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Votations fédérales du 26 septembre 2021

Taxer les plus riches, une idée qui n’emballe pas les Suisses

Thomas Bruchez, vice-président des Jeunes socialistes, à l'annonce des résultats sur l'initiative dite 99%. Keystone / Anthony Anex

Les citoyennes et citoyens helvétiques ont balayé dimanche dans les urnes une proposition qui visait à imposer davantage les revenus des plus riches. Un rejet qui s’inscrit dans une longue série de tentatives ratées de la gauche pour instaurer davantage d'équité fiscale.

Comme le prédisaient les sondages, l’initiative populaire «Alléger les impôts sur les salaires, imposer équitablement le capital» a subi une nette défaite dimanche en votation populaire. Le texte a été rejeté à près des deux tiers des voix (64,9%) et par la totalité des cantons. 

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Lancée par les Jeunes socialistes (JS), l’initiative dite 99% demandait de taxer à 150% au lieu de 100% les revenus du capital (intérêts, dividendes et revenus locatifs notamment) au-dessus d’un certain seuil. Le Parlement aurait dû fixer ce montant dans la loi d’application, mais le chiffre de 100’000 francs a été régulièrement avancé par les initiants.

Concrètement, cela signifie qu’une personne ayant perçu 150’000 francs en un an grâce au placement de sa fortune aurait été taxée sur un montant de 175’000 francs, et non de 150’000 comme c’est le cas actuellement. Les 100’000 premiers francs auraient été pris en compte au taux normal pour le calcul de l’impôt. En revanche, les 50’000 francs restants auraient été comptabilisés à 150%, soit 75’000 francs (1,5 x 50’000).

Cette assiette fiscale élargie aurait permis de rapporter près de dix milliards de francs par an dans les caisses de la Confédération et des cantons, selon les auteurs et autrices de l’initiative. Une manne supplémentaire qui aurait permis de réduire la charge financière des personnes à bas et à faibles revenus par le biais d’une baisse de leurs impôts ou d’un renforcement de certains services publics.

Préserver l’économie, un argument choc

Trop complexe, trop floue, trop radicale, trop dangereuse pour la prospérité du pays: l’initiative dite 99% n’a pas trouvé grâce aux yeux du peuple suisse. Malgré quelques coups d’éclat des militantes et militants de la jeunesse socialiste, qui ont notamment organisé des manifestations devant la villa d’Ernesto Bertarelli, héritier de Serono, et celle de Magdalena Martullo-Blocher, patronne d’Ems-Chemie, la campagne en faveur du «oui» a eu de la peine à décoller.

En face, un comité interpartis composé des sections jeunes du Centre Suisse, du Parti libéral-radical, de l’UDC et des Verts-libéraux a également tenté d’occuper le terrain, en déployant par exemple des banderoles dans des endroits stratégiques de plusieurs grandes villes suisses.

Fuite des investissements, fermeture de nombreuses entreprises familiales, menace sur la compétitivité de la Suisse: sur le fond, les arguments du camp opposé à l’initiative ont fait mouche dans un pays très attaché à sa liberté économique et qui sort d’une des pires crises conjoncturelles de son histoire. La droite et les milieux économiques n’ont pas eu besoin de recouvrir la Suisse d’affiches pour convaincre l’électorat de voter pour le statu quo.  

Réactions contrastées

«Nous nous réjouissons beaucoup de ce résultat très clair. C’était une attaque contre la classe moyenne en Suisse, contre les PME. En ce qui concerne la répartition des richesses, nous n’avons pas de problème en Suisse, la situation reste stable et positive. Il faut veiller à ce qu’elle le reste à l’avenir», a ainsi réagi Monika Rühl, présidente d’economiesuisse, la faitière des grandes entreprises helvétiques.

De leur côté, les Jeunes socialistes sont déçus mais estiment avoir atteint l’objectif avec cette initiative en suscitant une prise de conscience sur le problème des super-riches. «Pendant des semaines, nous avons réussi à installer les inégalités et la justice fiscale au cœur du débat public», ont-ils tweeté à l’issue du scrutin. 

