Une dette publique élevée empêche les taux d’intérêt d’augmenter
Reto Lipp, expert en économie pour la Radio Télévision Suisse alémanique, ne s'attend pas à une hausse prochaine des taux d'intérêt, que ce soit aux États-Unis ou en Europe. Il estime que la dette nationale est trop élevée pour cela.
«La bourse a surmonté le coronavirus.» C’est ce qu’affirme Reto Lipp, expert en politique monétaire. Il travaille pour la Radio Télévision suisse alémanique (SRF) et est l’un des commentateurs économiques les plus influents du pays.
La reprise du marché boursier a été «étonnamment rapide», remarque le spécialiste. L’indice boursier américain «S&P 500» est actuellement supérieur d’environ 17% par rapport à son niveau de mars dernier. Reto Lipp estime que ce résultat est possible grâce à la «structure économique intacte».
Une structure économique intacte et des mesures d’aide gouvernementales soutiennent le marché boursier
Ce n’est toutefois pas la seule explication à la forte hausse des indices boursiers. Les «programmes fiscaux complets» des gouvernements y ont également contribué, selon l’expert en économie. L’État allemand, par exemple, s’est endetté à près de dix pour cent de son produit intérieur brut pour amortir les conséquences économiques de la crise du coronavirus. «Les investisseurs se sont dit: «Si les gouvernements nous viennent en aide, nous pouvons continuer à acheter des actions», explique Reto Lipp. Cela a permis de stabiliser les prix des actions.
Mais ce boum boursier a également eu des effets négatifs, relève le commentateur économique. D’une part, l’envolée des cours des actions exacerberait les inégalités dans la répartition des richesses. D’autre part, les nouveaux records sur les marchés boursiers mettent en danger la stabilité financière, selon Reto Lipp. Il appelle cela les «dommages collatéraux des faibles taux d’intérêt».
La hausse des taux d’intérêt pourrait entraîner un krach boursier
Mais les effets secondaires des faibles taux d’intérêt ne peuvent être corrigés aussi facilement, surtout pas en augmentant les taux. «Si les taux d’intérêt devaient augmenter prochainement, la hausse boursière pourrait se terminer par un krach», avertit Reto Lipp.
Toutefois, le journaliste économique ne pense pas qu’une hausse des taux d’intérêt se produira bientôt. Augmenter les taux n’est pas si facile. L’expert cite l’exemple de la Réserve fédérale américaine. Entre 2015 et 2019, elle a relevé son taux directeur en plusieurs étapes, de zéro à 2,5%. «Ça a complètement foiré. Les marchés sont devenus fous», observe Reto Lipp.
Le niveau élevé de la dette publique plaide également contre un redressement des taux d’intérêt dans un avenir proche, affirme Reto Lipp. La dette est si importante, note ce dernier, que les banques centrales ne peuvent pas se permettre d’augmenter les taux.
Cela deviendrait un problème, surtout si l’inflation devait augmenter, explique le journaliste. Pour l’instant, l’inflation est de toute façon trop faible dans le monde entier. D’ailleurs, la Banque centrale européenne souhaite porter le taux d’inflation (actuellement à 0,9%) à deux pour cent. La Banque Nationale suisse aussi souhaiterait avoir une inflation un peu plus élevée, au moins zéro pour cent. Actuellement, elle se situe à moins 0,5%.
La mondialisation maintient l’inflation à un faible niveau
Reto Lipp estime qu’il pourrait y avoir «un peu plus» d’inflation après la crise. Dans ce cas, la question se poserait soudainement de savoir si les banques centrales augmenteraient réellement leurs taux d’intérêt. Si ce n’était pas le cas, les prix pourraient augmenter sensiblement.
«Si les taux d’inflation devaient augmenter fortement, les banques centrales auraient un problème», avertit le spécialiste. Elles sont en effet obligées de maintenir des prix stables. Une hausse des prix signifierait, par exemple, que les retraités pourraient se permettre de moins en moins de choses avec leurs rentes AVS inchangées.
Il y a toutefois de bonnes raisons de ne pas parier sur une inflation excessive maintenant, affirme Reto Lipp. Un facteur important continuera à maintenir l’inflation à un faible niveau: la mondialisation.
«L’inflation n’augmente que si les salaires augmentent, mais les salaires n’augmenteront pas.» Reto Lipp en est persuadé. En Allemagne, par exemple, il y a tout simplement trop de chômeurs, souligne-t-il. À cela s’ajoutent les «millions de travailleurs des pays asiatiques» qui travaillent moins cher que les Européens.
Pas de pression inflationniste, une dette nationale élevée et des marchés financiers instables. Le journaliste économique ose une prédiction: «Les taux d’intérêt bas vont se maintenir pendant quelques années encore.»
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