Emeutes: le gouvernement déploie des blindés, événements annulés
(Keystone-ATS) Blindés légers, unités d’élite et 45’000 hommes mobilisés: le gouvernement français a engagé des moyens « exceptionnels » vendredi pour enrayer le cycle des violences, qui agitent de nombreuses villes du pays depuis la mort mardi d’un jeune à Paris, tué par un policier.
Alors que de nombreuses villes françaises, en région parisienne comme en province, portaient, avant même le week-end et les obsèques du jeune homme tué annoncées samedi, les stigmates d’un déferlement de violence, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a annoncé à la télévision qu’il mobilisait de grands moyens.
Il y aura « davantage d’unités spécialisées », comme le RAID et le GIGN, et un total de 45’000 policiers et gendarmes mobilisés, a-t-il dit à l’antenne de la chaîne TF1. « Ces prochaines heures vont être déterminantes », a écrit le ministre aux forces de l’ordre et aux pompiers.
La première ministre Elisabeth Borne a de son côté annoncé le déploiement de véhicules blindés de la gendarmerie et l’annulation des « événements de grande ampleur » dans tout le pays. Les bus et les tramways devaient également être à l’arrêt dans tout le pays à partir de 21h00. Des liaisons avec la Suisse ont ainsi été interrompues.
Tué à bout portant
Le jeune homme de 17 ans, Nahel, a été tué à bout portant par un policier mardi à Nanterre près de Paris alors qu’il était au volant, sans permis de conduire, d’une puissante voiture et tentait d’échapper à un contrôle.
Les troubles sont depuis allés crescendo et se sont étendus à de nouvelles villes dans la nuit de jeudi à vendredi, durant laquelle 492 bâtiments ont été atteints, 2000 véhicules brûlés et 3880 incendies de voie publique allumés, selon des chiffres officiels. 900 personnes, souvent très jeunes, ont été interpellées.
« Des écoles, des polices municipales, des mairies annexes, des centres sociaux, des bus, des tramways ont été pris pour cible, attaqués, vandalisés, saccagés », a dénoncé la présidente de la région parisienne Valérie Pécresse, du parti de droite Les Républicains.
Des violences et pillages ont repris dans la journée de vendredi, notamment à Strasbourg (est), où un Apple Store a été pillé, et à Marseille (sud) où une manifestation a dégénéré dans la soirée.
Couvre-feux
Au moins trois villes proches de Paris et plusieurs villes de province ont décidé d’instaurer des couvre-feux. Le gouvernement a aussi décidé l’annulation d’événements « de grande ampleur », notamment les concerts de la chanteuse Mylène Farmer au stade de France près de Paris vendredi et samedi.
Le président français Emmanuel Macron, qui a écourté son séjour vendredi matin à Bruxelles, a appelé à la responsabilité des familles alors que la jeunesse des auteurs des violences a frappé les esprits.
« Un tiers des interpellés de la dernière nuit sont des jeunes, parfois des très jeunes », a-t-il observé vendredi. Il a accusé les réseaux sociaux d’attiser cette violence en véhiculant mots d’ordre et vidéos.
M. Macron a dit attendre un « esprit de responsabilité » de ces plateformes, citant notamment Snapchat et TikTok, où s’organisent « des rassemblements violents » et qui suscitent aussi « une forme de mimétisme de la violence », selon lui.
La mort de Nahel, dont la famille est originaire d’Algérie, a ravivé le sujet des violences policières, dans un pays où 13 personnes sont mortes à l’issue d’un contrôle de police l’an dernier.
L’ONU sur le racisme
Lors du point de presse régulier de l’ONU à Genève vendredi, le haut commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a pressé la France « de s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre ». L’accusation a été jugée « totalement infondée » par le ministère français des affaires étrangères, qui a immédiatement réagi.
Les violences inquiètent aussi les voisins de la France. Le Royaume-Uni et d’autres pays européens, ainsi que les Etats-Unis, ont mis en garde leurs ressortissants en les pressant d’éviter les zones d’émeutes.
Le policier, auteur du tir, un motard de 38 ans, a été inculpé jeudi pour homicide volontaire et placé en détention. Une vidéo le montre appuyé sur le côté de la voiture, tenant en joue le conducteur avant de tirer à bout portant quand le véhicule redémarre brusquement.