Une nouvelle compagnie dans un ciel agité
En décollant mardi avec une nouvelle entité régionale, dit l'expert Sepp Moser, Swiss cherche aussi à régler le conflit qui l'oppose à ses pilotes et aux syndicats.
Créée début septembre, Swiss European Air Lines a reçu la semaine dernière le feu vert de l’Office fédéral de l’aviation civile.
Propriété de Lufthansa, la compagnie aérienne Swiss affirme que cette réorganisation vise à faire des économies.
Mais l’expert en aéronautique Sepp Moser est convaincu qu’il s’agit surtout d’une manoeuvre pour contourner le syndicat allemand des pilotes (Cockpit) et pour tenter de régler les problèmes récurrents avec les anciens pilotes de Crossair.
Sepp Moser confie également à swissinfo que l’affaire pourrait bien finir devant la justice.
swissinfo: La création de Swiss European Air Lines est-elle une bonne idée?
Sepp Moser: C’est la dernière qui restait puisque l’intégration de l’ancienne Swissair et de sa filiale régionale Crossair a visiblement échoué.
Swiss rétablit maintenant la situation ancienne, où Swiss European Air Lines serait plus ou moins à Crossair ce que Swiss est à l’ancienne Swissair.
swissinfo: Pour quelle raison?
S. M.: La raison principale est d’éviter la ligne de mire du syndicat allemand des pilotes, Cockpit, qui affirme qu’il n’autorisera pas les pilotes de Swiss à manoeuvrer des appareils de plus de 100 places.
Cockpit bénéficie d’un contrat avec Lufthansa, lequel stipule qu’à quelques exceptions près, les appareils de plus de 100 places doivent être pilotés par des membres de Cockpit.
La question est maintenant de savoir – si l’intégration de Swiss et de Lufthansa se poursuit – si Cockpit acceptera Swiss European Air Lines en tant qu’entité indépendante.
swissinfo: Swiss veut faire accepter aux anciens pilotes de Crossair la signature de nouveaux contrats moins favorables. La création de Swiss European Air Lines permettra-t-elle de résoudre ce différend?
S. M.: Swiss a mis fin aux contrats de ces pilotes pour le 31 octobre. Selon la compagnie, ceux qui travailleront pour Swiss European Air Lines n’auront pas de convention collective de travail.
Mais il semble qu’elle ait oublié une ancienne jurisprudence selon laquelle, si une société travaille avec plusieurs contrats collectifs, les employés peuvent se rattacher à l’un ou l’autre s’il est mis fin à leur propre contrat.
Selon l’association suisse des pilotes – qui représente les ex-pilotes de Crossair – ses membres ont droit au même salaire et aux mêmes conditions que les anciens pilotes de Swissair et ne peuvent être licenciés avant la fin de 2006.
L’affaire finira certainement devant la justice et il faudra donc attendre son verdict.
swissinfo: La compagnie affirme que sa nouvelle entité lui permettra de faire des économies.
S. M.: C’est un prétexte. Swiss ne peut diminuer plus le salaire des pilotes de Swiss European Air Lines. La seule façon de faire réellement des économies se situe chez les anciens pilotes de Swissair (Swiss International Airlines), dont certains sont surpayés. Mais la compagnie n’en dit pas un mot.
swissinfo: Comment voyez-vous l’avenir de Swiss?
S. M.: Swiss veut devenir une filiale de Lufthansa, mais cela ne sera possible qu’à certaines conditions. Lufthansa avait souhaité que Swiss retrouve les chiffres noirs en 2006 et soit bénéficiaire dès 2007. Elle veut aussi que les problèmes avec les syndicats soient réglés d’ici là.
D’autre part, Swiss doit obtenir l’aval de la plupart des pays extra-européens, dont les Etats-Unis, de voler sous la bannière de Lufthansa.
La compagnie suisse est très en retard dans le calendrier de son intégration et il risque d’y avoir bien des déceptions.
Interview swissinfo, Matthew Allen
(Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger)
Swiss European Air Lines a reçu le feu de l’Office fédéral de l’aviation civile pour commencer ses activités le 1er novembre.
Swiss est le fruit de la fusion, en 2002, de la compagnie régionale Crossair et de Swissair, qui a fait faillite en 2001.
Depuis, Swiss a été en conflit avec les anciens pilotes de Crossair qui revendiquent les mêmes conditions salariales que leurs collègues de l’ex-Swissair.
Lufthansa a annoncé en mars qu’elle reprendrait Swiss.
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