Une loi moderne, pour des médias suisses forts et innovants
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Fathi Derder
Un système mieux adapté à la réalité, la fin des contrôles coûteux et casse-pieds, une charge administrative sensiblement réduite: la révision de la loi sur la radio et la télévision a tout pour plaire au député libéral-radical Fahti Derder. Cet ancien journaliste du service public estime que le référendum lancé par l’Union suisse des arts et métiers (USAM), organisation faîtière des PME du pays, a été lancé uniquement à des fins politiques.
Le vote du 14 juin sur la loi sur la radio et la télévision (LRTV) a une double portée. La première, la plus visible, est une modification de la perception de la redevance radio-télévision. La seconde, d’une plus grande ampleur, touche au paysage médiatique suisse dans son ensemble, et sa place dans une concurrence internationale féroce.
Commençons par le premier volet, le plus visible. La modification de la loi part d’un constat: le système de redevance actuel n’est pas adapté à la réalité. Aujourd’hui, nous regardons la télévision sur notre ordinateur ou une tablette. La redevance classique liée à la possession du bon vieux «poste TV» est obsolète et inéquitable. Il fallait un nouveau système. Le Parlement a ainsi logiquement changé la loi fédérale sur la radio et la télévision à l’automne 2014.
Point de vue
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Et l’option choisie est bonne: elle s’adapte aux modes de consommation moderne, et permet de réduire la charge pour les ménages privés. Mieux, le montant de la redevance de réception baissera également pour la majorité des entreprises. En clair, la redevance est moins chère et plus juste. C’est du win-win. Autre avantage de la nouvelle loi, les contrôles à domicile de Billag disparaîtront. La redevance s’applique indépendamment du nombre et du type d’appareils de réception. Grâce à cette simplification, il ne sera pas nécessaire de procéder à des contrôles coûteux et casse-pieds dans les ménages et les entreprises. La charge administrative est ainsi sensiblement réduite.
En résumé, nous passons d’un système archaïque, coûteux et injuste, à un système moderne, meilleur marché, moins bureaucratique, et plus équitable. Un changement bénéfique pour tout le monde. Et pourtant, nous allons devoir voter: l’Union suisse des arts et métiers (USAM) a en effet décidé de lancer un référendum. Pour quelle raison? Les PME seraient-elles pénalisées? Pas du tout. Au contraire, les entreprises de moins de 500’000 francs de chiffre d’affaires sont exemptées. Du coup, 75% des entreprises ne paient plus de taxe audiovisuelle et 10% paient moins qu’actuellement. En clair, plus de 80% des entreprises (et quasiment toutes les PME) profitent de la nouvelle loi.
Ce que certains membres de l’USAM ont parfaitement compris: la fédération de l’hôtellerie et de la restauration GastroSuisse a procédé à une analyse poussée de la situation. Et contrairement à la direction de l‘USAM, elle soutient la nouvelle LRTV. GastroSuisse est ainsi sur la même ligne qu’Economiesuisse, et que tout patron ayant pris le soin d’étudier le texte.
C’est un combat sans intérêt pour les PME, à l’heure où elles luttent contre le franc fort, les contingents, la bureaucratie rampante et la menace d’un impôt sur les successions. Dans ce contexte, une interrogation s’impose: pourquoi l’USAM se lance-t-elle dans un combat inutile contre une loi bénéfique pour tout le monde? L’explication est politique. La guerre contre la SSR est un cheval de bataille de la droite conservatrice du parlement – l’UDC, pour être précis. Et pour la direction de l’USAM, passée depuis quelques années sous le contrôle de l’UDC, c’est un combat de principe, un combat dogmatique contre «l’Etat tout puissant». Mais ce combat est pour le moins paradoxal. Car – outre toutes les raisons déjà évoquées – c’est un combat contraire aux valeurs défendues par l’UDC.
« Nous passons d’un système archaïque, coûteux et injuste, à un système moderne, meilleur marché, moins bureaucratique, et plus équitable. »
Premièrement, la redevance renforce la cohésion nationale en finançant les programmes dans toutes les langues, en Suisse romande, au Tessin, et dans les Grisons. Et les radios et télévisions privées de toutes les régions profitent également de la loi, et de sa révision. Mais surtout, une Suisse libre et souveraine, comme la rêve l’UDC, aura besoin d’un service public fort dans les médias. L’avenir de la place médiatique suisse est en jeu.
