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Un expert signait de fausses attestations pour Phoenix Ancient Art

Ali Aboutaam, directeur de la galerie Phoenix Ancient Art (au premier plan) et son frère Hicham, posent entre une statue d'Aphrodite Anadyomene, à gauche, et une statue en marbre d'une déesse de la collection Hope dans leurs bureaux à Paris. Bloomberg Via Getty Images / Bloomberg

Nouveau rebondissement dans l’affaire de la galerie genevoise Phoenix Ancient Art. Deux de ses intermédiaires viennent d'être condamnés par le Ministère public de Genève.

Passionné et collectionneur, B.M.* avait été initié à l’art par son grand-père et son père adoptif, dont il avait hérité des antiquités classiques et des objets africains. Sa réputation a grandi au fil des années. L’archéologue et ethnographe est finalement devenu un expert reconnu en Suisse, collaborant avec les douanes fédérales, le Musée d’art et d’histoire de Genève, des agences onusiennes, ainsi que le Musée d’ethnographie de Neuchâtel.

Tout s’écroule aujourd’hui, alors qu’il est âgé de 86 ans. Le procureur genevois Lobsang Duchunstang vient de le condamner pour faux dans les titres à une peine de 4500 francs d’amende avec sursis. Les faits ayant eu lieu entre 1992 et 2006 sont prescrits, mais pas ceux qui se sont déroulés jusqu’en 2016.

Relief égyptien

Selon l’ordonnance pénale entrée en force et consultée par Gotham City, l’expert a reconnu avoir établi une fausse facture de vente pour un «relief égyptien en calcaire» en 1992, ainsi qu’en 1997, pour une «chienne couchée sumérienne allaitant ses petits». En 2013, il rédige une fausse facture de vente pour une paire «d’idoles chypriotes en terre cuite peintes en rouge». En 2014, il établit un faux certificat de complaisance précisant la provenance et l’historique d’une statue de «Grand Duc» en marbre. Idem en 2016 avec une «Idole en pierre verdâtre».

L’ordonnance pénale indique que B.M. a agi «principalement dans le cadre de ses relations avec Ancient Phoenix Art et son administrateur Ali Abou Taam». En contrepartie, le collectionneur recevait des «services liés à sa passion pour les objets anciens».

Le 8 octobre 2015, il rédige pour Phoenix Ancient Art un faux certificat de vente pour une «main en bronze romaine». Lors d’une audition, il expliquera aux enquêteurs: «Ce mot me donnait tout le loisir de réécrire un historique pour cet objet, lequel devait provenir de feu Suleiman Aboutaam, lequel ne disposait d’aucune provenance. Par la suite, incité que j’étais, j’ai rédigé un document dans lequel j’ai reconstitué sur la base d’éléments véritables et vérifiables, une fausse provenance».

Ce n’est pas la première fois que la société genevoise Phoenix Ancient Art est liée à des affaires de trafic de biens culturels. Un cheikh du Qatar accuse la société devant la justice londonienne de lui avoir vendu un faux, comme Gotham City l’écrivait l’année dernière.

En juin dernier, un autre fournisseur d’Ali Aboutaam a été condamné par le parquet genevois pour avoir importé des objets archéologiques pillés au Moyen-Orient (lire aussi: «Trésors archéologiques pillés: un fournisseur d’Ali Aboutaam condamnéLien externe»).

Galaxie

La justice genevoise semble poursuivre ses recherches sur la galaxie liée au marchand genevois. En plus de l’expert, le procureur Lobsang Duchunstang vient également de condamner par ordonnance pénale le collectionneur allemand Roben Dib, directeur de la galerie Dyonisos à Hambourg, en Allemagne. Le nom de cet homme apparaît dans la presse internationale, car il est accusé d’avoir participé au trafic d’un précieux sarcophage égyptien.

Dans l’ordonnance pénale genevoise datée du 18 octobre 2021, entrée en force et que Gotham City a consultée, il est question d’une lampe à huile que le galeriste allemand transportait dans sa poche lors de son arrestation à Veyrier, à la frontière entre la France et la Suisse, le 20 décembre 2016.

Un chauffeur était venu le chercher à Annecy dans une voiture appartenant à Phoenix Ancient Art. Sur le moment, le galeriste avait expliqué qu’il venait en Suisse pour «rencontrer une fille» et qu’il transportait la lampe avec lui car il venait d’avoir un rendez-vous à ce sujet à Paris pour la faire restaurer. L’objet a été séquestré.

Le Ministère public vient de condamner Roben Dib à 4000 francs d’amende avec sursis, ainsi qu’à une amende ferme de 1000 francs, pour infraction à la Loi sur le transfert international des biens culturels. Une expertise a confirmé que la lampe avait une «qualité muséale» et a évalué son prix entre 10’000 et 15’000 francs.

B.M. était défendu par Sarah Pezard et Roben Dib par Daniel Schutz. Contactés, les avocats n’ont pas souhaité s’exprimer.

*Nom connu de la rédaction

Gotham City

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