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UBS mise en examen en France

UBS avait ouvert sa filiale française en 1999. Reuters

La première banque suisse devra répondre devant la justice française de ses pratiques de démarchage pendant les années 2000. Un remake de l'affaire UBS aux États-Unis?

L’affaire UBS en France, démarrée en catimini il y a plus de trois ans, frappe le siège de la banque helvétique depuis hier. UBS Suisse a en effet été mise en examen jeudi soir en France pour démarchage bancaire illicite. La justice a aussi placé la banque sous le statut de témoin assisté pour blanchiment de démarchage illicite et blanchiment de fraude fiscale.

Les juges Guillaume Daïeff et Serge Tournaire soupçonnent l’établissement d’avoir mis en place un système de recrutement illégal de riches clients français pendant la décennie 2000. UBS devra s’acquitter d’une caution de 2,875 millions d’euros. La semaine dernière déjà, la filiale française de la banque avait été mise en examen pour les mêmes motifs.

«Cette mis en examen ne constitue qu’une base, un début, estime Antoine Peillon, journaliste à La Croix. Il y a aussi toute la dimension de «blanchiment en bande organisée de fonds obtenus à l’aide de démarche illégal», pour lequel UBS pourrait être inculpée dans les prochains mois.

Chargés d’affaires clandestins

Antoine Peillon fut l’un des premiers à s’intéresser aux pratiques très spéciales d’UBS France. «Dans son ouvrage Ces 600 milliards qui manquent à la France, enquête au cœur de l’évasion fiscale (Editions Le Seuil), Peillon détaille le système qu’aurait pratiqué la banque de 2000 à 2010.

On y découvre des chargés d’affaires suisses opérant clandestinement dans l’Hexagone, rencontrant de riches clients et notant leurs «prises» dans d’étranges «carnets du lait». Des carnets cachés dans des fichiers Excel intitulés «fichier vache». Une comptabilité secrète qui permettait, c’est du moins ce que les juges soupçonnent, de calculer les bonus des «chargés d’affaires».

«C’est la France qu’il fallait traire, a raconté au journal Le Monde Nicolas Forissier, responsable entre 2002 et 2009 de l’audit interne d’UBS France. La filiale n’était qu’un prétexte pour la collecte d’UBS Suisse.» Comme d’autres salariés en désaccord avec les pratiques de la banque, M. Forissier est licencié en 2010. Les ex-employés portent la bataille aux prud’hommes. L’affaire UBS France peut commencer.

1999: création d’UBS France.

2010: une dizaine d’anciens salariés contestent leur licenciement, demandent des indemnités ou se plaignent d’avoir été victimes de harcèlement moral. Ils reprochent à leur ex-employeur des mesures de rétorsion à la suite de la découverte ou de la dénonciation des pratiques d’aide à l’évasion fiscale.

 

2011: l’Autorité de contrôle prudentiel (l’organe de supervision des banques) et les Douanes judiciaires enquêtent sur les pratiques d’UBS.

 

2012: trois anciens cadres d’UBS France, dont un ex-directeur général, sont mis en examen, notamment pour blanchiment et recel de l’évasion fiscale.

 

2013: la justice adresse au fisc français une liste de 353 noms qui auraient été contactés par UBS. Paris envoie à Berne quatre demandes d’entraide administrative, pour savoir si ces personnes détiennent des comptes non déclarés en Suisse.

Contacts à Roland-Garros

Difficile de ne pas faire le parallèle avec l’affaire UBS aux Etats-Unis. C’est en effet dans les mêmes années qu’éclate le scandale américain et que le salarié Bradley Birkenfeld révèle des pratiques frauduleuses à la justice américaine. «Les mécanismes de démarchage aux Etats-Unis ont été rodés en France», estime Antoine Peillon.

D’après les ex-salariés licenciés, UBS approchait ses clients potentiels lors de manifestations culturelles ou sportives. Des contacts étaient noués lors du tournoi de tennis de Roland-Garros, à l’occasion d’un open de golf ou d’un concert, relations qui pouvaient se conclure par la création d’un compte chez UBS, en Suisse.

Jeudi, la banque a indiqué qu’elle entendait «continuer à coopérer avec les autorités en France en vue de trouver une solution, en conformité avec le cadre juridique en vigueur». UBS «ne tolère aucune activité visant à aider des clients à se soustraire à leurs obligations fiscales.»

«Brouillons préparatoires»

La semaine dernière dans Le Temps, le président d’UBS France Frédéric de Leusse expliquait l’usage des «carnets du lait». «Ces tableaux chiffrés n’ont jamais été dissimulés. Ce sont des brouillons préparatoires que tenait le responsable commercial de l’époque sous forme de tableau Excel. Il recensait les opérations apportées entre bureaux français ou d’un pays à un autre, entre collègues banquiers, avant leur inscription dans les ATA (Asset Transfer Adjustment).»

Les juges ont récemment communiqué au fisc français une liste de 353 personnes soupçonnées d’avoir détenu un compte en Suisse. Selon Antoine Peillon, les montants ainsi détournés au fisc français pourraient atteindre 850 millions d’euros.

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