A l’heure de la numérisation et de la mondialisation, les médias traversent une période de turbulences et de sévère remise en question, avec une concurrence nouvelle venue de la Silicon Valley. Les concurrents de la SSR ne seront plus Tamedia ou Ringier, ni même TF1 ou RTL. Demain, la concurrence aura un autre acronyme: GAFA. Google, Apple, Facebook, et Amazon. Les médias sont un domaine d’avenir, «GAFA» l’a compris. Mais dans la révolution technologique et industrielle en cours, l’avenir est à ceux qui sauront anticiper les nouveaux modes de consommation et de production de l’information, et inventer les modèles de demain. Seuls les plus innovants survivront.
Dans ce contexte, la Suisse a impérativement besoin de médias forts et innovants. Les éditeurs privés semblent malheureusement avoir abandonné ce terrain: Tamedia mise sur le commerce en ligne et le rachat de sites comme Ricardo. Et les signaux ne sont pas plus enthousiasmants chez les autres éditeurs. Dans ce contexte, la SSR apparaît comme le seul média réellement innovant en Suisse (avec Swisscom, pour être précis). Si nous voulons combattre l’hégémonie de Google et consorts, et garder des médias indépendants, économiquement viables, et libres, la Suisse a besoin d’une SSR forte. Elle est aujourd’hui un atout pour la Suisse. Pour sa souveraineté, mais également pour sa capacité d’innovation. Accepter la nouvelle LRTV, c’est soutenir une Suisse forte et innovante.
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Le peuple vote le 14 juin sur la révision de la Loi sur la radio et la télévision. Pour ses détracteurs, cette révision représente un nouvel impôt pour financer la SSR. Pour ses partisans, il s’agit d’une taxation plus juste et plus adaptée aux nouvelles habitudes de consommation.
«Il est judicieux de passer d’un système où l’on taxe l’utilisation d’un récepteur à un système où l’on taxe chaque ménage. De nos jours, en effet, on ne capte plus les émissions uniquement avec des transistors et des télévisions, mais également avec plein d’autres appareils dont nous avons presque tous un exemplaire en poche», déclare le député libéral-radical (PLR / droite) Kurt Fluri, partisan de la révision.
«Avoir la possibilité technique de visionner quelque chose sur sa tablette ou son smartphone ne veut pas dire qu’on va effectivement le faire. Il est purement et simplement injuste que cette redevance se transforme de fait en un nouvel impôt», rétorque le conseiller national démocrate du centre (UDC / droite conservatrice) Roland Büchel, qui s’oppose à la révision.
De quoi s’agit-il? En principe, quiconque veut regarder la télévision ou écouter la radio en Suisse doit payer une redevance. La majeure partie de l’argent récolté revient à la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SRG SSR), dont fait aussi partie swissinfo.ch. En contrepartie, la SSR a un mandat de service public, ce qui signifie qu’elle doit utiliser cet argent aussi dans les zones linguistiques moins peuplées (les zones de langue française, italienne et romanche). La révision ne change rien à ce principe de base.
Règlementation dépassée
Actuellement, les ménages ne possédant pas de radio ou de télévision peuvent être dispensés de la redevance. Billag, la société chargée de la percevoir pour le compte de la Confédération, peut effectuer des contrôles pour déterminer si les ménages qui le doivent passent bel et bien à la caisse. Les resquilleurs payent une amende. Quant aux entreprises, elles doivent aussi payer la redevance, sauf si elles déclarent n’avoir ni radio ni télévision.
Pour le gouvernement et une majorité du Parlement, cette règlementation est dépassée et anachronique. En effet, il y a bien longtemps déjà que les émissions de télévision et de radio peuvent être aussi captées avec un ordinateur, une tablette ou un smartphone. Le passage à un système où la taxation se fait indépendamment du type d’appareil de réception est donc logique, nécessaire et conforme à l’époque, plaident-ils
Un nouvel impôt?
Le Parlement a accepté la révision de la Loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV) le 26 septembre 2014, par 137 voix contre 99 et 7 abstentions. Cela signifie que tous les ménages et toutes les entreprises devront à l’avenir payer la redevance. Une exemption est toutefois prévue pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 500'000 francs, pour les bénéficiaires de prestations (sociales) complémentaires et pour les personnes résidant dans une maison de retraite. Par ailleurs, les ménages qui peuvent prouver qu’ils n’ont ni radio, ni télévision ni Internet pourront encore être exemptés de redevance pendant cinq ans.