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L’initiative dite «99%» comprenait trop d’incertitudes pour avoir la moindre chance de recueillir une majorité positive, commente Le Temps. «Elle ciblait formellement les personnes les plus riches du pays. Mais la fortune de ces contribuables est très volatile et peut aisément s’en aller sous des cieux fiscaux plus cléments. Par ailleurs, il y a, parmi ces gens, des investisseurs qui contribuent à doter la Suisse d’un réseau de start-up tout à fait performant», écrit le quotidien francophone. 

De la hausse ou non des inégalités

Pour lematin.ch, la Suisse a manqué ce dimanche une occasion de corriger en Suisse l’augmentation des disparités de richesse. «Le texte d’initiative était trop flou pour convaincre. Il s’en remettait finalement au Parlement pour décider des ‘modalités’ d’application. Étant donné la composition des Chambres fédérales, même si la population suisse l’avait acceptée, cette initiative aurait pu être totalement amortie», estime le site d’information en ligne romand. 

Durant la campagne, les deux camps se sont largement affrontés sur la question fondamentale de savoir si les inégalités progressaient ou non en Suisse. À gauche, on a surtout insisté sur le fait que le 1% le plus riche de la population possède désormais plus de 43% de la richesse totale de la Suisse. 

Les opposants et opposantes ont de leur côté insisté sur le fait qu’en Suisse les revenus sont répartis de façon plus équilibrée que dans la plupart des pays de l’OCDE. Un débat qui ne date pas d’hier et qui n’a certainement pas fini d’agiter la riche Suisse. 

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Une initiative dans le pipeline

C’est la troisième fois qu’une initiative élaborée par les Jeunes socialistes est soumise au vote et rejetée par le peuple. L’initiative «1:12», qui demandait que la rémunération des top managers ne soit plus de douze fois supérieure à celle des salariés les moins payés au sein d’une même entreprise, avait été refusée en 2013. Une autre initiative contre les spéculations sur les denrées alimentaires avait connu le même sort en 2016.

Pas de quoi toutefois décourager les jeunes militants et militantes de gauche. Une nouvelle initiative est déjà dans le pipeline. Il s’agira cette fois-ci de faire payer les plus riches pour la crise climatique. Concrètement, le texte, dont la date de lancement n’a pas été annoncée, veut limiter les grandes fortunes à 100 millions de francs et à utiliser tout l’argent qui dépasse pour financer une transformation économique et sociale.

«C’est certainement une des initiatives les plus radicales que nous ayons lancées, mais le problème est si urgent, si radical, qu’il faut trouver des solutions pour y faire face», a souligné le vice-président de la Jeunesse socialiste, Thomas Bruchez. 

Longue série d’échecs dans les urnes

Les initiatives de la gauche visant à taxer plus fortement le revenu ou le capital des plus riches ont de tout temps été accueillies froidement par le peuple helvétique. En 1922 déjà, l’électorat rejetait à près de 87% une initiative du Parti socialiste visant à créer un impôt direct unique sur la fortune ciblant les personnes physiques et morales possédant plus de 80’000 francs.

Le sujet a ensuite été longtemps absent des dimanches de votation avant de refaire surface au début du 21e siècle. En 2001, deux tiers des votantes et des votants rejetaient une initiative de l’Union syndicale suisse (USS) visant à créer un impôt de 20% au moins sur les gains en capital.

En 2010, pour mettre fin à la concurrence fiscale entre cantons, le PS échouait à 59,5% avec son initiative qui voulait instaurer un plancher minimum de 22% pour les impôts cantonaux des personnes physiques dont le revenu imposable dépassait 250’000 francs. Résultat quasi identique ensuite en 2014 pour l’initiative qui voulait mettre fin aux forfaits fiscaux pour les riches étrangers résidant en Suisse.

Enfin, dernier échec en date avant celui de ce dimanche: en 2015, une nette majorité du peuple (71%) enterrait une initiative socialiste qui voulait créer un nouvel impôt de 20% sur les successions de plus de 2 millions de francs pour financer l’assurance vieillesse et survivants (AVS).

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