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Le spectre d’une hausse des prix plus fort que les aliments équitables

Une majorité des votants estime que la Confédération est suffisamment armée pour garantir des aliments de qualité et produits dans de bonnes conditions. Keystone/Gaetan Bally

Le gouvernement ne renforcera pas les mesures pour assurer la qualité des assiettes des Suisses. La crainte de voir le prix des denrées alimentaires prendre l’ascenseur a coulé l’initiative «Pour des aliments équitables», rejetée dimanche par un peu plus de 60% des votants. Le texte n’a séduit que quatre cantons francophones.

Les citoyens suisses ont eu peur pour leur porte-monnaie. Ils ont balayé ce dimanche l’initiative «Pour des denrées alimentaires saines et produites dans des conditions équitables et écologiques»Lien externe  (pour des aliments équitables) par 61,3 % des voix.

Lancé par les Verts, le texte exigeait que la Confédération promeuve des produits sûrs et de bonne qualité. Objectif: s’assurer que les denrées alimentaires soient produites dans le respect de l’environnement, des ressources et des animaux, ainsi que dans des conditions de travail équitables.

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Initiative superflue et coûteuse

Les citoyens ont été particulièrement réceptifs aux arguments des opposants, qui ont brandi le spectre d’une hausse des prix des aliments. Ceux-ci estimaient qu’une application rigoriste du texte aurait conduit à une baisse de l’offre, une hausse de prix et une augmentation du tourisme d’achat.

Les votants se sont en outre laissé convaincre par l’argument du gouvernement, qui avait décrit l’initiative comme superflue. Le Conseil fédéral avait assuré que la législation suisse permettait déjà de répondre aux exigences de l’initiative, grâce notamment aux labels permettant d’informer le consommateur. Inutile ainsi de mettre en place un système complexe et coûteux, susceptible d’entrer en conflit avec des accords internationaux.

«C’est quand même une victoire, quelque soit le résultat»
Adèle Thorens

En début de campagne, l’initiative avait pourtant les faveurs de la cote; puisque trois quarts des personnes interrogées lors du premier sondage de la Société suisse de radiotélévision (SSR) avaient dit vouloir voter en faveur de ces deux textes. Comme l’initiative «Pour la souveraineté alimentaire», également balayée ce dimanche, le texte des Verts a ensuite été victime d’une chute vertigineuse dans l’opinion publique, à tel point que seuls 53% des sondés lui accordaient encore leur soutien début septembre.

Un échec aux allures de victoire pour les Verts

«C’est quand même une victoire, quelque soit le résultat», a estimé la conseillère nationale Verte Adèle Thorens sur les ondes de la Radio Télévision Suisse (RTS). Elle a interprété l’important soutien au texte en début de campagne comme un signe positif: «Cela a montré que l’objectif général de l’initiative est largement partagé, c’est-à-dire que les gens souhaitent avoir des aliments équitables produits dans de bonnes conditions.»

Pour Adèle Thorens, il faudra à l’avenir prendre cette tendance en considération dans l’élaboration de la politique agricole et des accords de libre-échange. C’est sans doute la question de la mise en œuvre des deux initiatives, qui a fait pencher la balance du côté du non, a-t-elle encore analysé.

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Un texte «qui allait trop loin» 

Dans le camp des opposants, on estime aussi que les citoyens partagent les objectifs poursuivis par le texte. Toutefois, les votants ont senti que l’initiative «allait trop loin», a analysé le député de l’Union démocratique du centre (UDC /droite conservatrice) Manfred Bühler, également interviewé par la RTS.

Ce dernier a estimé que le peuple avait déjà manifesté sa volonté d’aller dans cette direction, en acceptant l’article constitutionnel sur la sécurité alimentaire le 24 septembre 2017. Les Suisses veulent toutefois amorcer le tournant «pas à pas, de manière progressive, supportable surtout pour l’agriculture, mais aussi pour l’économie et les ménages», selon Manfred Bühler.

