Une société genevoise a capté le marché chinois
LEM Electronics est leader du marché des capteurs dans le monde, et également en Chine, où elle vient d'inaugurer sa nouvelle usine. Présente à Pékin depuis 20 ans, son succès est récent, dû à la confiance qu'elle a placée dans ses collaborateurs chinois.
Un drapeau suisse, un drapeau chinois, et celui de l’entreprise LEM qui inaugure sa nouvelle usine, dans le district de Shunyi, au nord de Pékin, à deux pas de l’aéroport. C’est une belle journée de septembre, un long tapis rouge mène au podium écarlate où se succèdent les discours, devant un parterre d’officiels venus célébrer le succès d’une entreprise suisse en Chine.
LEM Electronics est née voici 37 ans à Carouge, avec l’invention sur une table de cuisine d’un petit appareil électronique baptisé «capteur». Aujourd’hui, LEM emploie 900 personnes, à Genève, au Japon, en Russie, et surtout en Chine, où elle est implantée depuis 20 ans.
Pour les voitures hybrides
Visite guidée de l’usine. Les capteurs – de petits boîtiers – sortent des lignes de montage dont certaines tournent 24 heures sur 24, pour en produire plusieurs centaines de milliers par mois. Ils prendront place dans les trains, les tramways, les automobiles, les machines à laver, les climatiseurs, tous les appareils qui utilisent des moteurs électriques.
«Un tiers des voitures américaines sont équipées de capteurs LEM, estime Jean Hinden, directeur général pour la Chine. Sur le marché chinois, nous travaillons surtout pour les voitures hybrides et tout électriques.»
Le carnet de commandes est plein, LEM est leader du marché dans le monde. «L’Europe et les Etats-Unis sont encore à la peine, mais la Chine a surmonté la crise, confirme Jean Hinden. Ici, le marché domestique est en pleine croissance, on a repris comme en juillet de l’année dernière. On bénéficie du programme de relance chinois, et dans l’automobile des programmes de destruction de vieilles voitures… Ou encore de la relance des marchés de l’énergie éolienne et solaire, qui avaient aussi baissé vu que les liquidités n’étaient plus disponibles pour développer ces nouveaux projets.»
La clé du succès
Mais il n’est pas donné à tout le monde de réussir en Chine. Il a fallu 15 ans à LEM pour s’imposer. «Nous étions une toute petite entité, nous n’avions pas bonne réputation, la qualité des produits fabriqués en Chine ne suivait pas les standards de nos usines de Genève et du Japon», explique Jean Hinden.
«Il y a 5 ans, nous avons changé fondamentalement de stratégie, de direction et de manière de travailler». Et LEM, en 5 ans, de passer de 5% à 50% de parts de marché. «Grâce à nos vendeurs locaux. La clé du succès, c’est la confiance que l’on accorde à nos collègues chinois, soutenus par nos équipes internationales», poursuit le directeur.
«Pour réussir en Chine, il faut d’abord prendre le temps, et donc avoir de l’argent», estime Claudio Mazzucchelli, directeur du Swiss Business Hub pour la Chine.
«Lorsque vous signez un contrat avec des partenaires suisses, vous pouvez commencer la production. Mais si les partenaires sont chinois, la signature marque plutôt le début des négociations, le point de départ pour l’établissement d’un rapport de confiance avec, plus tard, peut-être, des affaires intéressantes qui se feront.
Et puis il y a la corruption et un cadre légal dont l’interprétation est moins cartésienne en Chine qu’en Europe. La Chine est un marché d’avenir, mais il est difficile, surtout pour les PME. Il faut avoir les reins solides pour parvenir à s’y implanter durablement», détaille Claudio Mazzucchelli.
Pas question de quitter la Suisse
Mission accomplie pour LEM, qui a misé en Chine sur une structure essentiellement chinoise. Jean Hinden: «Comme directeur général pour la Chine, je suis ici à 50%. Certains collègues viennent passer un mois, deux mois en Chine, depuis la Suisse. Parfois ils restent six mois ou un an, mais toujours pour soutenir les responsables locaux, pas pour imposer leurs vues, pas pour prendre les décisions.»
Pour que ce modèle soit viable, il est impératif d’engager des collaborateurs locaux de grande qualité, ce qui n’est pas chose facile. «Nous devons les former et leur confier des responsabilités. Mais il est vrai que le recrutement est l’une des tâches les plus ardues qui soit, tout comme il n’est pas facile de garder les bons collaborateurs», constate Jean Hinden.
LEM se porte bien en Chine, qui est devenu son principal centre de production. Mais pas question d’abandonner ses usines au Japon, en Russie, et encore moins en Suisse. A Plan-les-Ouates, LEM se concentre sur la recherche et l’innovation, tout en y conservant plusieurs lignes de production, surtout automatiques. Mais l’entreprise envisage aussi de développer son effort de recherche en Chine, en y doublant les capacités dans les 4 ans à venir.
Risqué pour des questions de propriété intellectuelle? «Oui, c’est vrai qu’on nous copie parfois, reconnaît Jean Hinden, mais les capteurs concurrents sont bien souvent moins fiables que les nôtres. Pour économiser un franc, vous mettez un capteur bon marché dans une voiture. S’il y a un problème, il faut rappeler des véhicules, le dommage se chiffre en millions. Chez nous, le taux de retour est proche de zéro.»
Alain Arnaud à Pékin, swissinfo.ch
Selon le Swiss Business Hub (SBH), entre 270 et 300 entreprises suisses sont présentes en Chine, principalement des PME, dont environ deux tiers avec une activité de production.
Elles emploient environ 55’000 personnes.
Après le boom des années 90, la ruée des entreprises suisses vers la Chine s’est quelque peu tassée, et la crise économique a légèrement ralenti les nouvelles implantations.
Le SBH et ses 10 collaborateurs offrent soutien et assistance aux entreprises intéressées par le marché chinois, et soutiennent aussi les entreprises chinoises qui veulent s’implanter en Suisse.
Inventés et commercialisés par LEM dès 1972, les capteurs de courant ou de tension permettent de mesurer le courant électrique qui circule dans un câble.
On les utilise dans tout appareil faisant appel à un moteur électrique pour réguler le courant et ainsi l’économiser.
Dans une voiture, le capteur évite que la batterie ne soit chargée en permanence par l’alternateur. Installer un capteur, c’est optimiser le fonctionnement de l’alternateur et gagner quelques pour-cents de consommation d’essence.
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