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«Tout le monde possède des droits fondamentaux»

Mary Robinson devant le dessin de la charte des droits de l homme de l ONU
Illustration: Helen James / swissinfo.ch

Mary Robinson fut la première femme présidente d’Irlande avant d’occuper ce que certains appellent le job le plus difficile au sein de l’ONU: cheffe des droits humains. Portrait.

Ayant grandi en Irlande dans les années 1950, unique fille entourée de quatre frères, Mary Robinson se souvient avoir dû jouer des coudes. Ses parents lui ont toutefois toujours assuré qu’ils ne la traiteraient pas différemment de ses frères. Ce fut le cas, au sein de sa famille. Mais dans la société irlandaise, les choses furent différentes.

Lors de ses études de droit à Dublin, Mary Robinson plaide pour la levée de l’interdiction du divorce, pour la légalisation de la contraception et pour la dépénalisation de l’homosexualité. En 1969, à seulement 25 ans, elle se lance en politique et devient membre du Sénat irlandais, où elle poursuit son combat. Mais débattre à l’université et essayer de légiférer en faveur de ses idéaux s’avèrent deux choses très différentes.

Tout au long de l’année, SWI swissinfo.ch célèbre le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH). Cet ensemble de principes révolutionnaires est devenu le document le plus traduit au monde. L’actuel haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, le décrit comme «un document transformateur […] en réponse aux événements cataclysmiques de la Seconde Guerre mondiale».

Le tout premier chef des droits humains de l’ONU, l’Équatorien Jose Ayala Lasso, n’est pourtant entré en fonction qu’en 1994. Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour cette nomination, alors que la DUDH a été rédigée en 1948?

Dans notre podcast Inside Geneva, à écouter en anglais, nous vous proposons des interviews avec chacun et chacune des anciens et anciennes hauts-commissaires aux droits de l’homme (un poste parfois considéré comme le plus difficile au sein du système onusien) dans lesquelles ils et elles partagent leurs expériences, leurs succès et les difficultés rencontrées.

Mary Robinson se souvient d’une «indignation incroyable» et d’avoir «reçu des lettres très dérangeantes». Sans se décourager, elle poursuit son action, allant même jusqu’à porter certaines affaires devant la Cour européenne des droits de l’homme. Malgré l’opposition, Mary Robinson jouit d’une grande popularité et devient, en 1990, la première femme présidente d’Irlande.

Expérimentée, habituée à la critique, militante infatigable des droits et des libertés fondamentaux. Qui d’autre qu’elle Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, aurait-il pu nommer comme cheffe des droits humains? Pourtant, Mary Robinson hésite. Tous mes amis bien informés m’ont dit: «Tu sais Mary, moi je n’accepterais pas ce poste.»

Humiliation, épuisement et persévérance

Elle ne tient finalement pas compte de ce conseil et accepte le rôle en 1997. Rapidement, la réserve de ses amis s’avère justifiée. Son premier voyage est au Rwanda, où un génocide vient à l’époque de faire près d’un million de morts. Les Rwandais ont en mémoire l’incapacité de l’ONU à empêcher la violence, et Mary Robinson, qui s’était rendue au Rwanda en tant que présidente d’Irlande, se souvient: «Lorsque je suis arrivée avec ma casquette onusienne, on m’a en quelque sorte humiliée.»

Sans se décourager, elle poursuit son voyage en Ouganda, puis en Afrique du Sud (où elle se lie d’amitié avec Nelson Mandela). De retour en Irlande, elle se sent épuisée et démotivée, ne voulant même pas voir sa famille. «Je me souviens m’être dit que j’allais m’en sortir d’une manière ou d’une autre. Ce travail est impossible, mais je vais m’en sortir. Et les choses se sont améliorées», déclare Mary Robinson.

Quelques succès et de nombreux défis

Mary Robinson décide alors que la meilleure façon de promouvoir le travail des Nations unies en matière de droits humains est de se rendre dans le plus de pays possible. Elle retourne en Afrique et se rend en Chine – ce que la plupart des responsables des droits humains de l’ONU n’ont pas pu faire – et arrive même au Tibet.

Puis arrive un événement dont beaucoup espéraient qu’il permettrait à l’ONU de briller: la conférence mondiale contre le racisme, à Durban, en Afrique du Sud, en 2001.

Mary Robinson se rend à Téhéran pour une réunion préparatoire, et c’est là que les choses commencent à mal tourner. Ce n’est pas elle qui a décidé d’organiser cette réunion en Iran, et elle n’a pas non plus approuvé la formulation du document final, dont une partie a été largement considérée comme antisémite.

Conformément à la pratique habituelle de la bureaucratie onusienne, toutes les formulations litigieuses étaient entre crochets, signifiant qu’elles n’avaient pas été approuvées et, selon Mary Robinson, qu’elles «ne le seraient jamais». Néanmoins, Israël et les États-Unis sont furieux. La conférence de Durban commence dans la controverse et s’achève dans la débâcle, lorsque ces deux pays s’en retirent.

Aujourd’hui encore, Mary Robinson ressent de la douleur et de la frustration au sujet de cet épisode. Le document final de la conférence, affirme-t-elle, était visionnaire et définissait les principes de la lutte contre le racisme au sein des Nations unies. Mais elle a été accusée par une partie de la presse américaine et israélienne d’être antisémite, ce qui, selon elle, était si éloigné de la vérité qu’elle n’a même pas réussi à se défendre.

Mary Robinson quitte le poste de haut-commissaire aux droits de l’homme en 2002, mais elle continue de se consacrer aux droits humains, en se concentrant aujourd’hui sur le changement climatique.

«Les droits humains sont la solution. Nous devons comprendre que chacun possède ces droits fondamentaux, que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits», affirme-t-elle.

Traduit de l’anglais par Dorian Burkhalter

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