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Sous le feu des critiques, Glencore entrouvre la porte

Basée à Zoug, Glencore est l'entreprise qui réalise le plus gros chiffre d'affaires en Suisse. Keystone

Numéro un du négoce des matières premières, Glencore a annoncé jeudi son intention d’entrer en Bourse et de mettre fin à 40 ans de très grande discrétion. Une opération qui doit surtout lui permettre de lever jusqu’à 12 milliards de dollars dans un secteur en plein boom.

Basé dans le canton de Zoug, Glencore s’est établi comme un géant du négoce de pétrole, de minerais, de métaux et de produits agricoles depuis sa création par le trader March Rich en 1974. Vendue pour 600 millions de dollars en 1993, la multinationale a aujourd’hui atteint une dimension phénoménale. Sa valeur est estimée à 70 milliards de dollars.

La mise en vente de 15 à 20% de son capital-actions annoncée jeudi revêt une grande importance. Pour deux raisons. Elle représente tout d’abord l’une des plus importantes transactions sur les marchés de Londres et de Hong-Kong, où seront levés les fonds. Elle déplace ensuite partiellement le contrôle de la société privée dans des mains publiques, bien que ces derniers soient avant tout de grands investisseurs institutionnels, comme les hedge funds (fonds de placement spéculatifs) et les fonds souverains.

Le géant des matières premières sera désormais contraint de rendre public les détails de son activité. «Une introduction en bourse est le pas logique suivant de notre développement et de notre stratégie», a déclaré le CEO de Glencore, Ivan Glasenberg, jeudi dans un communiqué.

D’autres suivront-ils?

On s’attend à ce que l’injection de milliards de dollars dans Glencore soit utilisé pour la prise de contrôles et l’achat de nouveaux actifs, notamment des mines. Glencore n’a fait aucun commentaire au sujet d’un rachat possible du groupe minier Xstrata, dans lequel il détient déjà une majorité des actions.

Les initiés sont divisés quant à savoir si la cotation de Glencore servira d’exemple pour d’autres poids lourds actifs dans le négoce de matières premières, qui sont nombreux à avoir leur siège en Suisse et qui investissent massivement dans les mines et autres infrastructures.

«Cela pourrait marquer le début d’un phénomène nouveau», estime Joseph Di Virgilio, fondateur du fond Globus Capital Management à New York, et expert du marché des matières premières. «Glencore agit comme un leader sur le marché et beaucoup de concurrents vont observer cette transaction de très près. C’est un geste habile qui donnera le levier nécessaire à Glencore afin de financer d’autres affaires», affirme-t-il.

L’intention de Glencore d’entrer en Bourse a été l’un des secrets les moins bien gardés de l’industrie des matières premières durant ces 18 derniers mois. La multinationale a mis à nu ses intentions en testant l’appétit des marchés par l’émission de 2,3 milliards de dollars d’obligations en décembre 2009.

Cette émission d’obligations convertibles a connu un énorme succès  et peu d’investisseurs institutionnels ont au final pu obtenir le précieux papier monétaire. Une petite poignée de chanceux qui ont déjà vu leur investissement doublé depuis. En début d’année, Glencore a ensuite lancé un nouveau signal en restructurant son conseil d’administration pour se préparer à son entrée en bourse.

Critiques éthiques

L’espoir que cette entrée en bourse et la présence accrue sous les projecteurs force Glencore à changer sa stratégie dans les pays en développement risque d’être vite déçue, préviennent les observateurs. Sur son site internet, Glencore souligne qu’il porte une attention particulière aux droits de l’homme, à la sécurité des travailleurs et au respect de l’environnement. Mais les groupes de pression, notamment la Déclaration de Berne, ont constamment critiqué les manquements éthiques de la compagnie.

En 2008, Glencore a été couronnée société la plus irresponsable de la planète par les organisations non-gouvernementales en marge du Forum économique mondial de Davos (WEF).

Plus récemment, la multinationale a été accusée de violer les droits de l’homme en République démocratique du Congo. Et en début de semaine, la Déclaration de Berne, ainsi que d’autres ONG française, canadienne et zambienne, ont déposé une plainte auprès de l’OCDE et du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), pour exploitation et fraude fiscale en Zambie.

Glencore a nié toutes les charges, affirmant qu’elle travaillait à rectifier les mauvaises pratiques dont elle aurait pu hériter après l’achat de certaines mines, tout en dénonçant la critique comme étant basée sur des informations incomplètes et incorrectes.

Des matières premières «sexy»

Le patron de Glencore, Ivan Glasenberg, a clairement souligné que, malgré son entrée en bourse, la firme ne changera pas son comportement. «Cette entrée en bourse n’aura absolument aucun impact sur nos affaires», a-t-il déclaré au Financial Times britannique. Et d’ajouter: «Les investisseurs doivent se rendre compte que nous allons nous occuper de notre propre argent aussi bien que du leur».    

Andreas Missbach, de la Déclaration de Berne, ne nourrit pas trop d’espoirs: «Entrer en bourse ne signifie pas en soi que les sociétés doivent bien se comporter. Glencore n’a rencontré aucun problème lors de la vente de ses obligations, il semble que les investisseurs institutionnels ne soient pas trop concernés par la réputation de l’entreprise.» 

Pour Emmanuel Fragnière, professeur à la Haute école de gestion (HEG) de Genève et spécialiste du marché des matières premières, l’entrée en bourse de Glencore s’est décidée uniquement sur des critères économiques. «C’est une manière purement opportuniste d’attirer davantage de fonds, à la hauteur du boom des matières premières. Les dirigeants de Glencore veulent tirer profit de leur marque et du fait que le marché des matières premières est soudainement devenu très sexy pour les investisseurs».

Fondée en 1974, Glencore International AG dispose de 50 bureaux établis dans une quarantaine de pays différents, où elle emploie plus de 2700 collaborateurs.
 
Elle possède également, directement ou indirectement, des exploitations dans 30 pays, où elle emploie près de 55’000 personnes.

Glencore possède en propre une grande partie de ses actifs dans le zinc, le cuivre, le plomb, l’aluminium, le pétrole, le charbon, le coton, le tournesol, le blé et le sucre. Le géant dispose aussi de ses propres installations portuaires, d’entrepôts et d’une flotte de navires.
 
Glencore est l’entreprise qui fait le plus gros chiffre d’affaires en Suisse. Celui-ci se montait en 2010 à 145 milliards de dollars.

Tirant profit des hausses de prix des matières premières et de l’appétit pour ces

dernières des pays émergents, le groupe a engrangé en 2010 un bénéfice net

de 3,8 milliards de dollars.
 
Elle est aussi présente entre autres dans le capital de Xstarta (34% du capital), lui aussi issu de l’empire de Marc Rich, et Rusal (9%).

La multinationale a annoncé jeudi son entrée en Bourse à Londres et Hong Kong. Cette opération, qui s’achèvera en mai, doit lui permettre de lever jusqu’à 12,1 milliards de dollars.

(Traduction de l’anglais: Samuel Jaberg)

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