La brochure explicative fait débat
Les explications du Conseil fédéral concernant la redevance radio-tv ne sont pas du goût de l'Union suisse des arts et métiers (USAM). L'association économique, qui fait feu de tout bois depuis des mois contre la généralisation de la taxe, a déposé plainte contre le texte de la brochure explicative du Conseil fédéral.
L'USAM, qui a lancé le référendum contre cette révision de la loi et qui n'accepte entre autres pas que les entreprises continuent d'être assujetties, crie au mensonge. Selon elle, les «indices montrent clairement que la SSR aura besoin à l'avenir de recettes accrues» et que la redevance «atteindra 1000 francs par an et par ménage», a-t-elle indiqué dans un communiqué.
Selon elle, cette information est objective. Pour l'USAM, pas question d'ajouter «selon le comité référendaire» à l'affirmation d'un risque de hausse. La Chancellerie fédérale rejette catégoriquement les accusations de l'association. Elle n'a fait que s'assurer que les citoyens sachent qui est à l'origine de l'estimation sur le développement de la taxe, a-t-elle indiqué à l'ATS.
Source: ATS
Mais l’Union suisse des arts et métiers (USAM) – l’organisation faîtière des PME suisses – a lancé avec succès le référendum, raison pour laquelle le peuple doit se prononcer le 14 juin. Selon l’USAM, l’Etat veut introduire un «nouvel impôt médiatique» avec ce changement de système. «Peu importe si quelqu’un possède un appareil de réception, s’il suit des émissions de radio ou de télévision et même s’il est en mesure d’entendre ou de voir les programmes; tout le monde doit payer ce nouvel impôt forcé», dénonce l’organisation.
Concrètement, l’USAM s’élève contre le fait qu’à l’avenir, les entreprises soumises à la redevance seront enregistrées par le biais du registre des entreprises soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et les ménages par celui du contrôle des habitants. Beaucoup d’entreprises ne payent jusqu’à présent pas la redevance. Avec le changement de système, toutes devront à l’avenir le faire, dénonce l’organisation.
Une vision des choses contestée par les partisans de la révision. Selon eux, 75% des entreprises ne payeront pas la redevance, étant donné qu’il faut un chiffre d’affaires d’au moins 500'000 francs par an pour y être assujetti. Par ailleurs, le changement de système entraîne une répartition plus favorable aux consommateurs, selon eux.
Moins chère
Le changement de système devrait être financièrement neutre. Ce que les entreprises payeront en plus devrait être compensé par une baisse de la redevance pour les ménages, qui passera de 462 francs par an actuellement à environ 400 francs, prévoit le gouvernement.
Les adversaires de la réforme critiquent le fait que la hausse ou la baisse du montant de la redevance reste de la compétence du gouvernement. Ils s’attendent à ce que son prix augmente au cours des prochaines années.
«C’est très clairement un nouvel impôt que l’on nous vend sous son jour le plus favorable en disant qu’il ne coûte que 400 francs. Mais ce n’est écrit nulle part dans la loi. Or l’expérience des années passées montre que le gouvernement a tendance à augmenter les taxes», déclare Roland Büchel.
Les partisans de la réforme rétorquent que l’augmentation durable de la population implique logiquement le maintien d’une redevance basse. «Une redevance n’est pas un impôt. Une redevance doit correspondre aux prestations. Si les revenus augmentent en raison du développement démographique, la redevance doit alors être abaissée», argumente Kurt Fluri.
Double imposition
Cet «impôt forcé» est une «arnaque» et équivaut à une «double imposition», dénonce l’USAM. «Tout le monde devra payer en tant que personne privée. Les entrepreneurs, les dirigeants mais aussi les collaborateurs d’entreprises même modestes seront doublement ponctionnés», critique l’organisation.
Pour la partie adverse, il est «juste et approprié» que les entreprises passent aussi à la caisse. «Si l’on voulait suivre la logique de l’USAM, les entreprises devraient alors être exonérées de tous les impôts, taxes et redevances», relèvent les partisans de la réforme.
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