontées mécaniques a-t-elle fait un meilleur lobbying?

Jusqu’à présent, les remontées mécaniques suisses n’ont pas connu d’événement de super-propagation. En outre, il faut les mettre sur un pied d’égalité avec les transports publics. Quelle est la différence entre prendre un tramway ou une télécabine?

Une des choses qui nous a aidés est le fait que le ski est un sport populaire ici. Nous avons pu nous adresser à un grand nombre de personnes et les convaincre. Cette alliance diversifiée nous a permis de faire valoir nos intérêts au Conseil fédéral et au Parlement.

Actuellement, le monde politique effectue constamment une pesée d’intérêts entre la lutte contre la pandémie et l’économie. Comment ce compromis se fait-il au Parlement fédéral?

Nous sommes d’accord sur le fait que nous devons contenir le virus. Mais quand il s’agit de savoir comment, je constate un décalage entre le Conseil fédéral et le Parlement. Le conseiller fédéral Alain Berset pense que tout ce qui touche aux loisirs devrait être supprimé. J’ose douter que ce soit la bonne approche, tout comme une majorité au Parlement.

Comment expliquez-vous ces différences de positions? Cela a-t-il principalement à voir avec la personne d’Alain Berset?

C’est certain. Monsieur Berset décide aussi de la composition de la Taskforce Covid-19. Celle-ci procède actuellement à une évaluation purement épidémiologique de la situation. Il s’agit de réduire les contacts. Et pour la taskforce, réduire les contacts signifie: plus de loisirs. Cela a des conséquences économiques et psychiques. Et cela a aussi des conséquences en ce qui concerne l’acceptation des mesures. Dans une démocratie, si je dis à la population «vous n’avez plus le droit de faire ceci ou cela», la question qui vient automatiquement c’est: «pourquoi?». Si je ne peux pas lui donner une réponse cohérente, la population ne sera pas d’accord.

Vous faites appel au bon sens des gens?

Nous avons récemment été invités à une fête avec quatre familles et douze personnes. Nous avons décidé de nous-mêmes de ne pas y aller. La taskforce et le Conseil fédéral ne croient pas à ce bon sens; moi si. Bien sûr il y a toujours 5 ou 10 pourcents d’incorrigibles. Mais ce n’est pas pour autant que vous devez sanctionner 90% des gens.

Je me bats pour que ceux qui ne respectent pas les règles soient punis. Nous devons être beaucoup plus cohérents. Par exemple, si une station de ski organise des soirées d’après-ski sans autorisation, elle doit fermer. Mais aucune station de ski que je connais ne veut de tels événements. Un autre exemple: si 200 des 20’000 hôtes de Zermatt font n’importe quoi, je dois les punir eux et non pas les 99% qui se comportent correctement.

«Aucune station de ski que je connais ne veut de soirées d’après-ski.»

Qu’attendez-vous de cette saison sur le plan économique?

Ce sera une saison difficile. Tant que le climat ne s’améliorera pas du côté du Conseil fédéral, nous nous attendons à ce que de nombreux Suisses se tiennent loin des pistes en raison de craintes infondées. Outre le fait que les étrangers sont pratiquement absents. Et le risque pourrait encore augmenter pour certains domaines skiables si la météo n’est pas au rendez-vous.

Une piste de ski
Hans Wicki s’attend à ce qu’il n’y ait pratiquement pas de skieurs étrangers sur les pistes suisses cette année. tvsvizzera

Cela pose la question des restrictions de capacité: si vous vous attendez de toute façon à recevoir moins de visiteurs, l’industrie n’aurait-elle pas pu simplement les accepter pour en finir avec la polémique?

Je ne pense pas que le nombre de visiteurs serait toujours resté dans les limites de capacité. Ces dernières auraient été décidées sur la base des cinq derniers hivers – parmi lesquels trois ont connu un enneigement plutôt faible pendant la période des Fêtes. Mais la principale raison de notre opposition était que la limite de capacité ne peut pas être contrôlée sur un domaine skiable. Dans de nombreux endroits, il est possible de redescendre jusque dans la vallée à skis. Comment les remontées mécaniques sont-elles censées savoir qui se trouve encore sur le domaine?

Le deuxième point est le suivant: comment suis-je censé dire à un client régulier possédant un abonnement saisonnier qu’il n’est plus autorisé à utiliser les remontées mécaniques? Après tout, les remontées mécaniques ont une obligation de transport. Ce que nous pouvons garantir, c’est une limitation de la capacité à bord des télécabines. Même si, finalement, cela allonge la file d’attente et ne fait que déplacer le problème. Notre souhait était de pouvoir utiliser 80% de la capacité disponible des télécabines, finalement télécabines et téléphériques ne pourront être remplis qu’aux deux tiers. Nous devons vivre avec et faire de notre mieux.

On a encore vu récemment une longue file d’attente à Engelberg, dans le canton d’Obwald.

Nous avons des télécabines de 8 places au Titlis. Mais à cause de l’insécurité générale, de nombreuses personnes ne voulaient monter qu’à deux. Dans ce cas il est difficile de faire monter plus de gens dans les télécabines, même si le règlement permettrait d’y mettre cinq personnes. Il y aura des tâtonnements pendant les premières semaines. Il y aura toujours de nouveaux défis à résoudre. D’ici la fin décembre, nous aurons maîtrisé les nouveaux processus.

Vous le dites vous-même: les gens se sentent mal à l’aise quand ils doivent s’asseoir à cinq dans une télécabine…

Comment pourrait-il en être autrement, puisque le Conseil fédéral met en garde contre le ski et appelle à la prudence constamment? A-t-il déjà recommandé de ne pas prendre les transports publics? Jamais. Pourtant les trams sont bondés chaque matin. Le risque d’infection y est certainement plus grand que dans une télécabine avec les fenêtres ouvertes. Les citoyens sont influencés par le débat qui a cours actuellement. Les médias jouent également un rôle important. Êtes-vous sûr que votre couverture est objective?

C’est pourquoi nous vous laissons la parole en ce moment.

Je vous en suis reconnaissant. Je n’essaie pas d’édulcorer la réalité: il y aura des problèmes. Il y aura un groupe, quelque part, qui ne respectera pas les règles et fera quelque chose de stupide. Il faudra alors se demander: est-ce qu’il s’agit de la norme, ou seulement de quelques personnes qui ne veulent rien comprendre? Ou parle-t-on d’une situation temporaire, d’un court moment durant lequel le système a été saturé? Quand cela se produit en bas d’une remontée mécanique, on a temporairement une longue file d’attente. Est-ce vraiment si grave?

Je connais des téléskis où l’espace pour faire la queue est très étroit. Il est difficile d’y respecter la distance physique.

Dans la file, tout le monde doit porter un masque. Les skieurs portent en plus des casques, des lunettes et des gants. Comment peut-on être infecté? Dans le tram, personne ne porte de gants ou de lunettes. Personne ne comprend pourquoi il faut respecter un mètre de distance lorsqu’on fait la queue à l’extérieur.

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