L’argument du coût pour le panier de la ménagère a fait mouche, le député en est convaincu. «Élever les standards a effectivement un coût, comme adapter les bâtiments au bien-être des animaux. Ce coût se répercute ensuite sur le consommateur», a-t-il affirmé.

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Le Parti libéral-radical (PLR, centre droit) s’est réjoui que les accords internationaux, notamment avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC), n’aient pas été remis en question. «Aujourd’hui, ces accords garantissent un commerce sans heurts et des importations profitant aux consommateurs», selon le parti.

Le ministre de l’Intérieur Alain Berset a accueilli ce rejet avec satisfaction. Il a rappelé que les bases constitutionnelles sur l’alimentation existent déjà, grâce notamment à l’article sur la sécurité alimentaire approuvé par le peuple il y a un an.

«Élever les standards a effectivement un coût, qui se répercute ensuite sur le consommateur»
Manfred Bühler

Une lecture plus sociale des enjeux chez les francophones

Un röstigraben (une différence nette) apparaît entre la partie francophone et la partie alémanique du pays. Seuls quatre cantons romands ont accepté les deux initiatives agricoles (aliments équitables et souveraineté alimentaire), soit Neuchâtel, Genève, Vaud et le Jura. Fribourg, le Valais et toute la Suisse alémanique ont dit massivement non.  Interviewé par Keystone-ATS, le sénateur Vert Robert Cramer a évoqué un rapport à l’alimentation qui n’est pas le même dans les deux régions linguistiques.  

Le syndicat agricole Uniterre, à l’origine de l’autre initiative agricole soumise au vote ce dimanche «Pour la souveraineté alimentaire», bénéficie d’un large soutien en Romandie. Le politologue Georg Lutz, contacté par swissinfo.ch, souligne qu’une grande partie des votants n’ont pas véritablement fait une distinction entre les deux textes. Grâce au petit syndicat essentiellement romand, les deux initiatives ont bénéficié d’une caisse de résonance plus puissante auprès des francophones.

Le politologue avance une autre explication; les interventions étatiques semblent mieux acceptées par les Romands. Côté alémanique, l’impression de conférer au gouvernement le pouvoir de dicter la manière de s’alimenter a poussé de nombreuses personnes à glisser un non dans l’urne.

La population francophone s’était montrée jusqu’ici moins sensible aux questions écologiques, ce qui rend le résultat d’autant plus surprenant. Georg Lutz explique cette particularité par le fait que les citoyens ont davantage perçu ces initiatives comme le moyen de répondre à des préoccupations sociales qu’aux défis environnementaux.

La thématique reste à l’agenda

L’agriculture et l’alimentation sont des thèmes particulièrement porteurs et actuels sur la scène politique helvétique. Lors des prochaines votations fédérales, le 25 novembre prochain, les citoyens suisses se prononceront sur l’initiative «Pour les vaches à cornes»Lien externe

Deux autres propositions, sur l’utilisation des pesticides («Pour une eau portable propre» et «Pour une Suisse sans pesticides de synthèse»), ont réussi à recueillir les signatures nécessaires pour être soumises en votation. Enfin, une initiative a été lancée en juin dernier contre l’élevage intensif.


Bonne nouvelle pour les amateurs de foie gras

L’initiative pour des aliments équitables comptait fixer des exigences pour la production et la transformation des aliments. Des critères qui s’appliqueraient aussi bien aux produits helvétiques qu’à ceux qui sont importés.

Les amateurs de foie gras auraient notamment pu se voir priver de leur mets favori. Sa production impliquant le gavage des oies (prohibé l’ordonnance fédérale sur la protection des animaux), elle est interdite en Suisse. Le foie gras continue toutefois de pouvoir être importé. La donne aurait pu changer si l’initiative avait été acceptée, et le foie gras produit à l’étranger aurait pu se voir banni des étals des magasins helvétiques.   

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