256 000 litres de vin public aux enchères

Tous les deuxièmes jeudis de décembre, Lausanne mise ses meilleurs crus, rouges ou blancs. Le plus grand domaine viticole public de Suisse s'adonne à cette coutume depuis 200 ans.
Les millésimes 2002 s’annoncent de grande qualité.
Depuis 1803, la Ville de Lausanne met tous les deuxièmes jeudis du mois de décembre ses vins aux enchères publiques. Cette année, 256 000 litres seront répartis en 400 lots allant de 95 à 3 800 litres.
Le vin est vendu «vin clair». Il est prêt pour la mise en bouteilles par lots. Le prix du litre sert de base à la transaction.
Si la mise en bouteille a lieu à la propriété, et à cette seule condition, des étiquettes officielles et des bouchons aux armoiries de la Ville de Lausanne sont apposés sur les flacons.
Les enchères sont traditionnellement précédées de deux jours de dégustations. L’un est consacré aux crus de la Côte, l’autre à ceux du Lavaux.
Les fins palais s’y pressent, particuliers, représentants de vinothèques ou restaurateurs. Chacun y va de son verdict sur la cuvée. Celle de 2002, selon l’œnologue Nicolas Rilliet, sera «exceptionnelle, pour la région de la Côte particulièrement. Elle sera certainement à la hauteur de la cuvée 2000 qui était un millésime hors pair».
Tradition viticole millénaire
Lausanne et sa région produisent du vin depuis plus de mille ans. Les premières preuves d’une présence viticole en Suisse romande remontent à l’an 885. Il s’agissait des domaines de Champagne, de Corcelles et des environs d’Yverdon.
Lausanne recense ses premières vignes vers 901. «Il y en avait beaucoup «intra muros»à Lausanne», précise Nicolas Rilliet.
Et le premier domaine à échoir en mains publiques, sera le Clos des Abbayes. L’évêque de Lausanne va tout d’abord le céder au couvent de Montheron en 1141.
Il charge les moines cisterciens de défricher les terrasses du Dezaley et d’y planter des vignes. A la même époque, d’autres religieux font de même sur le domaine des Faverges à Saint-Saphorin.
Intervention bernoise
Il faut ensuite remonter à l’occupation bernoise pour expliquer la sécularisation du Clos des Abbayes. En 1536, les Bernois imposent la Réforme en terre vaudoise.
Les biens des couvents vont passer dans le domaine public. Assujettie, Lausanne perd son statut de capitale d’Evêché. En compensation, la Ville, l’Hôpital Notre-Dame et la Bourse aux Pôvres reçoivent ce vaste domaine rural.
Suivront en 1802 le Clos de Mont (Mont-sur-Rolle) et le domaine de Burignon (Saint-Saphorin), en 1803 le Clos des Moines (Dezaley) et enfin, en 1838, le Château Rochefort (Allaman).
Ce qui fait de Lausanne, avec ses 36 hectares, le plus grand domaine viticole public de Suisse. Il produit entre 300 000 et 400 000 bouteilles par an. Les fûts de chêne qui servent à vinifier une bonne partie de la vendange proviennent des bois de Vernand, également propriété de la Ville.
Mise aux enchères unique en Suisse
Les Romands sont bien connus pour aimer et défendre leurs vins locaux. D’autres collectivités publiques, comme les cantons de Vaud, de Genève et de Neuchâtel possèdent également des vignes.
En Valais, le domaine du Grand Brûlé servait jusqu’à peu à l’expérimentation de cépages. Le produit de 24 d’entre eux est commercialisé. Une partie du bénéfice, 10% environ, est reversé au canton.
Le domaine des Faverges a, lui, été attribué au canton de Fribourg en 1848, à la fin de la guerre du Sonderbund, à l’époque de la Constitution fédérale. Cette enclave en terre vaudoise lui a été offerte pour compenser l’interdiction d’étendre son territoire jusqu’au Lac Léman.
Lausanne reste toutefois la seule collectivité publique d’importance, à l’exception de quelques villages viticoles, à mettre ses vins aux enchères.
La pratique, instaurée en 1803, rencontre toujours le même succès public. Ce qui réjouit l’œnologue: «Les Lausannois sont très fiers de leurs produits. Les restaurateurs aiment aussi pouvoir référencer un vin du crû sur leur carte».
La Ville en attend un bénéfice de 2,5 millions. Cette manne lui permet d’assurer l’autofinancement du domaine. 200 000 à 300 000 francs retournent habituellement dans la caisse communale. Lausanne se réserve, par ailleurs, entre 15 000 et 20 000 bouteilles pour son vin d’honneur.
swissinfo/Anne Rubin
La Mise aux enchères publiques des vins de la Ville de Lausanne a lieu le jeudi 12 décembre 2002, à 14h00 à la Salle du Conseil communal de l’Hôtel de Ville, Lausanne.

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